Le métier d'expert-comptable est-il voué à disparaître ?

A l'heure où la transformation digitale s'est généralisée, certains métiers subissent des évolutions significatives. La fonction d'expert-comptable figure parmi ces rôles qui doivent se réinventer.

La transformation digitale, en place depuis plusieurs années et accélérée par la pandémie, a conduit de nombreuses entreprises à repenser leurs approches et leurs processus. Cela n’a naturellement pas été sans impact sur les métiers, parmi lesquels celui d’expert-comptable, eux-mêmes forcés de s’adapter et d’intégrer le numérique à leur quotidien. A ce titre, les résultats du dernier baromètre publié par l’OMECA (L’Observatoire des Métiers de l'Expertise Comptable, du Commissariat aux Comptes et de l'Audit), indiquent que 9 cabinets comptables sur 10 (86 %) interrogés se disent confiants face à l’échéance de la facture électronique, prévue en 2024, mais 73 % expriment malgré tout, un besoin d’accompagnement.

Un constat marqué par de nombreux paradoxes

L’automatisation s’est généralisée au sein des organisations, tous secteurs confondus, et s’est imposée comme une solution permettant de remplacer certaines tâches fastidieuses et chronophages. Cela a notamment conduit à un regain de temps, à une réduction du taux d’erreurs et, dans une certaine mesure, à réduire la main d’œuvre sur certains postes.

C’est le cas dans la fonction comptable, notamment, où les technologies, combinées aux évolutions réglementaires, ont créé un paradoxe. D’un côté, elles font disparaître certaines tâches comptables, et de l’autre, on observe des postes vacants dans le secteur et une hausse des recrutements, comme en témoignent les résultats de l’OMECA : 24 % des cabinets comptables s’attendent à une augmentation du nombre de salariés au 1er semestre 2023, par rapport à la même période de 2022 qui enregistrait déjà une augmentation de 84 %. La vraie question qui se pose alors dans cette période de transition est celle de l’accompagnement vers de nouveaux rôles et de nouvelles fonctions.

En effet, alors que la généralisation de la facturation électronique pour l’ensemble des entreprises, au 1er juillet 2024, suscite beaucoup de questions, elle constitue surtout une opportunité pour les experts comptables de voir les tâches dites « à faible valeur ajoutée » pouvant être automatisées et réduites en faveur de fonctions d’analyse, où l’humain reste indispensable. Face à cette échéance, les professionnels ont principalement besoin d’accompagnement et de conseil pour adopter ces changements et intégrer ces nouvelles pratiques dans leur métier.

L’automatisation, alliée du comptable de demain

Pour le spécialiste américain Peter Drucker, « l'innovation systématique requiert la volonté de considérer le changement comme une opportunité ». C’est précisément la direction que prend le métier de comptable.

L'essor de l'Intelligence Artificielle (IA) et de la robotique a entraîné une baisse significative des coûts de main-d'œuvre ; une réalité qui a également impacté les comptables. Basée sur des algorithmes complexes et sur les technologies d’apprentissage automatique (machine learning), l’IA peut prendre en charge les tâches comptables répétitives et classiques telles que la saisie de données, l'audit, la préparation des déclarations de revenus, la gestion de la paie ou encore les opérations bancaires. Cependant, une machine ne peut, ni ne doit remplacer l'humain. Elle doit en revanche simplifier son quotidien, fonctionner de manière complémentaire.

Le comptable a besoin de vérifier toute tâche conduite par un outil IA afin d’éviter toute erreur, d’assurer la fiabilité des données et de pallier tout risque de biais causé par des données de base erronées ou incomplètes. Cela nécessite par conséquent une compréhension approfondie du fonctionnement de ces technologies, et donc une évolution dans leurs fonctions pour allier leur expertise à ces nouvelles pratiques. Ainsi, en adoptant de nouveaux outils, tels que ceux de prévision, ils seront plus à même d'identifier les inefficacités opérationnelles et les risques inhérents à la gestion, grâce à des analyses d’activités passées lesquelles favorisent l’anticipation des besoins à venir.

Vers un rôle de conseiller administratif, fiscal et financier

Dans un monde de plus en plus technologique et digitalisé, remettre de l’humain au cœur des processus et des relations est devenu essentiel. Si le métier d’expert-comptable n’est pas voué à disparaître, il connaît indéniablement une transformation et pousse les professionnels à évoluer vers de nouvelles compétences et vers une nouvelle approche des problématiques des entreprises.

A terme, les comptables évoluent vers des rôles de conseillers d'entreprise. C’est déjà le cas pour de nombreux dirigeants qui externalisent cette fonction et ont besoin du conseil et de l’expertise de ces professionnels pour piloter leur entreprise, comprendre les réglementations, leurs rôles et anticiper les risques.

Au démarrage, une petite structure n’a pas nécessairement les ressources pour s’équiper d’outils, ou recruter l’ensemble des profils adéquats dès la première heure. Souvent, le dirigeant occupe tous ces rôles à la fois. Or, plus le cadre réglementaire évolue, plus les exigences requièrent des formations, et donc du temps, dont les dirigeants ne disposent pas nécessairement. C’est pourquoi, alors que le comptable est indispensable pour accompagner tout entrepreneur, son rôle de conseiller devient de plus en plus évident et clé pour le futur des entreprises ; en particulier des petites et moyennes structures.

Le changement fait peur et s’accompagne souvent du fantasme, entretenu depuis des années par la littérature et le 7e Art, que les technologies vont remplacer les hommes, dans un futur plus ou moins proche. Or, l’innovation, comme l’explique David Ogilvy, doit être encouragée, plutôt que crainte, car « le changement est notre force vitale, [tandis que] la stagnation [est] notre glas. ».

Le métier de comptable n’a donc pas vocation à disparaître avec la digitalisation des services, mais il est indéniablement voué à évoluer et à devenir le partenaire stratégique indispensable des entreprises.