Quand inflation rime avec fraude

Le contexte économique actuel, fragile et marqué par l'inflation, est une aubaine pour les fraudeurs. Les risques augmentent pour de nombreux secteurs d'activités, et peut faire craindre le pire.

Dans un contexte économique marqué par une inflation croissante et une baisse du pouvoir d'achat, la question de la fraude occupe une place préoccupante. Les chiffres en constante évolution témoignent de son impact significatif sur l'économie : entre 2021 et 2022, on estime que la fraude a bondi de plus de 100%. Selon le gouverneur de la Banque de France, le ralentissement de l’économie devrait se poursuivre en 2023, alors que 2024 devrait marquer un rebond avec une augmentation accrue de l’activité et in fine de la consommation. Le contexte macroéconomique joue en effet un rôle déterminant dans l'essor de la fraude. Une aubaine pour les fraudeurs qu’il convient de comprendre pour en anticiper les répercussions.

D'une part, les facteurs exogènes à l'économie, comme la digitalisation et la dématérialisation croissante des démarches administratives et des processus financiers dans tous les secteurs (banques, assurances, prestations sociales, immobilier…) ont ouvert de nouvelles opportunités d’arnaque. En parallèle, les tricheurs ont moins de scrupules à agir, regrettant l’injustice de la baisse du pouvoir d’achat : c’est comme ça que près de 20% des Français déclarent avoir déjà fraudé leur assurance, un chiffre en augmentation de 9 points par rapport à l’année précédente. D'autre part, les aspects purement économiques sont également à prendre en compte. En période de forte croissance économique, la fraude tend à augmenter, car les opportunités d'exploiter les failles sont plus nombreuses. De même, en cas de récession ou de difficultés économiques, les individus et les entreprises sont plus enclins à y recourir pour compenser les pertes financières, liées par exemple à l’inflation ou à des taux de prêt qui augmentent drastiquement.

La forte variation de l'économie engendre une augmentation de la fraude, et le contexte actuel, peu favorable à la stabilité, peut faire craindre le pire. D’autant plus que si la fraude impacte les finances publiques et les résultats des entreprises, elle impute par ricochet directement au contribuable : augmentation des abonnements et des services (polices d’assurances, téléphonie, financements). Les projections pour l'année prochaine indiquent en effet que des rebondissements sont à prévoir, avec une reprise de l'activité économique. Cela se traduira par une demande croissante de polices d'assurance, d'achats de voitures, de prêts immobiliers… Autant de domaines propices à la fraude si les mesures adéquates ne sont pas prises.

Pour agir, il faut avoir conscience que la fraude émane aussi bien des particuliers que des professionnels, et les exemples concrets qui témoignent de cette réalité ne manquent pas. Dans le secteur des assurances, les tarifs ont connu une augmentation drastique au cours des dernières années. Selon la Fédération Française de l’Assurance (FFA), le contrat multirisque habitation a augmenté de 34 % en 10 ans. Résultat : une personne sur dix se dit désormais prête à faire une fausse déclaration à sa compagnie d'assurance (étude YouGov pour lecomparateurassurance.com). Le secteur immobilier connaît également son lot de fraudes. Pour contrer un accès au logement de plus en plus difficile et répondre aux exigences des propriétaires, les locataires n’hésitent plus à tricher. De la simple modification de la date de démarrage d'un contrat de travail à la falsification de documents administratifs et officiels tels que les fiches de paye, les avis d'imposition, les contrats de travail ou les titres de séjour, 20% des dossiers seraient concernés à Paris et dans la première couronne, et 10% en province. Une solution également démocratisée sur les réseaux sociaux, via lesquels des fraudes massives ont été observées à travers l'édition de fausses factures pour obtenir des remboursements indus dans des domaines tels que l'optique, la dentisterie ou le remplacement de pare-brise. Dans le monde de l’entreprise, l'affacturage, pourtant monnaie courante, n'est pas non plus épargné. L’anticipation de déclaration de prestations ou l’édition de fausses factures peut entraîner des préjudices financiers atteignant des millions d'euros. Daniel Darne, ancien Directeur risque au Crédit Mutuel Factor, explique : “En cas de croissance économique, les entreprises ont besoin de fonds de roulement pour faire face à la demande, et cherchent donc à anticiper les rentrées d'argent futures. Au contraire, en période de déclin, les entreprises font face à des charges similaires, mais à des fonds qui se resserrent, les poussant ainsi à chercher des moyens de générer rapidement du cash.”

La relation entre l'inflation et la fraude est complexe et interdépendante. Dans un contexte économique incertain, le développement rapide de la numérisation de l'économie, qui reste encouragée par le législateur (en témoigne l'exemple de la facturation électronique obligatoire dès 2024), renforce le risque de sa démocratisation. Les conditions économiques actuelles poussent les organisations à s’attaquer aux sources de revenus perdues, parmi lesquelles la fraude occupe une place de choix. Face à sa constante augmentation, entreprises et administrations doivent donc gagner en efficacité pour l’identifier et limiter les pertes financières qui lui sont liées.