Pourquoi la formation à distance demeure, à tort, le parent pauvre de la formation professionnelle ?

La formation distancielle souffre encore de préjugés qui freinent sa prise en charge par certains financeurs, alors qu'elle pourrait pallier les inégalités d'accès à la formation des Français.

Alors que fin 2019, le Coronavirus semblait une lointaine bien que préoccupante maladie, le virus s’est rapidement propagé en Europe et en France jusqu’à engendrer la mise en place de nombreuses mesures. Certaines d’entre elles ont grandement accéléré et durablement pérennisé des pratiques existantes depuis plusieurs années.

C’est le cas du télétravail qui s’est développé à vitesse grand V mais aussi de la formation professionnelle. Cette dernière a connu des évolutions majeures ces deux dernières années, aussi bien sur le fond, avec des thématiques adaptées aux besoins immédiats d’entreprises profondément bouleversées par la crise sanitaire, que sur la forme avec l’explosion du recours à la formation à distance pendant la pandémie. Pourtant, malgré son recours massif pendant les périodes de restrictions et son engouement croissant auprès des Français, la formation à distance n’est toujours pas considérée sur un pied d’égalité avec la formation présentielle par certains organismes et financeurs publics.

La formation en distanciel est toujours perçue par certains financeurs publics comme le parent pauvre de la formation continue

On constate alors que cette modalité d'apprentissage se trouve désavantagée à différents niveaux.

Dans le financement public tout d’abord où le format présentiel est souvent exigé. C’est le cas de nombreuses régions dont les appels d’offres ou les financements individuels dans le cadre du Plan régional de Formation sont conditionnés à une présence du stagiaire en centre de formation.

En termes de rémunération de formation également. Certaines instances régionales des associations paritaires qui financent les reconversions considèrent que le temps de formation à distance ne doit pas être rémunéré comme s’elles considéraient que les salariés qui se forment à distance ne méritent pas ou n’ont pas besoin d’une allocation de formation pour se nourrir, pour se loger durant leur montée en compétences au même titre que ceux qui se forment en présentiel.   

Enfin, il est considéré par de nombreux financeurs que les formations à distance devraient forcément être moins coûteuses que leur équivalentes en présentiel. Pourtant, si la structure de coût est évidemment différente entre du présentiel et du distanciel de qualité, la marge opérationnelle n’est pas toujours en faveur de l’enseignement à distance. Les dépenses en R&D afin de financer les investissements en ingénierie pédagogique et en accompagnement humain sont autant de coûts que les organismes de formation à distance doivent supporter, contrairement aux formations dispensées en présentiel.

Une inégalité de traitement et tout un pan de la population exclu de l’action de formation

Cette différence de traitement aboutit dans les faits à une exclusion de nombreux Français de la formation professionnelle.

De ce fait, les individus ne résidant pas dans un grand pôle urbain regroupant une offre de formation complète sont d’office privés de montée en compétences. La logistique complexe et les coûts de transport dissuadent un grand nombre de salariés ou de demandeurs d’emploi de se former, ce qui nourrit une fracture déjà profonde entre les villes et les campagnes.

Il en est de même pour les nombreux Français qui ne peuvent se rendre en centre de formation à heures fixes (familles monoparentales, demandeurs d’emploi en activité partielle, personnes en situation de handicap). Là encore l’on ajoute une exclusion à des difficultés.

Enfin, on compte les demandeurs d’emploi, qui peuvent se retrouver dans une situation inextricable où leurs compétences actuelles ne suffisent pas pour retrouver un emploi et doivent attendre parfois plusieurs mois, voire une année, pour débuter leur formation. 

Sur le papier, les formations à distance de qualité valent les formations en présentiel

Bien qu’il reste du chemin à parcourir, on ne peut pas nier les avancées législatives de ces dernières années pour permettre puis démocratiser la formation à distance et ce bien avant la pandémie.

La Formation Ouverte et à Distance (FAOD) a d’abord été définie dans une circulaire de 2001, puis rénovée par la Loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Elle définit l’action de formation comme un parcours pédagogique qui permet d’atteindre un objectif professionnel et qui peut se réaliser en tout ou partie à distance.

La reconnaissance pédagogique et la qualité des formations à distance est également assurée par leur présence au Répertoire Nationale des Certifications Professionnelles (RNCP) ou au Répertoire Spécifique (RS). En d’autres termes, France compétences, l'autorité nationale unique de régulation et de financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage, a validé le caractère certifiant ou diplômant de nombreuses formations 100% à distance lorsque les critères de qualité de ces formations sont réunis.

Enfin, les organismes de formation à distance sont soumis aux mêmes exigences de qualité que leurs confrères en présentiel pour bénéficier du financement public, à savoir la certification Qualiopi. 

Ainsi, dans la mesure ou les formations à distance de qualité reconnues par France Compétences et certifiées Qualiopi favorisent une réelle montée en compétences, au même titre que les formations en présentiel, il est urgent que les pouvoirs publics appliquent une politique de non-discrimination des formations selon la modalité pédagogique afin que chaque employé, que chaque demandeur d’emploi, puisse choisir la modalité pédagogique qui lui convient le mieux en fonction de ses contraintes, de ses aspirations. C’est l’esprit de la loi de 2018, confirmé dans son rapport d’évaluation publié en 2022 par les députés. Pourtant nous en sommes très loin.