Le travail dissimulé : des risques bien réels
Souvent perçu comme un risque lointain, la sanction du travail dissimulé devient une réalité de plus en plus concrète pour les entreprises. Erigée en objectif prioritaire des pouvoirs publics, la chasse au travail dissimulé connu une nette accélération au cours de ces dernières années.
En matière de redressement de
cotisations sociales, les chiffres sont éloquents.
En 2010, les actions de
l’URSSAF ont donné lieu à 3 333 redressements forfaitaires, concernant
8 522 salariés « dissimulés », soit un montant total d’environ
30 millions d’euros.
1/ Un concept
apparemment simple : forme particulière de travail illégal, le travail dissimulé recouvre
deux réalités définies juridiquement :
- Le travail dissimulé par dissimulation d’activité : c’est l’exercice à but
lucratif d’une activité sans accomplissement des formalités d’immatriculation
ou de déclaration auprès des organismes sociaux ou de l’administration fiscale,
et cela de manière intentionnelle.
- Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi : c’est le fait de soustraire intentionnellement à la déclaration nominative
préalable à l’embauche, aux déclarations relatives aux salaires ou cotisations
sociales auprès des organismes concernés, à la remise de bulletin de paie, à la
mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à la
réalité...
2/ Une réalité plus
complexe : à
première vue, caractérisé dans des cas identifiés, visant des entreprises s’inscrivant
volontairement hors du cadre légal, cette apparente simplicité doit être
relativisée.
La problématique du travail
dissimulé concerne potentiellement toutes les entreprises et non plus certains
secteurs d’activité.
Dans les groupes de sociétés, elle
surgit lors de la mise en œuvre de schémas organisationnels couramment utilisés
: mise à disposition de salariés ou encore recours à la prestation de services.
Le travail dissimulé émerge
également dans le cadre de litiges portant sur la durée du travail des cadres
(remise en cause des conventions de forfaits annuels en jours) ou la
reconnaissance d’une situation de co-emploi.
On peut également identifier
comme zone de risque les situations de recours massif à des stagiaires ou à des
travailleurs indépendants.
3/Les acteurs de la
lutte contre le travail dissimulé sont variés (agents et officiers de police judiciaire, agents
des douanes et des impôts, inspecteurs du travail ou encore des contrôleurs
URSSAF…). Leurs moyens sont étendus (droit
de communication de certains documents, audition de personne ….).
Au surplus, la mise en place d’un
système de coordination entre les différentes administrations facilite les
échanges d’informations entre ces différents organismes.
Les révélateurs d’une situation
de travail dissimulé peuvent donc apparaître à plusieurs moments de la vie de
l’entreprise : lors d’un contrôle URSSAF, d’une visite de l’inspection du
travail mais également à l’occasion d’un contentieux prud’homal.
4/Les enjeux sont réels
pour les entreprises.
De manière schématique, les principales sanctions sont les suivantes :
Au plan civil, l’entreprise peut être condamnée
au versement de la rémunération et des cotisations afférentes correspondant au
travail réellement effectué ainsi qu’au paiement d’une indemnité forfaitaire
égale à 6 mois de salaire en cas de rupture de la relation contractuelle (sous
certaines conditions).
L’action peut être engagée par le
salarié ou par une organisation syndicale au nom de la défense des intérêts de
la profession.
Au plan pénal, le délit de travail dissimulé
est puni :
* de 3 ans et 45 000 euros
d’amende pour les personnes physiques, 225 000 euros pour les personnes
morales.
* A cela peuvent s’ajouter des
peines complémentaires comme l’affichage du jugement, le confiscation des
objets (outils, machines) ou des biens et produits, une interdiction d’exercer,
l’exclusion des marchés publics pour une durée de 5 ans au plus, l’interdiction
des droits civiques ou du territoire pour les étrangers.
Au plan administratif et en présence d’un procès
verbal de travail dissimulé, l’employeur peut être privé du bénéfice de mesures
de réduction et d’exonération de cotisations de sécurité sociale.
5/ Les conseils à
suivre : Il
va s’en dire que dans un contexte économique difficile, certains comportements,
pas nécessairement illicites, seront examinés de plus près.
A noter que la publicité tendant
à promouvoir en toute connaissance de cause le travail dissimulé, comme encore
le recours conscient aux services d’une personne qui exerce du travail
dissimulé sont des pratiques également prohibées.
Les employeurs doivent donc opter
pour une gestion vigilante de leurs ressources humaines et porter une attention
particulière dans les domaines suivants : embauche de personnel, gestion
de la durée du travail, paiement des salaires et cotisations sociales et
exercice du lien de subordination.
En cas de prestation de services,
le donneur d’ordre doit être pro actif afin de ne pas voir sa responsabilité
engagée : il devra en effet procéder aux vérifications imposées par la loi
pour s’assurer que son cocontractant respecte la législation en matière de
droit du travail.