La résilience, le vaccin des entreprises françaises face au Covid-19

Les entreprises technologiques et innovantes ont une capacité de résilience bien plus forte que les modèles traditionnels, qui tient notamment à une agilité et à une réactivité plus grandes dans les modes de travail.

Depuis le mois de mars, les différents agents économiques essayent d'identifier les impacts du Covid-19 sur les entreprises à trois niveaux. D’abord, la mesure d’un impact à court terme, principalement sur la trésorerie des entreprises et sur leur capacité à survivre à la baisse parfois violente de chiffre d’affaires qui touche une grande partie des entreprises, à l’exception de quelques secteurs épargnés. A date, cet impact semble être mesuré et géré, heureusement, pour la plupart des entreprises, grâce au soutien exceptionnel de l’Etat via les mesures de chômage partiel, les reports de charges, taxes et d’impôts et aux mécanismes de financement mis en place par les pouvoirs publics comme les PGE et les autres mécanismes via Bpifrance.

Ensuite, l’estimation d’un impact à moyen terme, sur les différents secteurs de l’économie, par la vitesse de reprise de l’activité. A date, cet impact reste difficile à estimer car l’incertitude demeure sur le rythme de la reprise et sur la probabilité de nouvelles vagues de l’épidémie. Cette incertitude crée une forme d’inertie de l’économie, des décideurs, et dans une certaine mesure également des salariés et fonctionnaires qui ne se sont tous pas précipité pour reprendre le travail. Enfin, la prise en considération d’un impact à long terme, sur la capacité de rebond des entreprises et leur capacité à saisir de nouvelles opportunités (nouvelles dynamiques de marché, prise de parts de marché, consolidation). Ce troisième point, plus positif, tient beaucoup de la capacité des entreprises à réagir vite et à être agiles. 79% des entreprises ayant pour actionnaire des fonds de PE envisageraient des opérations de build-up post crise. 

Si cette façon de mesurer les impacts est valable quels que soient les secteurs, nous avons le sentiment que les entreprises technologiques et innovantes ont une capacité de résilience bien plus forte que les modèles traditionnels. Cela tient bien évidemment à leur moindre dépendance aux contingences physiques mais également à une agilité et à une réactivité plus grandes dans les modes de travail, de décisions et dans la capacité à opérer dans des conditions changeantes. Et cela tient surtout à une accélération forte des besoins des différents agents économiques (grands groupes, PME et individus) de solutions nouvelles, plus rapides, plus efficaces et adaptées à des environnements changeants et incertains. On peut citer plusieurs exemples, à commencer par les plus évidents sur les outils de digitalisation des modes de travail qui ont connu une explosion pendant le confinement. Des outils comme Livestorm, le Zoom français, ont connu une croissance exponentielle des usages avec un changement pérenne des modes de fonctionnement des organisations.

D’autres besoins ont connu une croissance forte avec la crise, par exemple celui des entreprises d’analyser et de comprendre la donnée sociale en temps réel. Linkfluence, champion français du social insight, a vu l’utilisation de sa plateforme s’accélérer massivement depuis le début de la crise avec un besoin des grandes marques internationales de prendre le pouls des consommateurs en temps réel dans un environnement qui change toutes les heures. Autre exemple, les outils de détection de fraude via l’intelligence artificielle, basés sur le temps réel, deviennent des incontournables et les vieux systèmes, basés sur des règles statiques, sont désormais obsolètes. Ces sujets sont vrais également pour le marché des particuliers avec un niveau d’exigence bien supérieur des consommateurs sur la disponibilité de leurs produits et de leurs services en ligne.

D’autres entreprises peuvent devenir les moteurs d’une économie post-Covid : il s’agit des entreprises à impact positif. Elles présentent une plus forte capacité de résilience en temps de crise et de pérennité dans un temps long. Cela s’explique d’abord par leur capacité à aider la société à affronter des situations comme celles du Covid-19, car elles se focalisent sur des secteurs clés comme la santé, la solidarité, la silver economy, l’éducation, la formation et l’emploi ainsi que des nouveaux modes de consommation. A titre d’exemple, Famileo, qui rapproche les familles en éditant un journal numérique pour les personnes âgées, a connu durant le confinement une intensification de l’activité des utilisateurs, avec un nombre de messages envoyés via la plateforme qui a doublé. On peut parler aussi d’OpenClassroom, qui se donne pour mission de "rendre l’éducation accessible à tous" et qui a connu durant la crise du Covid-19 un afflux de demandes au niveau mondial et une forte accélération d’adoption, comme en Chine ou en Italie. 

Au-delà de cet aspect conjoncturel de réponse à la crise sanitaire, ces entreprises bâtissent des modèles durables et moins dépendants des cycles en intégrant dans leur vision les enjeux sociaux et environnementaux à long terme. Les entreprises qui s’y attaquent s’adressent à des marchés vastes s’appuyant sur des tendances fortes et de long terme, rendant leur activité plus durable. Ainsi, Castalie, qui combat l’usage des bouteilles en plastiques dans les entreprises, les hôtels et les restaurants, connaît un essor de son marché, qui n’aura de cesse de grandir tant que la problématique de l’usage unique du plastique ne sera pas résorbée. C’est également le cas de Datafarm, qui développe des serveurs 100% green installés dans des fermes pour réutiliser la chaleur produite et s’attaquer durablement au sujet du green IT.

Dans ce contexte, se pose la question du rôle des fonds d’investissement. L’apport en capital est majeur bien évidemment, pour répondre dans un premier temps au sujet de trésorerie des entreprises et ensuite donner les moyens aux entreprises de saisir les opportunités qui se présentent actuellement, notamment de consolidation. 

Mais les fonds peuvent-ils se limiter au soutien financier ? On voit que la capacité de réaction et l’agilité des entreprises sont devenus les principaux facteurs du rebond et de la performance. Comme aider les entreprises à être plus agiles ? En les intégrant à des écosystèmes ouverts, en leur donnant accès à des communautés permettant de développer une vraie intelligence collective basée sur le retour d’expérience, le partage de pratiques. Enfin, l’accompagnement des fonds doit être opérationnel. La capacité des entreprises à faire la différence dans cette période tient bien évidemment à la pertinence de leur stratégie mais également par la qualité d’exécution opérationnelle de cette stratégie.