Forfait-jours des cadres : les entreprises doivent mettre en place des systèmes de contrôle du temps de travail

Suite à l’arrêt de la Cour de Cassation du 29 juin 2011, les entreprises doivent être sensibilisées à la nécessité de mettre en place des mesures concrètes en matière de contrôle du respect de la durée maximale de travail.

L'arrêt de la Cour de Cassation ouvre une brèche à de potentiels contentieux
Si la Cour de Cassation a confirmé la validité des forfaits-jours [1], une nouveauté, concernant l'encadrement du contrôle du temps de travail par l'employeur, est passée relativement inaperçue : la Cour de Cassation a affirmé que la violation des modalités de contrôle du forfait-jours privait d'effet le forfait.
Conséquence : les salariés pouvant justifier à la fois d'une absence de contrôle de leur temps de travail et d'un dépassement de la durée maximale de travail imposée, peuvent demander des heures supplémentaires plutôt que des dommages-intérêts évalués empiriquement. Et ce, sur une période rétrospective allant jusqu'à 5 ans (conformément aux délais de prescription en droit du travail).
Nombreuses sont les entreprises aujourd'hui qui n'ont pas mis en place de système de contrôle. La somme allouée à un rappel de salaire sur 5 ans serait considérable. Cela pourrait engendrer des coûts d'importance pour les entreprises, estimés à environ 26 millions d'euros en France.

Les entreprises doivent prendre acte de cet arrêt

Une renégociation des accords collectifs non conformes aux exigences de la Chambre sociale parait nécessaire. En outre, les entreprises doivent dorénavant veiller à respecter scrupuleusement les modalités pratiques de mise en oeuvre des conventions de forfait-jours. Et en contrôler le respect en :
- tenant un décompte par salarié,
- le faisant valider par sa hiérarchie,
- interdisant les reports éternels de RTT ou de jours de congés,
- recourant aux alertes de couleurs qui flashent sur l'écran que l'on ouvre le matin,
- voire en imposant la prise des congés quand la situation devient critique.

Le système du forfait-jours a-t-il encore de beaux jours devant lui ?
La France est aujourd'hui le seul pays en Europe à utiliser ce système qui, malgré cet arrêt, demeure un "malade en sursis". La Cour de Cassation s'est prononcée sur le seul fondement du droit à la santé et au repos. Elle n'a pas pris position sur l'applicabilité directe de la Charte Sociale Européenne. Or celle-ci contient une référence à la "durée raisonnable" de travail (repos quotidien de onze heures consécutives et repos hebdomadaire de 24 heures consécutives). Souhaitée par certains syndicats [2], une annulation du forfait-jours sur ce fondement reste possible.
La rémission du forfait-jours pourrait donc être de courte durée. Aussi les entreprises devraient-elles d'ores et déjà commencer aussi à réfléchir à l'organisation du temps de travail dans "l'après forfait-jours".
[1] Cass. Soc. 29 juin 2011, n°09-71.107

[2] La CGT avait déjà tenté d'obtenir l'annulation du forfait annuel en jours prévu par l'accord temps de travail de la convention collective SYNTEC (accord du 22 juin 1999 relatif à la réduction du temps de travail dans les bureaux d'études techniques "réalisation des missions avec autonomie complète").