Le "zéro papier", un faux débat
Comme pour toute annonce radicale, le "zéro papier" est sur toutes les lèvres. Comme pour la voiture autonome, on le craint et envie en même temps. Comme pour la voiture autonome, c’est un objectif très loin d’être atteint, mais qui apporte déjà des bénéfices concrets. Comme pour la voiture autonome, le doute semble persister : y aboutirons-nous un jour ?
L’idée de la "dématérialisation totale" attire. Apportant des bénéfices concrets de point de vue de l’économie et de l’écologie, elle a su convaincre de nombreuses entreprises. L’Etat français, lui aussi, s’y emploie, et a même annoncé ce 7 février dernier, que le numérique sera un des cinq thèmes prioritaires du prochain G7 qu’il organisera à Biarritz en été. Le chantier de la dématérialisation est en effet énorme. Selon le Digital Economy and Society Index 2018 publié par la Commission européenne, 83% des Français utilisent l’Internet régulièrement (au moins une fois par semaine). Environ trois Français sur quatre utilisent l’Internet pour visualiser des films ou écouter de la musique, effectuer des courses ou consulter leur banque au moins une fois par trimestre. Enfin, dans les services publics, 67% des Français utilisent des formulaires en ligne pour leurs démarches administratives. Ces statistiques, même si elles ne placent pas la France parmi les pays européens les plus en avance sur le sujet, sont sans doute un signe tangible d’une réalité changeante.
Élément clé dans tout processus de dématérialisation, la signature électronique est en tous cas en plein essor. Fortement répandue dans divers secteurs, elle facilite le quotidien, en permettant d’aller plus vite et à distance jusqu’au bout, de réaliser des économies importantes et d’adopter une démarche plus écologique. Elle est seule à avoir le pouvoir d’oublier le papier complètement. Mais cette réalité "zéro papier", justement, est-elle un objectif atteignable ?
Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord nuancer les statistiques européennes. Pour la majorité d’entre elles, elles ne prennent en compte que la population de 16 à 74 ans. Pourquoi ? Pour les jeunes, car ils sont peut-être encore représentés par leurs parents, mais quelle serait la raison d’oublier les seniors ? Ils vivent pleinement la vie, achètent, vendent, consultent, signent, et ce pour certains sans accès à l’internet et à l’ordinateur. Enfin, pour les tranches d’âges prises en compte, il est crucial de rappeler : nous ne sommes toujours qu’à 83% des Français utilisant l’internet régulièrement. Arriverons-nous à 100% un jour ? Pour que les services soient accessibles à tous, il faut toujours proposer une panoplie de solutions : compléter les services numériques (disponibles à distance, moins chers, plus écologiques et plus sûrs) par un contact humain nécessaire. Garder l’humain au cœur de la digitalisation.
Notre quotidien numérique ressemble à la conduite d’une voiture semi-autonome. Même si un nombre de situations de nos vies sont déjà dématérialisées, il est important de pouvoir toujours passer en mode "manuel". Automatiser les processus là où l’on peut, mais garder l’humain à disposition de ceux qui en auront besoin. La dématérialisation totale - comme la voiture autonome - est dans ce sens un sujet de faux débats. Elle aura bien lieu un jour, mais c’est surtout le chemin qui va y mener qui doit nous importer aujourd’hui. L’atteindre sans cri ni heurt, voici un bel objectif à long terme.