Burn-out en télétravail : comment le détecter et le prévenir

Burn-out en télétravail : comment le détecter et le prévenir Avec la crise du Covid-19, qui oblige les salariés à travailler à distance de manière isolée, les risques de burn-out se sont multipliés. Comment détecter puis prévenir ce syndrome d'épuisement physique, émotionnel et mental qui touche à la sphère professionnelle ? Réponses.

Un million, c'est le nombre de salariés qui étaient en burn-out "sévère" fin 2020, selon le cabinet Empreinte Humaine, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux. En octobre 2020, la détresse psychologique des salariés français culminait à 49%, soit 7 points de plus par rapport à mai, toujours d'après Empreinte Humaine. Certes, le burn-out est plus difficile à déceler lorsque les salariés sont en télétravail. Ce n'est pas impossible pour autant.

Scruter les signes annonciateurs

"Le manager reste le mieux placé pour identifier les signes avant-coureurs, tout comme les collègues de travail", explique Sandrine Vialle Lenoël, psychanalyste spécialisée dans la prévention des risques professionnels. Le retrait vis-à-vis de son équipe ou l'agacement répété en visioconférence doivent par exemple alerter, car ils révèlent un "trop plein" caractéristique du burn-out. Pour ne pas passer à côté de la souffrance de leurs collaborateurs, les managers ont tout intérêt à les interroger régulièrement sur leur état d'esprit, leur charge de travail, leurs conditions de télétravail, leurs horaires... "Tout l'enjeu consiste à prendre les devants", indique-t-elle.

Interroger régulièrement les collaborateurs sur leur état d'esprit, leur charge de travail, leurs conditions de télétravail, leurs horaires...

Des échanges qui doivent forcément être menés à titre individuel. "En visioconférence, certains salariés sont en représentation. Si un collaborateur ne se sent pas bien, il n'osera pas le dire dans ce contexte collectif", assure-t-elle. D'autres indicateurs doivent également mettre la puce à l'oreille du manager. "Les absences injustifiées, le nombre d'arrêts de travail, la non-participation aux réunions à distance sont des indicateurs qu'il faut mesurer de manière régulière et qui doivent alerter", explique Laurent Termignon, directeur de l'activité Talent Management & Rémunérations chez Willis Towers Watson.

Privilégier les solutions de proximité

Les entreprises étant responsables de la sécurité de leurs salariés, elles doivent rappeler toutes les instances qui sont à la disposition de leurs collaborateurs, y compris s'ils sont en télétravail. "C'est aux managers de dire que la DRH, la médecine de travail ainsi que les instances représentatives du personnel restent accessibles, même à distance", rappelle Sandrine Vialle Lenoël. Pour la psychanalyste, les solutions de proximité doivent être privilégiées aux lignes d'écoute ou d'assistance psychologique, parfois trop décolérées du terrain ou trop éloignées des spécificités de l'entreprise. "Encourager un salarié en souffrance à parler avec un collègue de travail, un manager ou un référent risques psychosociaux est toujours une meilleure option. Leur écoute sera moins professionnelle, mais plus proche, plus chaleureuse. Or, en télétravail, les collaborateurs ont besoin de retrouver une forme de proximité", estime-t-elle.

"Les cellules psychologiques constituent un premier niveau d'assistance pour les salariés en souffrance mais elles ne suffisent pas"

Plébiscitées par les grands groupes, "les cellules psychologiques constituent un premier niveau d'assistance pour les salariés en souffrance. Un échange téléphonique d'une dizaine de minutes ne leur suffira pas à trouver des éléments de réponses, mais leur permettra d'aller un cran plus loin : prendre conscience qu'il est important de consulter un médecin ou un spécialiste pour exprimer leur mal-être", explique Laurent Termignon.

Organiser le travail à distance

La crise du Covid-19 a été d'une grande brutalité pour tous les salariés, notamment pour ceux qui ont expérimenté le télétravail pour la première fois. Pour éviter une accumulation de stress chez les collaborateurs les plus fragiles, les entreprises peuvent anticiper au maximum. "En télétravail, certains salariés jonglent entre plusieurs outils numériques sans pour autant avoir été formés. Les aider à mieux les maîtriser, c'est une source de stress en moins", souligne Laurent Termignon.

La charge de travail peut être répartie différemment pour que l'équilibre entre la vie professionnelle et personnelle des salariés soit respecté

De la même manière, le travail peut être réalisé différemment lorsqu'il est mené à distance. "Une réorganisation peut être nécessaire pour que les équipes travaillent dans de bonnes conditions malgré l'éloignement. La charge de travail peut être répartie différemment pour que l'équilibre entre la vie professionnelle et personnelle des salariés soit respecté. Certaines tâches peuvent être externalisées. La mesure de la performance peut prendre de nouvelles formes et être davantage basée sur la confiance", illustre-t-il. La reconnaissance étant un facteur de bien-être au travail, féliciter ses équipes à distance est également une piste à exploiter. Enfin, puisque la situation sanitaire est source de stress, "les managers ont également tout intérêt à communiquer sur l'état de santé de leur entreprise et à donner davantage de perspectives", ajoute-t-il. "Cela peut être en rappelant la fierté d'un service : tendre vers le zéro de défaut si on évolue dans la production, par exemple", illustre Sandrine Vialle Lenoël.

Former tous les acteurs de l'entreprise

"Aller marcher pour évacuer le stress, regarder des vidéos sur YouTube pour se divertir... C'est aussi aux salariés de savoir ce qui leur fait du bien"

Si ce sont les directions générales et les directions ressources humaines qui posent le cadre de la qualité de vie au travail, en partenariat avec les services de santé au travail, "la prévention du burn-out et, plus généralement, des risques psychosociaux est un sujet de responsabilité collective", indique Corinne Derboeuf, directrice diversité, inclusion & QVT chez Schneider Electric. Pour prévenir l'épuisement professionnel de ses salariés, qu'ils soient en télétravail ou non, l'entreprise forme régulièrement l'ensemble de ses collaborateurs. "Nous avons une démarche de sensibilisation et de formation. Nous organisons par exemple des sessions d'échanges sur le bien-être au travail qui permettent aux collaborateurs d'aborder des sujets très pragmatiques : repérer les signaux faibles liés au burn-out, connaître les facteurs de risques, réagir face à un collègue en souffrance... C'est un travail de longue haleine", précise-t-elle.

Confinement après confinement, les salariés d'entreprise ont appris beaucoup sur eux-mêmes, sur leurs préférences de travail notamment. "Les entreprises peuvent donc aider leurs collaborateurs à repérer leurs propres signes d'épuisement et à trouver des solutions pour les résoudre : aller marcher pour évacuer le stress, regarder des vidéos sur YouTube pour se divertir... C'est aussi aux salariés de savoir ce qui les épuise et ce qui leur fait du bien", conclut Sandrine Vialle Lenoël.