Inverser les processus RH pour stopper la fuite des talents

Intégrer aux processus de recrutement les ressorts de motivation et valeurs qui vont permettre aux cadres de s'inscrire dans leur poste dans la durée, c'est aujourd'hui possible.

Après 2 ans dans un nouveau poste, 40 % des cadres l’ont déjà quitté. 20 % d’entre eux n’avaient même pas fini leur période d’essai ! Depuis des années, des rapports solidement documentés remontent des chiffres alarmants, en plus de ceux concernant l’absentéisme, les risques psycho-sociaux… ou la perte d’engagement des collaborateurs.

Ce gâchis de talents représente un coût considérable. Selon le cabinet Deloitte qui s’est exprimé sur le sujet lors d’un événement Future of HR, un recrutement coûterait en moyenne 20 K€ et son échec… 50 K€. On imagine aisément que ces montants moyens peuvent être sujet à des variations importantes selon les profils de cadres mais également en fonction des conséquences d’un recrutement raté sur le reste de l’équipe : désorganisation, démotivation, désengagement, baisse de productivité de l’équipe…

Ces biais si classiques des recrutements

Pourquoi en sommes-nous là ? Depuis des dizaines d’années, les processus RH ont très peu changé. On recrute toujours principalement des « CVs » pour les glisser dans des fonctions définies en termes de compétences et connaissances, afin que les « hard skills » des candidats répondent aux besoins immédiats des opérationnels. Les « soft skills », quand ils sont exprimés, sont rarement étayés dans le contexte du besoin et encore moins dans sa durée.

A mon avis, trois erreurs sont systématiquement commises : on recrute des personnes qui nous ressemblent ; on les manage comme on aimerait soi-même être dirigé ; enfin, on oublie complétement que l’entreprise est en perpétuelle évolution, capital humain compris.

Les erreurs de recrutement s’expliquent principalement par les différents biais cognitifs qui nous habitent tous naturellement et qui s’éveillent à la vue d’un CV, d’un candidat, à la lecture d’un parcours professionnel, à l’écoute d’un candidat lors des entretiens. Nous avons alors une fâcheuse tendance à ne plus réfléchir objectivement mais plutôt à juger subjectivement, réflexe humain et… tellement plus rapide, n’est-ce pas ? Combien de candidats ai-je vu bégayer pour se présenter lors d’un entretien de recrutement alors qu’au milieu de l’atelier, avec leurs équipes, ils étaient incroyables d’engagement et de dynamisme partagés. Dommage…

En termes de management ensuite, une infime minorité de personnes a la chance de bien se connaître et la sincérité de se présenter en toute humanité auprès de ses collègues ou subordonnées, sans « tomber » dans le paraître de leur rôle. Occulter sciemment certains aspects de sa personnalité peut provoquer un effet papillon considérable !  Et c’est ainsi que des candidats ne se retrouvent pas dans les postes qui leur sont confiés, tels qu’ils leur ont été présentés, n’arrivent plus à se projeter dans la réalité de postes qui ne leur correspondaient en fait pas. De part et d’autre, on a bien trop compté sur l’adaptabilité à la réalité du terrain, des sujets et des collègues, car ce sont très rarement des problèmes de compétences qui entrainent les ruptures…

Le dernier point est pour moi l’élément clé qui nécessite un changement drastique et urgent des processus existants. Une entreprise ou une organisation est un ensemble vivant composé d’hommes et de femmes avec leur sensibilité aux changements quotidiens, que ce soit en termes de charge, de stratégie, d’organisation, de clients, de concurrents, de marché… Or, on recrute une personne dans un contexte donné dont on sait par avance qu’il va évoluer. On espère que cette personne sera toujours la « bonne » personne à la « bonne » place au fil des jours, des mois, des années… On peut toujours croiser les doigts, avoir de bonnes surprises, mais cet état de fait n’est pas du tout pris en considération à la hauteur des enjeux humains qu’il implique et des conséquences directes sur les performances de l’entreprise.

Que faire pour éviter ce gâchis de talents ?

La solution est simple, mais elle révolutionne les processus existants. Pour avoir la bonne personne à la bonne place à tout moment dans une entreprise, il faut être en mesure d’intégrer en permanence le contexte et de s’y adapter grâce à une excellente connaissance du potentiel de son capital humain.

Il s’agit d’aligner les prédispositions naturelles de chacun avec celles que nécessite un poste. Une case d’organigramme n’est pas rectangulaire, c’est une pièce de puzzle protéiforme qui évolue au gré du tenant du poste dans des proportions variables. Ainsi, nous pourrons déployer efficacement les moteurs d’engagement des hommes et des femmes qui composent ou intègrent une organisation.

Il est possible aujourd’hui de s’affranchir de la grande majorité des biais humains habituels. Surtout, il devient indispensable d’inverser tous les processus RH existants pour que chacun et chacune se révèle en toute simplicité, avec ses ressorts de motivation et ses prédispositions naturelles. Les compétences, connaissances et expériences peuvent s’acquérir au fil de toute une vie. Elles ne doivent que s’associer aux aspirations comme aux qualités comportementales naturelles, pour permettre à chacun d’être plutôt que de paraitre.

Autre vertu de cette nouvelle approche : le fameux sentiment d’appartenance se créera naturellement, au travers d’un engagement dans une entreprise qui s’intéresse autant à QUI vous êtes qu’à ce que vous lui apportez. La marque employeur s’en trouvera transformée et les départs de talents ne seront plus votre lot commun.