Ces motifs de démission des salariés qui émergent depuis le Covid-19

Ces motifs de démission des salariés qui émergent depuis le Covid-19 En questionnant la valeur travail, la crise du Covid-19 a mis en exergue de nouvelles attentes du côté des collaborateurs. Lorsque ces dernières ne sont pas suffisamment prises en compte par les entreprises, elles peuvent générer de la frustration du côté des travailleurs.

La sur-promesse employeur

Dans un contexte de pénurie des talents, "il est tentant, pour les entreprises, de faire de la surenchère dans leur promesse employeur", concède Aurélie Judlin, directrice générale du cabinet Équilibres, spécialisé dans l'égalité au travail. C'est pourtant un énorme risque, qui peut potentiellement se retourner contre les employeurs, les candidats n'hésitant plus à quitter leur poste avant la fin de la période d'essai. "Il existe souvent une différence entre ce que l'entreprise voit de son environnement de travail, ce que l'employé a perçu de l'entreprise et la réalité du terrain. D'où l'importance de faire incarner les valeurs d'entreprise par les managers de proximité et d'instaurer un dialogue continu avec les recruteurs afin qu'ils parlent correctement de la culture d'entreprise", indique-t-elle. 

L'absence de télétravail

C'est un critère sur lequel les candidats occupant une fonction éligible au télétravail sont exigeants. "Les candidats sont nombreux à considérer l'absence de télétravail comme un frein, y compris lorsque l'entreprise propose une rémunération attractive", explique Aude Boudaud, directrice associée du cabinet de recrutement Robert Walters. "Si nous n'avions pas gardé le remote suite à la crise sanitaire, nous aurions rapidement perdu des salariés", témoigne Françoise Besnard, DRH de Forterro, un éditeur de logiciels ERP. Si les travailleurs sont aussi pointilleux sur le sujet, c'est parce que "la présence ou non de cette modalité de travail en dit long sur le style de management de l'entreprise, donc sur le degré d'autonomie des salariés", indique Aurélie Judlin.

Un fragile équilibre vie pro/vie perso

L'équilibre vie professionnelle/vie personnelle, rendu possible par la généralisation du télétravail, c'est le Saint-Graal des salariés. Depuis la crise du Covid-19, au cours de laquelle certains travailleurs se sont recentrés sur leur vie personnelle, cet équilibre est recherché coûte que coûte. "C'est devenu une attente tellement forte que certains travailleurs – en particulier des femmes, par exemple dans le secteur de la finance – acceptent de baisser leur rémunération moyennant un contrat au 4/5e", illustre Aude Boudaud. Quoiqu'il en soit, une entreprise ne mettant en œuvre aucune action en faveur de cet équilibre risquerait de voir certains salariés déserter leur bureau. Un paradigme qui doit urgemment être pris en compte par les managers, en première ligne sur ce sujet.

Une RSE qui ne se traduit pas en engagements

Lorsqu'une entreprise ne prend pas suffisamment d'engagements en matière de RSE, cela encourage les salariés à prendre définitivement la porte, pour peu que le marché de l'emploi soit, comme en ce moment, davantage en faveur des candidats. "C'est un sujet que les candidats verbalisent beaucoup en entretien de recrutement", assure Aude Boudaud. Une enquête intitulée "People at Work 2022 : l'étude Workforce Vieux", menée en novembre 2021 par l'éditeur ADP, indique par exemple que 62% des collaborateurs songeraient à quitter leur emploi en l'absence d'une politique de diversité et d'inclusion au sein de leur organisation. 83 % des jeunes travailleurs âgés de 18 à 24 ans envisageraient même de changer d'entreprise en cas d'inégalités salariales entre les hommes et les femmes.

Un poste vide de sens

Depuis la crise du Covid-19, les travailleurs sont plus nombreux à s'interroger sur le sens de leur travail. "Les candidats cherchent à savoir ce qu'ils apportent à la société. Ils se questionnent sur leur véritable utilité", constate Aude Boudaud. C'est d'autant plus vrai pour les salariés occupant ce qu'on appelle les "bullshit jobs", notamment dans certaines fonctions support. Parmi les sujets qui reviennent en boucle dans leur tête, figurent par exemple le type d'actionnariat de leur entreprise ou leur vision trop capitalistique. "Lorsque leur entreprise fait l'objet d'un LBO par exemple, ils évoquent la vision court-termiste de leur équipe dirigeante. Lorsqu'ils ne se sentent plus alignés avec elle, ils sont tentés de changer de structure", illustre Aude Boudaud.

L'absence d'évolution rapide

Chez les jeunes générations, plus habituées à changer d'entreprise que leurs aînés, l'évolution professionnelle doit être rapide. Sans quoi, ils vont voir si l'herbe est plus verte ailleurs. "Ils sont sans cesse en quête de nouveaux challenges. Ils n'attendent plus cinq ans d'avoir fait leurs preuves en entreprise avant de demander à évoluer, mais seulement deux ans", constate Françoise Besnard. Résultat, "le rythme auquel ils aimeraient voir leurs rémunérations augmenter est, lui aussi, plus soutenu". Un refus de revalorisation salariale peut ainsi constituer un motif de démission. "C'est d'autant plus vrai lorsqu'ils ont l'impression de subir une injustice, par exemple lorsqu'un membre de leur équipe qu'ils jugent moins compétent, est mieux rémunéré qu'eux", conclut-elle.