L'entretien d'évaluation est à réhabiliter d'urgence
Bien mené, l'entretien est un pivot riche pour le salarié autant que pour son employeur. Il convient donc de tirer profits des ressources qu'il met en lumière.
Il est tentant d’envoyer aux oubliettes les pratiques professionnelles issues du passé et peu adaptées aux nouvelles attentes des salariés comme la quête de sens, le développement personnel ou encore l’adéquation avec les valeurs de son entreprise. À cet égard, l’entretien annuel professionnel peut sembler bien démodé. Obligatoire tous les deux ans, d’un formalisme froid, vécu comme une corvée... Ce serait pourtant une erreur de s’en débarrasser ! L’enjeu est plutôt de comprendre comment réinventer ce rituel et l’adapter aux défis actuels des entreprises.
En effet, derrière les expressions « grande démission », « bore out », « désengagement », se cachent des évolutions bien tangibles de mentalités. Et un constat : les salariés ne sont pas naturellement portés à une implication consciencieuse tirant sur la servilité vis-à-vis de leur employeur. C’est parfaitement logique, cohérent avec la complexité et les aspirations de la nature humaine, mais ce n’est pas toujours une bonne nouvelle pour les nostalgiques des Trente Glorieuses. Penser le travail avec le contexte réel est un défi passionnant. Dans ce cadre, l’entretien d’évaluation est un rituel qui mérite toute l’attention des employeurs.
Un rituel essentiel
L’entretien d’évaluation a survécu sans évoluer. C’est pourtant un moment essentiel qui sert de pivot dans la carrière d’un salarié. D’abord, l’entretien d’évaluation est un jalon individuel. Symboliquement autant que légalement, il appelle l’entreprise ou l’organisation, indépendamment de sa taille, à se poser la question de son salarié. D’un point de vue performance et productivité, évidemment, mais pas seulement. Les salariés évoluent dans l’entreprise, et c’est le moment d’évaluer leurs aspirations, leurs ambitions et leur bien-être.
Alors que la santé mentale n’est plus un sujet tabou dans l’entreprise, les occasions de détection de mal-être ne sauraient en effet être laissées à la seule médecine du travail. Cela ne fait pas des managers et N+1 des spécialistes de la santé, mais ils sont un point de contact essentiel pour la détection de troubles. Tous les mal-être ne sont pas médicaux, et ils sont des données sur l’adéquation entre un salarié et son environnement à un moment donné.
Car l’entretien d’évaluation oblige l’entreprise. Il doit donc être préparé sur le fond, sur la logistique ; il doit par exemple se dérouler dans un lieu calme et fermé, sans interruptions systématiques, une gageure sur certains sites industriels ! La préparation de l’entretien concerne également les managers et N+1 et c’est une excellente occasion de (re)former ces derniers sur certains fondamentaux du management, de l’écoute active ou même du coaching. Valoriser cette dimension de leur rôle les encourage souvent à mieux suivre et former leurs équipes.
Une mine d’or pour des recrutements réussis
Le nombre d’emplois vacants dans l’industrie, qui était de 61 000 mi-2022 (Dares) a doublé depuis la fin 2019. Face à cette pénurie de candidats, une des solutions pour les entreprises consiste à former les ressources dont elles disposent déjà. Ce n’est pas une solution miracle car il faut plus de salariés, mais cela représente deux avantages : former des gens qui sont à l’aise avec l’univers industriel et qui ne souffriront pas d’un « choc culturel » au moment de leur prise poste ; cela permet surtout de fidéliser ses salariés.
Mais comment savoir qui doit et peut évoluer ? Quelles sont les aspirations individuelles des salariés ? Leurs besoins de formation ? L’entretien d’évaluation est un moment privilégié pour évaluer ces données. Il ne s’agit pas de faire l’apologie d’une endogamie sectaire. Toutefois, les hommes et les femmes qui connaissent la culture de l’entreprise et son fonctionnement ont un « coup d’avance » qui leur permet de ne réfléchir qu’au poste ; à s’y projeter ou à écarter cette possibilité. Ils sont plus rapidement confrontés à eux-mêmes : souhaitent-ils évoluer et de quelle manière ? C’est aussi une perspective libératrice qui leur retire le poids de leur potentielle intégration.
Managers et Ressources Humaines main dans la main
Encore faut-il savoir mettre en place ce rituel, exploiter les données que l’on y trouve, se former à mener les entretiens, trouver des relais pour ces informations, les faire résonner dans tout une structure parfois multi sites. C’est un défi qui allie formation, communication et exploitation de données à une échelle qui peut être exponentielle dans une simple belle PME qui a quelques ambitions.
Pour y arriver, des outils techniques existent. Mais ils ne sont rien si managers et ressources humaines ne s’épaulent pas et si ce projet ne s’inscrit pas dans une vision RH globale axée sur le développement professionnel et l’écoute active de ses collaborateurs.