Ces limites que votre employeur ne doit pas franchir dans le cadre du télétravail

Ces limites que votre employeur ne doit pas franchir dans le cadre du télétravail Logiciels permettant de mesurer l'attention à distance, surcharge de travail, sollicitations en dehors des horaires habituels... Le premier confinement a révélé des dérives du côté de certaines entreprises.

Avec le reconfinement, le télétravail cinq jours sur cinq est redevenu la règle pour les activités qui le permettent. Le premier confinement a révélé des dérives du côté de certaines entreprises. Tour d'horizon des limites à ne pas franchir pour cet acte 2.

Solliciter les équipes en dehors des temps de travail

Pendant le premier confinement, l'équilibre entre vie professionnelle et personnelle des salariés a été mis à rude épreuve, certains managers sous pression n'hésitant pas à contacter leurs équipes en dehors de leurs horaires habituels de travail. Or, en télétravail, le salarié doit effectuer le même temps de travail qu'en entreprise. Ni plus ni moins.

Le salarié en télétravail doit effectuer le même temps de travail qu'en entreprise

Plusieurs rituels peuvent être mis en place pour éviter de franchir cette limite. "Nous encourageons nos managers à identifier les heures où la journée de travail débute et s'achève. Certains organisent des cafés d'équipe qui sonnent le démarrage de la journée. Par ailleurs, nous leur interdisons d'organiser des réunions à partir de 18 heures et pendant la pause déjeuner", illustre Rachida Saraka, DRH de Kellogg's. Sur ce sujet, les télétravailleurs doivent également faire preuve de discipline. "Les salariés peuvent aussi se mettre en situation de risque. C'est aussi à eux de se fixer des limites, de savoir se déconnecter, de se ménager un cadre de travail qui est cohérent avec celui qu'ils avaient sur site", explique Eric Lhomme, directeur des activités Stratégies RH chez Oasys.

Surveiller à distance les rythmes de production

Une étude publiée en juin par le cabinet ISG auprès de 2000 entreprises révèle que les intentions d'achat de produits de surveillance de la productivité des employés à distance ont été multipliées par 500 depuis le début du premier confinement. La Cnil considère comme illicites un certain nombre d'entre eux, dont les logiciels permettant de mesurer l'attention des salariés via des captures d'écran et les dispositifs chargés d'enregistrer les mouvements de frappes sur le clavier.

La Cnil considère comme illicites les logiciels permettant de mesurer l'attention des salariés via des captures d'écran

En théorie, un employeur peut surveiller l'activité de ses salariés, comme le contrat de travail le suppose. Pour autant, la violation du secret des correspondances, la collecte et le traitement automatique d'informations nominatives et le non-respect de la vie privée du salarié sont proscrites. D'une manière générale, la surveillance ne doit pas se faire à l'insu des salariés. "Avoir une vision 'big-brotherienne' du management risque de créer de la tension et d'instaurer une relation qui ne sera pas gagnante-gagnante", prévient Eric Lhomme.

Organiser des réunions virtuelles à outrance 

Depuis le premier confinement, le quotidien de certains salariés se résume à enchaîner les réunions sur Teams, Skype, Zoom... Si ces plateformes permettent d'assurer la continuité des activités en période de crise, elles ne doivent pas être plébiscitées à outrance. Lorsque ces outils sont utilisés pour "fliquer" le travail des équipes, ils peuvent être destructeurs pour la santé et l'épanouissement des salariés.

La vérification excessive des travaux des collaborateurs est constitutive de faits de harcèlement moral, estime la Cour de Cassation

C'est la raison pour laquelle la Cour de Cassation estime que la vérification excessive des travaux des collaborateurs est constitutive de faits de harcèlement moral. D'après le cabinet d'avocat Noveir et Bensasson, "il apparait que l'organisation de réunions virtuelles à outrance ou l'obligation inhabituelle d'établir un rapport d'activité de façon démesurée pourraient entrer dans cette case, s'ajoutant à d'autres circonstances, au cas par cas". Plutôt que de tomber dans cet écueil, Hervé Borensztejn, associé au cabinet Heidrick & Struggles, conseille "de réduire le reporting, qui ne favorise ni la prise d'initiative, ni l'innovation et de tourner son management vers les résultats, non les moyens".

Imposer l'achat d'équipement informatique 

Depuis une réforme du Code du travail de 2017, l'employeur n'est plus tenu de prendre à sa charge les frais engendrés par l'exercice du télétravail de ses équipes. Dans le cas de figure où le télétravail est imposé à 100%, l'entreprise ne peut toutefois pas exiger de son salarié qu'il investisse dans du matériel informatique. Si son salarié ne dispose pas d'ordinateur, l'employeur peut toutefois lui demander qu'il utilise son matériel personnel.

Lorsque le télétravail est imposé à 100%, l'entreprise ne peut pas exiger de son salarié qu'il investisse dans du matériel informatique

Dans ce cas-là, le salarié peut demander une indemnité forfaitaire à son entreprise pour couvrir les frais du matériel utilisé : téléphone, ordinateur, abonnement Internet... "Le cadre juridique est en cours d'évolution sur ces questions. Elles font donc généralement l'objet de négociations et sont traitées par le biais d'accords collectifs sur le télétravail. Il revient ainsi aux salariés de se renseigner pour savoir quelle est la politique de son entreprise en la matière", indique Eric Lhomme. Si aucune solution n'est trouvée, "l'entreprise n'a d'autre choix que de recourir au chômage partiel", précise Hervé Borensztejn.

Supprimer les avantages en nature

Habituellement, l'employeur est tenu de prendre en charge les frais de transport de ses salariés à hauteur de 50%. La distance ne change rien. "Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise", indique l'article L.1222-9 du Code du travail. Tant que l'abonnement de transport du salarié n'est pas modifié, l'employeur n'est donc pas exonéré de sa prise en charge. Concernant les titres restaurant, l'Urssaf indique que "si les salariés de l'entreprise en bénéficient, il doit en être de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite." Pour autant, si tous les collaborateurs de l'entreprise sont en télétravail, l'entreprise peut supprimer l'attribution de tickets restaurant durant la période de confinement. Enfin, la prise en charge des frais professionnels (hébergement, déménagement...) est une obligation générale dont l'employeur ne peut s'exonérer. Au regard de la crise, l'Urssaf a indiqué faire preuve de "bienveillance" concernant "des prises en charges exceptionnelles" liées, par exemple, à la garde d'enfant.