Newsjacking : comment Shadow a mis le lancement de Google Stadia au profit de sa propre communication ?

Le newsjacking, c’est profiter de l'actualité forte d'un concurrent ou d’une tendance du secteur pour faire parler de son entreprise. Pour faire simple, il s’agit d’appliquer les principes de l'aïkido aux relations presse, c’est-à-dire de retourner l’offensive d’un adversaire contre lui-même afin de maximiser ses efforts.

 

C’est précisément la tactique qu’a déployée la semaine dernière Shadow, champion français du cloud gaming. Ils ont utilisé de manière opportuniste la force promotionnelle de Google pour démontrer que leur promesse était meilleure que Stadia, le service de jeu vidéo en streaming développé par la firme de Mountain View. Concrètement, la pépite française s’est servie du lancement de Google Stadia, officialisé le 19 novembre dernier, comme d’un tremplin pour annoncer l’activation de son offre Boost avant la fin 2019 et ouvrir les précommandes de ses offres Ultra et Infinite qui seront disponibles en février 2020.

 

Les annonces de Shadow ont été soutenues par une campagne de presse qui a permis de générer dix articles significatifs pour une audience consolidée d’environ 25 millions de visiteurs uniques par mois. On notera notamment un passage réussi sur BFM suivi d’une interview dans l’émission « Nouveau monde » de France Info, portés par le cofondateur de Shadow, Emmanuel Freund, visiblement bien préparé à l’exercice de la prise de parole.

 

En outre, alors que les articles dédiés à l’offre de cloud gaming de Google présentent une tonalité factuelle ou négative, ceux consacrés aux annonces de Shadow sont bien plus positifs. Autrement dit, la lecture de la presse donne l’impression - à tort ou à raison - que Shadow c’est mieux que Stadia, que David c’est mieux que Goliath. Même en gardant à l’esprit que les médias préfèrent souvent le challenger au leader - encore plus quand il est français - les résultats de la campagne de newsjacking orchestrée par Shadow sont excellents. Google totalise moins d’articles que son concurrent français alors qu’il est à l’initiative de la campagne. Surtout, les articles insistent sur les insuffisances du service de Google pour vanter la pertinence de la plateforme de Shadow.

 

Bien exécuté, le newsjacking est une technique efficace autant qu’économique. En la matière, la campagne conduite par Shadow s’impose comme un véritable cas d’école. Le spécialiste du cloud gaming a utilisé l’effet d’aspiration initié par Google Stadia pour prendre la tête de la course à l’audience tant sur le plan quantitatif que qualitatif, le tout pour un investissement promotionnel vraisemblablement bien plus faible… « Plus on est malin, moindres sont les efforts », dit ce proverbe que tout le monde a oublié.

 

Pourquoi est-ce que ça a marché ? Simplement parce que Shadow a communiqué le bon contenu au bon moment. En effet, l’entreprise a annoncé la commercialisation de trois nouvelles offres dès octobre 2019, à l’occasion de la Paris Games Week, avant de mettre à jour cette triple annonce, au lendemain du lancement de Google Stadia, le 19 novembre. De plus, alors que les médias se montraient déçus par le catalogue limité de Stadia, Shadow rappelait que son service, plus ouvert, laissait aux joueurs la possibilité d’installer leurs propres jeux, là où Google donne accès à une bibliothèque. Ce faisant, Shadow est parvenu à valoriser sa promesse à mesure que celle de Google se dépréciait, par un pur processus de comparaison, et ce, au-delà de son cœur de presse gaming, auprès d’une presse généraliste notamment qui dispose d’un plus fort gisement d’audience.

 

Si la campagne de Newsjacking de Shadow a réussi, c’est aussi parce que l’offre de Google Stadia a fortement déçu : le service a été qualifié de « bêta payante » à cause d’un catalogue jugé trop pauvre et de problèmes techniques. C’est pourquoi, afin de transformer l’essai et de tirer un parti commercial de cette opération de communication, Shadow va devoir confirmer la pertinence de ses nouvelles offres lors de leurs sorties effectives, au risque de refroidir l’enthousiasme que l’entreprise a su lever.