Pourquoi le groupe anglais de prêt-à-porter Arcadia a du vendre ses marques phares ?
En faillite, le Groupe Arcadia, acteur majeur du prêt-à-porter britannique (Burton, Miss Selfridge, Topman, Topshop, ...), a dû vendre une partie de ses marques. Les choix de l'équipe dirigeante semblent avoir pesé sur la chute du groupe. Incapable de fédérer une clientèle en ligne composée de plusieurs générations autour d'une multiplicité d'enseignes, la direction a totalement raté le coche digital en obligeant ses enseignes à rivaliser en ligne. Mais comment en est-il arrivé là ?
De l’art de rater le coche
Nul n’ignore que toutes les marques qui gravitent dans la galaxie Arcadia, de Topman à Miss Selfridge en passant par Burton, étaient à la traîne en matière d’investissements e-commerce. Et leur offre en ligne, lorsqu’elle s’est concrétisée, était à mille lieues de la qualité d’expérience offerte par les purs players ; leur activité en a souffert.
Mais ce n’est pas le pire échec de la direction. Depuis vingt ans, les enseignes n’ont eu de cesse de collecter les données consommateurs, d’exploiter ces informations pour proposer à leurs clients une expérience à même de les fidéliser et de cultiver la relation avec eux. Cet investissement gigantesque, en particulier pour les enseignes de mode, doit, par ailleurs, être revu en permanence car la clientèle s’avère versatile et ses goûts changent en vieillissant.
Or, malgré son portefeuille de marques attrayant pour des clients de toutes les tranches d’âge, Arcadia n’a rien fait – du moins rien de plus que ce que n’accomplissait déjà individuellement chaque enseigne. Au contraire, il a persisté en ce sens, préférant conforter la rivalité en ligne de ses marques plutôt que de faire fructifier ce précieux capital pour capter et fidéliser les clients, des adolescents aux personnes d’âge mûr, en fonction des activités du groupe.
Supposer que, puisque ses marques rivalisaient sur le marché de la grande distribution un modèle identique pouvait s’appliquer en ligne, était une gigantesque erreur. Et une lourde méprise sur les principes de fonctionnement du commerce en ligne. Si la concurrence est inévitable entre les magasins physiques, le e-commerce offre aux marques une chance de collaborer entre elles et leur permet de conserver le lien avec les clients et de les orienter, d’enseignes en enseignes du même groupe, en fonction de l’évolution de leur vie et de leurs envies.
De l’adolescent au senior
Sous la direction de la holding Arcadia, des enseignes telles que Miss Selfridge, Topshop, Dorothy Perkins et Wallis se sont affrontées pour conquérir des clients plutôt que d’optimiser leur position sur le marché pour interagir avec leur clientèle tout au long de sa vie. En gérant chaque enseigne séparément, rien n’a été fait pour optimiser le parcours des clients, ni pour les réorienter vers d’autres marques du groupe, en fonction de leur âge.
Chaque marque aurait pu être florissante si ce modèle avait évolué, si le consommateur avait été encouragé à se considérer à la fois comme client « Arcadia » et ambassadeur d’une des marques du groupe, Miss Selfridge, par exemple. Bien évidemment, il aurait fallu que l’enseigne détermine le genre, l’âge et les préférences du client en le questionnant, et utilise ces informations pour personnaliser son expérience et le fidéliser. Cela n’a pas été le cas ! En établissant un profil pour chacun des clients, Arcadia aurait pu véritablement suivre sa clientèle, de l’adolescence à l’âge mûr – des années fashion à celles où elle se tourne vers des tenues plus raffinées. Au lieu de laisser ses clients partir à la concurrence, le groupe aurait pu les retenir grâce à des offres qui les auraient incités à découvrir son portefeuille de marques et ainsi à les fidéliser.
Il va sans dire que rien de tout cela ne s’est produit. Personne, chez Arcadia, n’a pris conscience de la valeur de cet extraordinaire capital clients en ligne. Personne n’a tenté de construire une expérience personnalisée englobant toutes les marques pertinentes. Ce modèle d’hyper concurrence en ligne était voué à l’échec.