ABM : arrêtons d'en parler, commençons à bien le faire

Il y a des mots qu'on prononce trop vite. Des concepts qu'on répète en boucle, sans toujours en comprendre la portée. L'ABM, ou Account-Based Marketing, fait partie de ceux-là.

Il brille dans les présentations. Il impressionne dans les comités stratégiques. Il rassure dans les pitchs agences. Mais en coulisses, bien peu d’entreprises l’appliquent réellement. Et encore moins le font bien. Alors, si on arrêtait de faire semblant ?

ABM : fantasme collectif ou outil d’élite ?

L’ABM fascine. Il évoque un marketing précis, personnalisé, presque chirurgical. L’idée d’adresser directement les comptes clés, un par un, avec des campagnes conçues sur mesure. Du cousu-main, là où le reste du marché fait du prêt-à-porter.

Mais très vite, on dilue. On confond.

Un emailing avec le prénom du destinataire ? Ce n’est pas de l’ABM. Une campagne sectorielle sur LinkedIn ? Ce n’est pas de l’ABM.

Même une séquence d’emails « personnalisés » envoyés à une liste restreinte ne suffit pas. Ce qu’on appelle souvent ABM n’est qu’un outbound un peu soigné. Le fond reste générique. L’approche aussi.

L’ABM, le vrai, demande autre chose. De la patience. Une collaboration étroite avec les sales. Et surtout, une obsession sincère pour chaque compte ciblé.

Le bon contexte. Ou rien.

L’ABM n’est pas une stratégie universelle. Elle n’est ni magique, ni miraculeuse. Elle est adaptée à un contexte très précis. Celui du B2B grand compte.

Pourquoi ? Parce que le retour sur investissement doit justifier l’effort.

Quand on passe des jours à construire une campagne unique pour une seule entreprise, il faut que le gain potentiel soit à la hauteur. On ne crée pas une campagne ABM pour vendre un abonnement à 49 euros par mois. On le fait quand une signature peut représenter plusieurs centaines de milliers d’euros. Ou plus.

Il faut aussi une maturité marketing. L’ABM ne se substitue pas aux fondamentaux. Il les complète. On ne commence pas par ça. On y vient quand on a déjà défini son ICP, éprouvé ses canaux, validé ses messages. Quand la machine est lancée. Et qu’on veut maintenant toucher les cibles les plus stratégiques.

Sans sales, pas d’ABM

On l’oublie souvent. Pourtant, c’est la clé. Le marketing seul ne peut rien.

L’ABM est un travail de co-construction. On commence par s’asseoir avec les commerciaux. Ensemble, on sélectionne les comptes à cibler. On croise les données, les ressentis, les priorités business. Puis on avance main dans la main.

Sans cette collaboration, on retombe dans un marketing isolé. Celui qui crée de belles campagnes, vues par personne. L’alignement avec les sales n’est pas un bonus. C’est un prérequis.

Et il y a un troisième acteur dans l’ombre : le PDG. Car une vraie campagne ABM prend du temps. Parfois plusieurs mois. Parfois un an. Il faut un sponsor fort pour protéger l’initiative. Et accepter que les résultats ne soient pas immédiats.

Précision, pas volume

Une bonne stratégie ABM commence toujours petit. Trois à cinq comptes. Pas plus. Assez pour avoir du recul. Pas trop pour garder le contrôle.

On commence par une verticale. Parce que les boîtes d’un même secteur partagent souvent les mêmes douleurs, les mêmes enjeux, les mêmes habitudes. Ce socle commun permet de rationaliser la création. Tout ne sera pas unique. Mais tout devra sembler l’être.

Ensuite, on entre dans le dur. L’analyse. La vraie. On étudie l’entreprise, ses dirigeants, ses dernières prises de parole, ses concurrents, sa stack technologique, ses recrutements récents, ses résultats publiés, ses signaux faibles. On cartographie les décideurs, les influenceurs, leurs adjoints.

Ce n’est pas une recherche Google ou un prompt ChatGPT. C’est de l’investigation. Et oui, c’est long. Et oui, ça demande des ressources. Mais c’est là que se joue la différence.

L’architecture d’une campagne ABM

Tout commence par une intention. Mais ça ne suffit pas.

Il faut une stratégie claire, une orchestration fine, une mécanique multicanale. On parle de publicité ultra-ciblées uniquement sur les salariés du compte. D’emails rédigés avec une précision chirurgicale. De vidéos ultra personnalisées envoyées par les BDR. D’approches sur salon ou via des objets physiques inattendus.

Le tout dirigé vers un point de convergence. Une landing page personnalisée. Aux couleurs de la marque ciblée. Qui rassemble tous les contenus. Et qui permet de mesurer l’engagement.

Certains contenus existent déjà. D’autres seront à créer de toutes pièces. L’enjeu n’est pas de produire beaucoup. Mais de produire juste.

Ce n’est pas une campagne d’awareness. C’est un levier de relation.

La mesure : signaux faibles et signaux forts

Combien de visites sur la landing page ? Combien de téléchargements ? Combien d’interactions LinkedIn ? Ces signaux faibles sont précieux. Ils montrent que quelque chose bouge.

Mais ce n’est pas encore le graal.

Les signaux forts, eux, sont clairs. Une réponse à un email. Une prise de rendez-vous. Un échange sur un salon. Un début de discussion commerciale.

Ce sont eux qui dictent la suite. On réalloue les ressources. On concentre les efforts sur les comptes qui montrent des signes de vie. Et on laisse tourner doucement les autres.

Car une campagne ABM n’est jamais vraiment finie. Elle s’ajuste. Elle respire. Elle vit au rythme du compte.

Une affaire d’attention plus que d’intention

L’ABM ne fait pas signer un contrat par magie. Ce n’est pas l’objet envoyé, ni la pub LinkedIn, ni même l’étude personnalisée qui convainc.

Ce qui fait la différence, c’est le sentiment de reconnaissance. Le prospect sent qu’on a pris le temps. Qu’on a compris son contexte. Qu’on parle à lui, pas à son marché.

C’est cette attention-là qui ouvre la porte.

Alors oui, c’est chronophage. Oui, c’est imparfait. Oui, il y aura des flops.

Mais quand ça fonctionne, ce n’est pas juste une vente. C’est une relation. Une victoire partagée entre le marketing, les sales et l’entreprise tout entière.

Et maintenant ?

L’ABM est une niche. Ce n’est ni une tendance, ni un passage obligé. Et surtout, ce n’est pas une formule magique qu’on active en ajoutant un prénom dans un email.

Les mots ont un sens. Si on veut parler d’ABM, alors faisons-en. Pour de vrai. Avec exigence, pertinence et attention sincère.

Parce que c’est ça, le fond du sujet : montrer à nos prospects qu’ils comptent. Et surtout, qu’on les comprend.