En rachetant Yahoo après AOL, Verizon veut s'attaquer à Google

En rachetant Yahoo après AOL, Verizon veut s'attaquer à Google L'opérateur télécom met la main sur le cœur de métier du groupe dirigé par Marissa Mayer pour 4,8 milliards de dollars.

Yahoo vient d'officialiser un accord avec le géant américain des télécoms, Verizon, portant sur le rachat de ses activités historiques pour près de 4,8 milliards de dollars. Une misère comparé aux plus de 44 milliards proposés en 2008 par Microsoft pour la totalité du groupe et finalement refusés par celui-ci.

Mail, search, messagerie instantanée, régie publicitaire, technologie et biens immobiliers… Verizon met la main sur les principaux actifs de Yahoo, désormais réduit au statut de simple holding chargée de reverser les dividendes de ses participations dans Alibaba (15%, soit près de 30 milliards de dollars) et Yahoo Japan (35,5%, soit un peu plus de 8 milliards de dollars). Une holding qui restera cotée après l'opération et devra changer de nom, Verizon récupérant la marque Yahoo.

L'opération, qui devrait être bouclée d'ici le premier trimestre 2017, va permettre à Verizon "d'accélérer ses revenus de publicité en ligne", explique son PDG, Lowell McAdam. Yahoo sera intégré à AOL, autre ancienne gloire d'Internet rachetée 4,4 milliards de dollars en mai 2015.

L'enjeu pour Verizon est de s'affranchir de son cœur d'activité, les télécoms, et muscler son offre publicitaire pour aller chercher de la croissance en misant sur l'association des contenus et des tuyaux. Il s'agira notamment de construire une alternative crédible au duopole, Google et Facebook, en instillant la data que l'opérateur récolte sur ses près de 135 millions d'abonnés mobiles au sein des audiences de Yahoo.

5,2% du marché pub US pour le nouvel ensemble

Mais le pari est loin d'être gagné. Le nouvel ensemble devrait représenter un peu plus de 5,2% des 70 milliards de dollars qui ont été investis dans le marché pub online américain en 2016, selon eMarteter. Loin de Google et Facebook qui s'accaparent respectivement 38,7% et 15% du marché.

Côté audiences, Verizon pourrait en revanche bel et bien dépasser Facebook aux Etats-Unis. Yahoo a attiré 205,9 millions de visiteurs uniques en juin 2016 selon Comscore, derrière Google et Facebook qui en ont capté respectivement 241,9 millions et 208,8 millions. La déduplication de son audience avec celle d'AOL sur la même période (153,7 millions de visiteurs uniques sur des sites comme The Huffington Post, TechCrunch, Engadget, MAKERS and AOL.com) devrait être suffisante pour permettre à Verizon de passer devant Facebook.

Evolution des audiences de Yahoo (en millions de visiteurs uniques)
  juin-13 juin-14 juin-15 juin-16
Etats-Unis  188,7 171,2 208,7 205,9
France 15,2 15,4 13,7 12,45

Car si Yahoo a perdu son lustre d'antan, il reste un acteur majeur du marché de la publicité en ligne. Certes Marissa Mayer, qui a rejoint l'entreprise en juin 2012, aura échoué à relancer la belle endormie, mais elle a beaucoup investi dans le mobile, en multipliant les "acqui-hirement" comme celui de Summly , en mettant près d'1,1 milliard de dollars pour Tumblr et en rafraîchissant des services vieillissants comme Yahoo Mail, Flickr et Yahoo Messenger.

Les revenus mobiles de Yahoo ont crû de 36% entre 2014 et 2015 pour s'élever à près d'1 milliard de dollars. Et ses sites ont attiré près de 600 millions de mobinautes (sur un total d'1 milliard de visiteurs uniques) selon des données internes du mois de janvier 2016.

Marissa Mayer, qui ne jure que par les "Mavens", acronyme de mobile, video, native and social, a également opéré quelques investissements intéressants dans la technologie publicitaire. Avec notamment le rachat de la plateforme de publicité vidéo BrightRool pour 640 millions de dollars, celui du spécialiste des analytics mobile Flurry ou encore le lancement d'une offre de native advertising très innovantes, Gemini. Autant de solutions qui devraient permettre de muscler l'offre de la plateforme One by AOL, côté programmatique notamment.

Des pertes à combler et des collaborateurs à recaser

Reste que Yahoo ne sera pas des plus faciles à digérer. Le groupe enchaîne les pertes. Il a essuyé un déficit de près de 4,4 milliards de dollars en 2015, en dépit des efforts de Marissa Mayer. Laquelle n'a pas réussi non plus à redynamiser le chiffre d'affaires qui stagne depuis son arrivée.

Evolution des résultats de Yahoo (en milliers de dollars)
 

2011

2012

2013

2014

2015

Chiffre d'affaires 

4 984 199

4 986 566

4 680 380

4 618 133

4 968 301

Résultat net

1 048 827

3 945 479

1 366 281

7 521 731

-4 359 082

Yahoo compte plus de 8 800 collaborateurs et 700 partenaires dans le monde, contre 5 600 pour AOL. Verizon dégraissera sans doute pour espérer renouer avec la rentabilité. Les rumeurs de plan social devraient se faire insistantes dans les semaines à venir alors que Marissa Mayer a de son côté expliqué qu'elle n'avait pas l'intention de partir.

Pas de quoi rendre John Colley, professeur en stratégie à la Warwick Business School, optimiste. "Malheureusement les 'alliances entre faibles' pour établir un seul et solide acteur ont rarement marché. Elles donnent plutôt naissance à un plus gros 'faible acteur'. C'est d'autant plus vrai dans ce type de secteur où le gagnant prend tout", juge le professeur.

Verizon n'en reste pas moins très ambitieux et aspire à devenir un géant du mobile, avec un objectif affiché de 2 milliards de mobinautes et 20 milliard de dollars de revenus publicitaires mobiles en 2020.