Pour se débarrasser de Facebook Connect, les médias français sont enfin prêts à s'unir

Pour se débarrasser de Facebook Connect, les médias français sont enfin prêts à s'unir Les éditeurs réfléchissent à la création d'un identifiant numérique commun, sous la tutelle du Geste. Chacun resterait libre de traiter comme il l'entend la data collectée.

Il sera peut-être bientôt possible d'utiliser le même compte pour consulter en ligne les contenus du Figaro, de L'Equipe ou de TF1. Les médias français réfléchissent en effet à la création d'un identifiant numérique commun (ou single-sign on - SSO). "Il permettrait de se connecter aux sites et applications des médias français qui l'adopteraient, que leur offre soit gratuite ou payante", détaille Bertrand Gié, le président du Geste. Le groupement des éditeurs en ligne a pris la tutelle de ce projet qui marche sur les traces de deux initiatives lancées par ses homologues allemands et portugais. Baptisés Verimi et Nonio, ces derniers seront ouverts au grand public dans les semaines à venir.

Pour tous, il s'agit d'apporter une réponse vertueuse au "Facebook Connect", cet identifiant qui est aujourd'hui omniprésent pour se connecter sans friction à un service Internet et qui a assis la domination de Facebook sur le marché publicitaire en lui permettant de cibler les internautes sur mobile et desktop.

Anticiper l'arrivée du RGPD et eprivacy

Il s'agit aussi selon le Geste de préparer l'arrivée du règlement sur la protection des données personnelles (RGPD) cette année et celle du règlement eprivacy qui ne devrait pas arriver avant fin 2019. "Ces textes vont rebattre les cartes en matière de collecte et traitement de la data, sans que l'on connaisse encore leurs conséquences réelles", confirme Bertrand Gié. Ces évolutions réglementaires vont mettre à mal le business de la data cookie. L'enjeu pour les éditeurs vivant de la publicité est donc de faire se connecter un maximum d'internautes sur leur site. "Un système d'identifiant commun permettrait de s'assurer d'un consentement éclairé de l'utilisateur pour que ses données soient utilisées", précise Bertrand Gié. L'internaute accepterait aussi, au moment de la création de son compte, le partage de ses données auprès des autres membres de l'initiative.

"Pas question de DMP ou de régie commune. Chacun fera ce qu'il veut des données qu'il a recueillies"

Ce projet de "Verimi français" se veut toutefois le plus léger possible là où Axel Springer, Deutsche Telekom et autres ont lancé un chantier pharaonique l'été dernier. Verimi compte, avant même son ouverture au grand public, trente collaborateurs et met en place une régie qui commercialisera la data collectée. Rien de tel ici. "Il n'est pas question de DMP ou de commercialisation commune, prévient Bertrand Gié. Chacun fera ce qu'il veut des données qu'il a recueillies via l'ID commun." Un prestataire technique, dont l'identité reste à définir, serait juste en charge de la gestion de ce login commun.

Quand pourrait donc voir le jour cet ID commun ? "Personne n'a signé d'engagement mais beaucoup sont intéressés", déclare Bertrand Gié. TF1 et M6, qui siègent au conseil d'administration du Geste, sont notamment favorables à cet ID commun qui leur permettrait de s'affranchir du Facebook Connect dont leurs plateformes de catch-up sont très dépendantes. Car pour pouvoir rivaliser avec Facebook, TF1 devra être capable de proposer de la data exclusive aux annonceurs. Ce qu'il ne peut pas faire en passant par le Facebook Connect.

TF1 et M6  sont favorables à l'ID commun pour s'affranchir du Facebook Connect

La position des groupes médias qui génèrent de l'audience (et donc des revenus publicitaires) grâce aux contenus gratuits qu'ils diffusent sur Google News ou Facebook est plus floue.

Un éditeur, qui souhaite rester anonyme, explique ne pas vouloir mettre en place un système qui obligerait les internautes non logués provenant de Google News ou d'AMP à se créer un compte pour voir ses contenus. "On aurait un taux de rebond énorme et cela impacterait négativement le référencement de ces articles. Je pense que la mise en place de cet ID sera surtout pertinente pour les éditeurs qui proposent une information non standardisée, pas ceux qui font la course au clic sur Google."

Le vice-président du Geste Emmanuel Alix en convient : "l'enjeu est de proposer des services gratuits qui justifient que l'internaute s'inscrive pour y accéder". Celui qui est par ailleurs le patron du numérique de L'Equipe cite en exemple l'offre mobile du quotidien sportif où beaucoup d'utilisateurs sont logués (sans être abonnés au payant) pour profiter d'un service de push mobiles sur leur club préféré.

Si le Geste accepte de commenter cette initiative alors qu'elle n'est qu'à l'état embryonnaire, c'est aussi pour préempter ce sujet hautement stratégique de l'ID commun. Et donc éviter que ses membres ne multiplient des alliances concurrentes, comme ce fut le cas cet été avec Skyline et Gravity. Un véritable enjeu sur ce sujet où la masse critique est indispensable.

"Le Geste nous semble être l'acteur le plus légitime pour porter une alliance la plus fédératrice possible, précise Emmanuel Alix. Notre initiative concerne dans un premier temps les éditeurs de contenus. Mais la porte sera peut-être ensuite ouverte à d'autres acteurs". Si elle aboutissait, l'initiative pourrait voir le jour en septembre, dans le meilleur des cas.