Apple News, un relais de croissance des médias incertain… et hasardeux

Apple News, un relais de croissance des médias incertain… et hasardeux L'impact sur les audiences du widget mobile est considérable. Mais la recette pour y figurer est floue et la firme à la pomme peut réserver de mauvaises surprises.

Pour les médias, l'audience restant le nerf de la guerre, toute nouvelle vitrine est bonne à prendre. Et à défaut de planche de salut, le widget Apple News, présent sur tous les smartphones iOS de l'Hexagone, fait office de petite bulle d'oxygène après la chute de l'audience en provenance de Facebook. Une bulle qui n'a eu de cesse de grandir au cours des dernières semaines du côté du Parisien, pour représenter désormais "près de 20% du trafic global tous devices confondus, derrière Google", révèle le digital marketing manager du quotidien francilien, Guillaume Bournizien.

Même constat du côté d'Europe 1 où un article de fait divers resté toute une après-midi sur le widget a rapporté plusieurs centaines de milliers de visites. Considérable pour un site qui avoisine le million de visites quotidiennes. "Apple News est la première source de trafic du site lorsque nous y restons plusieurs heures", résume Olivier Lendresse, directeur du numérique du pôle radio.

"Apple News est la 1ère source de trafic d'Europe 1 lorsque nous y restons plusieurs heures"

Les chiffres communiqués par les deux médias sont toutefois des estimations. Apple News ne permet pas de tracker le trafic qu'il apporte, comme le fait un Facebook ou Twitter. "C'est ce qu'on appelle du 'dark social', un trafic non référencé au même titre que l'audience apportée par les partages via email ou SMS", confirme Kevin Singer, le responsable des nouvelles audiences du Monde. Les médias doivent donc bricoler, en recoupant entre une présence sur le widget et une hausse soudaine de l'audience, par exemple.

Ils peuvent toutefois s'appuyer sur des outils d'analyse comme Semiocast, pour scanner leur présence au sein du widget. L'occasion pour Le Parisien d'apprendre qu'il figure dans le top 3 des médias les plus diffusés au sein d'Apple News, entre le 1er et le 23 mars. Ce sont, sur la période, 131 de ses articles qui ont été mis en avant pour un taux de présence qui avoisine les 80%.

L'espace Apple News sur un iPhone français. © JDN

Impossible en revanche de savoir combien d'utilisateurs consultent le widget. "Nous n'avons aucune statistique à ce sujet, regrette Guillaume Bournizien. Et pas plus de certitude de jackpot lorsqu'un article y est repris." C'est, selon son expérience, d'abord le potentiel de viralité du sujet repris qui permet de faire décoller les audiences. "Un sujet très niche ou BtoB n'occasionnera pas de bond." Autre observation : il y a clairement une prime à la première place. Quatre articles sont affichés sur le widget. "Tout passage en troisième ou quatrième position divise l'audience par deux, voire par trois", estime Guillaume Bournizien. Et la fête peut être de courte durée : le widget s'actualise à peu près tous les quarts d'heure, faisant remonter de nouveaux articles selon une logique difficile à comprendre.

"C'est un peu la loterie, tant il est compliqué de trouver des similitudes entre les articles qui sont repris sur Apple News", confirme Kevin Singer. "On est loin de pouvoir travailler le référencement de nos papiers comme on peut le faire sur Google News. Il n'y a pas vraiment de recette", complète Guillaume Bournizien. Ce dernier assure toutefois que Facebook n'a pas d'influence sur une reprise au sein d'Apple News. "Certains articles remontent sur Apple News alors qu'ils n'ont pas encore été partagés sur Facebook." En revanche, celui de Twitter serait avéré : "Apple News accorde du crédit aux comptes de journalistes certifiés pour faire le tri", croit savoir Guillaume Bournizien. Pour preuve, cet article du Parisien sur le décès du journaliste Rémy Hivroz, massivement relayé par le métier et remonté sur Apple News alors que le sujet n'est pas grand-public.

Inutile de demander le mode d'emploi à d'Apple. Nos trois médias sont unanimes sur ce sujet, "les relations sont inexistantes". "Nous n'avons aucune indication sur la manière de fonctionner. C'est tout juste si l'on sait que seule une liste fermée de médias est susceptible d'y apparaître", commente Olivier Lendresse. Les heureux élus sont bien moins nombreux que sur Google News, par exemple. Autre observation : Apple News, qui propose un affichage différent selon les localisations, favorise la PQR en région et Le Parisien est particulièrement mis en avant en Ile de France.

"Trop d'incertitudes pour que l'on prenne en compte ce trafic dans les modélisations du business de demain"

"C'est un vecteur de distribution que nous ne maîtrisons pas absolument pas", conclut donc Olivier Lendresse. C'est d'ailleurs le principal bémol de la "belle" histoire avec Apple News : elle est susceptible de s'arrêter du jour au lendemain. "On ne sait rien des plans d'Apple. Il pourrait très bien décider de supprimer le widget ou d'en rendre l'accès payant", se désole Guillaume Bournizien. Au final, prévient ce dernier, "il y a trop d'incertitudes pour que l'on considère ce trafic comme acquis ou même qu'on le prenne en compte dans les modélisations du business de demain".

Dès lors, une seule option : essayer de convertir autant que possible ce nouveau trafic à la consultation du Parisien. "Le taux de rebond est énorme par rapport à une source classique. Tout l'enjeu est d'essayer de capter l'audience plus longuement, en l'incitant par exemple à télécharger notre application ou en la redirigeant vers notre application lorsque celle-ci est installée." Car Apple News redirige par défaut vers la page Web mobile mais il est possible de contrecarrer cela par l'ajout d'une balise dans le code de l'application. L'univers applicatif étant plus performant que le Web mobile en matière de monétisation et d'engagement, c'est toujours cela de pris.