Droit voisin : Google va au bras de fer... les éditeurs portent plainte

Droit voisin : Google va au bras de fer... les éditeurs portent plainte Les éditeurs portent plainte contre Google devant l'autorité de la concurrence suite à sa décision de ne reprendre plus que les contenus et vignettes des éditeurs de presse européens qui l'autorisent à le faire gratuitement.

[Mise à jour du 24 octobre 2019 à 11h50 Les grands groupes de presse française avaient promis qu'ils déporteraient le combat sur le terrain judiciaire dans le conflit qui les oppose à Google sur le sujet du droit voisin. C'est chose faite. L'Alliance de la presse d'information générale vient d'annoncer qu'elle portait plainte devant l'Autorité de la concurrence et saisissait le gouvernement pour contester les conditions imposées par le moteur de recherche. L'Agence France-Presse (AFP), qui ne fait pas partie de l'Alliance, prépare également une plainte. A noter que la grande majorité des sites d'information ont toutefois consenti à déployer au sein de leurs pages les balises meta qui autorisent Google à reprendre leurs contenus gratuitement.

Google va bien se conformer à la nouvelle loi française sur le droit d'auteur... mais pas comme les éditeurs européens l'espéraient. La firme de Mountain View a déclaré le 25 septembre 2019 qu'elle allait modifier l'affichage des actualités au sein de son moteur de recherche. Une annonce qui a un goût amer pour les éditeurs de presse. Ces derniers espéraient que Google jouerait le jeu, en acceptant de les rémunérer lorsque Google News reprend une partie de leurs contenus.  Hors de question, explique Google, qui préfère supprimer les extraits d'articles ou petites images type vignettes de son agrégateur d'actualités lorsque la loi entrera en vigueur, le 24 octobre. 

"Nous n'afficherons plus d'aperçu du contenu en France pour les éditeurs de presse européens, sauf si l'éditeur a fait les démarches pour nous indiquer que c'est son souhait", annonce Google dans une note de blog. Et de rappeler que, rien qu'en Europe, Google est à l'origine de plus de 8 milliards de visites par mois sur les sites des éditeurs de presse. Un apport de trafic dont les éditeurs bénéficient, "en attirant un nouveau public et en augmentant leur chiffre d'affaires au moyen de la publicité et des abonnements".

Une décision irrespectueuse de l'esprit de la directive européenne et du droit français, selon Cédric O

Sans surprise, l'annonce a été accueillie vertement en France.  A commencer par le secrétaire d'Etat chargé au numérique, Cédric O, qui l'a jugée "irrespectueuse de l'esprit de la directive européenne et du droit français".  Le sénateur socialiste, David Assouline, auteur de la proposition de loi, est aussi monté au créneau, évoquant "une position guerrière irresponsable". "Cela semble aller contre l'intérêt de crédibilité et d'éthique d'un géant du Net qui a besoin de montrer plus de respect pour la culture, les médias et l'intérêt général", a-t-il expliqué. 

Même circonspection du côté de Marc Feuillée :  "C'est une réponse de mise en conformité avec la loi, mais en évitant le droit voisin créé… Cette interprétation est-elle conforme à l'esprit de la loi ? ", s'est interrogé le directeur général du Groupe Figaro et vice-président de l'Alliance de la presse d'information générale (AIPG). L'AIPG s'est fendu d'un communiqué dans lequel elle partage "sa stupéfaction et sa colère" face à "une décision qui n'a donné lieu à aucun échange, aucune concertation et apparaît comme un contournement de l'esprit de la loi française." Le patron du groupe Les Echos - Parisien, Pierre Louette, s'est aussi montré incisif. Le patron de presse évoque une "réaction classique de qui veut, abusant d'une position dominante, proposer un marché de dupes" et explique ne pas se résoudre à "avoir le choix entre figurer et disparaître".

Le ministre de la Culture, Franck Riester, a lui estimé que la décision de Google  était non acceptable. "Je m'entretiendrai très prochainement avec mes homologues européens à ce sujet", a-t-il promis sur Twitter. La France n'est en effet qu'une première étape, les 27 autres états membres de l'Union européenne devant eux aussi transposer la directive européenne et créer un droit voisin, d'ici deux ans. Le président de l'association des éditeurs européens de journaux (ENPA), Carlos Peronne, s'est d'ailleurs déjà exprimé, dénonçant "un coup de force" et un "diktat inacceptable" qui place "les médias devant un fait accompli : soit ils donnent au géant américain leur contenu gratuitement, soit ils seront fortement pénalisés par le moteur de recherche". En Allemagne et en Espagne, où une loi similaire avait déjà été évoquée, Google avait gagné le bras de fer. La rubrique Google Actualités avait disparu d'Espagne en décembre 2014, occasionnant une dégringolade du trafic chez les éditeurs espagnols.