Pascal Demurger (Maif) "80 à 90% de notre activité automobile disparaîtrait avec la voiture autonome"
Le directeur général de la Maif veut investir dans le véhicule connecté et dans les nouvelles mobilités partagées pour se préparer à l'arrivée de la voiture sans chauffeur.
JDN. Vous avez animé une keynote intitulée "Voiture sans conducteur, voiture sans assurance ?" au festival de la mobilité urbaine Autonomy. Quels services lancez-vous pour préparer cette révolution ?
Pascal Demurger (directeur général). 60% de notre chiffre d'affaires concerne pour l'instant l'assurance automobile. Or ce marché s'apprête à être bouleversé par le véhicule autonome. A long terme, la généralisation du véhicule autonome signifie que 80 à 90% de l'activité automobile des assureurs pourrait disparaître, en même temps que la sinistralité. Nous nous y préparons notamment en investissant massivement dans les nouvelles mobilités.
Thomas Ollivier (responsable économie collaborative et pratiques émergentes). Cela fait quatre ans que l'on imagine comment replacer l'assurance dans la chaîne de valeur de la mobilité. Nous lancerons début 2017 l'application mobile Zaleo, dédiée à l'assurance de trajets multimodaux, avec de nombreux partenaires. Concrètement, l'app est capable de lire l'agenda et de consulter la météo pour proposer automatiquement un itinéraire multimodal adapté. L'utilisateur souscrit alors automatiquement à un service d'assurance et d'assistance qui lui garantissent d'arriver à bon port. Elle a déjà été expérimentée sur une centaine de volontaires et sera d'abord lancée à Bordeaux et dans une autre grande ville française, ainsi que dans une commune plus petite, avant d'être étendue à toute la France.
L'heure est aujourd'hui au véhicule connecté. Contrairement à certains de vos concurrents comme Allianz, notamment, vous n'avez pas encore lancé d'offres pay as you drive ou pay how you drive. Pourquoi ?
Pascal Demurger. Nous expérimentons depuis un an avec 2 500 automobilistes volontaires le dispositif Maif and Go, basé sur une app et un boîtier connecté à la prise diagnostic de leur véhicule. Récupérer leurs données de conduite nous permet de leur offrir des conseils personnalisés de prévention et de réduire leur consommation ainsi que de les mettre en compétition de manière ludique via un système de points de bonne conduite.
"Nous expérimentons depuis un an le dispositif Maif and Go, basé sur une app et un boîtier connecté au véhicule"
Cela nous offre aussi et surtout la possibilité de comparer ces data à la sinistralité réelle pour mesurer l'impact que ce genre de dispositif pourrait avoir sur la prime d'assurance. Et cela nous paraît pour l'instant peu pertinent... Cette initiative a toutefois vocation à être généralisée, mais nous ne savons pas encore sous quelle forme.
Vous multipliez avec Maif Avenir les investissements dans les start-up dédiées aux nouvelles mobilités. Que recherchez-vous ?
Pascal Demurger. 50 des 125 millions qui lui ont été alloués à sa création en juillet 2015 ont déjà été dépensés. Ce fonds était calculé pour durer jusqu'à 2018 mais il faudra sûrement le réapprovisionner d'ici là. En ce qui concerne les nouvelles mobilités, nous avons participé aux deux levées du spécialiste de l'autopartage Koolicar, en investissant seuls 2,6 millions d'euros en 2014 puis 18 millions d'euros avec PSA en avril 2016. Ce genre de start-up nous intéresse particulièrement car elle a sa technologie propre, à savoir un boîtier connecté qui permet de déverrouiller et de démarrer la voiture louée grâce à un badge NFC ou à son smartphone et ainsi d'éviter l'échange de clés entre les utilisateurs.
"50 des 125 millions d'euros qui ont été alloués à Maif Avenir à sa création en juillet 2015 ont déjà été dépensés"
Nous avons aussi participé cette année à la levée de 6,1 millions d'euros de la start-up française spécialisée dans le parking partagé automatisé Zenpark et investi 5 millions d'euros dans la location de voiture entre voyageurs avec TravelerCar. Nous sommes aussi partenaires de jeunes pousses comme Wheeliz, qui se focalise sur la location entre particuliers de véhicules adaptés aux personnes à mobilité réduite ou Yescapa, pour les camping-cars.
Que représente aujourd'hui l'autopartage dans votre activité ?
Pascal Demurger. Pour l'instant c'est marginal mais nous sommes convaincus que ces pratiques sont amenées à se développer fortement très rapidement. Et en même temps cela nous contraint à imaginer des offres d'assurance adaptées et à comprendre les nouveaux besoins. Avant le contrat d'assurance était permanent et les véhicules n'étaient utilisés que 5% du temps alors que là l'usage est intensif et par plusieurs personnes que l'on ne connaît pas et sur des durées très courtes.
Koolicar a aussi une offre dédiée à la gestion de flottes. Est-ce un marché que vous souhaitez investir ?
Pascal Demurger. L'assurance va passer de plus en plus d'une activité B to C à du B to B car nous sommes amenés à assurer des flottes de véhicules plutôt que des particuliers. Cela peut devenir le mode majoritaire de mise à disposition des véhicules avec la voiture sans chauffeur, notamment.
"L'assurance va passer de plus en plus d'une activité B to C à du B to B. Nous avions tout misé sur la relation client et nous perdons donc là un avantage compétitif "
Nous avions tout misé sur la relation client et nous perdons donc là un avantage compétitif. L'offre Open Fleet de Koolicar nous offre la possibilité de travailler sur des packages qui combinent la gestion, grâce à la solution connectée de cette start-up, et l'assurance de flottes. C'est une offre inédite sur le marché qui peut d'ores et déjà séduire les professionnels.