Pour enfin percer dans le covoiturage courte distance, BlaBlaCar se met au B2B
BlaBlaLines, la version courte-distance de BlaBlaCar, s'attaque aux entreprises, le terrain de prédilection de ses concurrents Klaxit et Karos. Objectif : commencer à gagner de l'argent.
BlaBlaCar est l'entreprise grand public par excellence : sa plateforme de covoiturage met en relation des particuliers sans intervention humaine. Pour BlaBlaLines, sa déclinaison courte distance lancée en 2017, le principe est le même, mais pas les conditions du marché. L'entreprise a dû se résoudre, comme ses concurrents avant elle, à accepter un état de fait : il n'y a pas de modèle économique viable pour le covoiturage courte distance purement grand public, comme sur la longue distance. Car les transactions sont trop faibles pour inciter les conducteurs à faire des détours. Les entreprises et les autorités de transport sont appelées à la rescousse pour grossir les revenus, populariser la pratique et subventionner les trajets. BlaBlaCar est donc en train d'étoffer son offre et ses équipes, afin de venir concurrencer frontalement les start-up Karos et Klaxit sur leur spécialité, le B2B.
"La stratégie n'a pas changé, nous nous adressons toujours à la même cible de voyageurs grand public", assure Nicolas Brusson, directeur général de BlaBlaCar. Pour lui, c'est surtout le marché qui a évolué, notamment en raison de la loi mobilités (Lom), ce qui a poussé l'entreprise à passer à l'offensive. "La réalité est qu'il n'y avait pas de marché avant la Lom", assène Nicolas Brusson. Un décret d'application de ce texte paru en 2020 ouvre en effet la voie au versement facultatif par les entreprises d'un forfait mobilités durables de 400 euros par an par employé, sans cotisations côté employeur ou salarié. Une manne qui pourra être dépensée pour payer des moyens de transport domicile-travail, dont le covoiturage. "Si on prend la somme des comptes B2B de Karos et Klaxit, c'était tout petit en 2018 et 2019, mais c'est en train de changer," poursuit Nicolas Brusson. "Auparavant, il n'y avait pas de course, à présent elle démarre."
Sollicité par 1 000 entreprises
Pour se préparer à cette course, BlaBlaCar a donc développé comme ses concurrents des fonctionnalités pour les entreprises tel le suivi des dépenses, des tableaux de bord sur l'usage ainsi que la formation de relais dans les entreprises pour favoriser la pratique. La start-up a aussi renforcé les équipes de BlaBlaLines et dégagé du temps à d'autres équipes de BlaBlaCar afin qu'elles fassent du commercial pour BlaBlaLines. Pour l'instant, BlaBlaLines a signé seulement quelques clients, dont L'Oréal pour son site de Saint-Ouen, ainsi qu'Engie et le groupe familial Onet pour tous leurs sites en France. C'est bien moins que ses concurrents Klaxit et Karos.
Pour combler ce retard, BlaBlaCar ne démarche pas en masse comme on pourrait s'y attendre. "Nous sommes plutôt dans une dynamique où nous répondons aux sollicitations, le démarchage viendra dans un second temps," explique Adrien Tahon directeur général de BlaBlaLines. Il affirme que l'entreprise a été contactée par environ 1 000 sociétés lui demandant de venir développer le covoiturage courte-distance chez elles, sans les avoir démarchées. Une partie d'entre elles sont prêtes à signer et attendent le bon moment pour se lancer, assure BlaBlaCar, qui a privilégié des groupes moins affectés par le télétravail et le covid, comme ceux de la grande distribution.
La puissance de la marque
On comprend ainsi la stratégie de BlaBlaCar pour piquer des parts de marché B2B à ses concurrents en déficit de notoriété : jouer sur son image de marque grand public bien connue en France. BlaBlaLines pourra plaider auprès de ses prospects clients et collectivités que leurs employés et administrés auront bien plus de chance de se mettre au covoiturage courte-distance avec une marque qu'ils connaissent déjà. Contrairement à ses concurrents, BlaBlaLines ne propose d'ailleurs pas d'appli en marque blanche, aux couleurs d'une entreprise ou collectivité cliente. Mais derrière le marketing, BlaBlaCar compte aussi mettre à profit ses autres business. "Nous pouvons fournir des données de tout notre écosystème pour comprendre les déplacements sur un territoire : les covoiturages longue distance BlaBlaCar, les trottinettes BlaBlaRides (opérées par le suédois Voi, ndlr) ou encore les BlaBlaBus," détaille Nicolas Brusson.
Le B2B n'est pas tout à fait une nouveauté totale pour BlaBlaCar. Depuis le développement de BlaBlaBus, la start-up a commencé à nouer des relations commerciales avec d'autres sociétés comme les opérateurs de bus. Mais surtout, et on le sait moins, BlaBlaCar a commencé par faire du B2B à ses débuts afin de générer un peu de chiffre d'affaires en attendant de convaincre massivement le grand public de se mettre au covoiturage. "Il fallait manger," se souvient Nicolas Brusson, amusé. "En 2009, le B2B représentait un million d'euros de revenu annuel, mais nous y avons mis fin entre 2011 et 2012, car l'activité grand public décollait et nous ne voulions pas avoir à développer un tas de produits spécifiques pour nos différents clients". Presque quatre ans après son lancement, BlaBlaLines ne gagne toujours pas d'argent. Le temps est venu de se mettre à table.