Logistique des chantiers : pourquoi tout va changer

L'avenir de la mobilité en zone urbaine est devenu un sujet de société central. Le Grand Paris se targuait il y a encore peu de temps de vouloir bannir le diesel d'ici 2024...

... Et les autres métropoles lui emboîtaient le pas. Mais mauvaise nouvelle pour la santé des citadins : le bannissement du diesel est une nouvelle fois reporté ! 

L’effort semble en effet insurmontable si l’on part du principe que l’on ne changera rien à ses habitudes mais en réalité, c’est notre approche toute entière de la mobilité qui doit évoluer, encore aujourd’hui dominée par la possession de la voiture individuelle. Et pour certaines professions traditionnelles, à l’image du BTP, cette dépendance profondément établie provoque naturellement des résistances face au changement.

4,5 mois par an perdus sur la route

Sans surprise, les professionnels du BTP et notamment les artisans se déplacent quotidiennement à l’aide de véhicules utilitaires pour se rendre sur leur chantier. Pourtant, ces véhicules effectuent des trajets à vide de marchandises dans 80% des cas, leur principale utilité aujourd’hui restant le transport de personnes. De plus, la congestion des villes a une conséquence colossale sur leur productivité, avec 4,5 mois par an perdus pour les entreprises.

Au-delà du casse-tête de la circulation, la problématique du stationnement intense en zone urbaine constitue également un coût important pour les entreprises du BTP. Malgré les cartes de stationnement professionnelles, il faudrait continuer à compter près de 600 euros d’amendes chaque mois. Celles-ci sont tellement récurrentes qu’elles sont comptabilisées directement dans les devis. Car le nombre de places disponibles se réduit comme peau de chagrin dans les villes : on estime qu’un tiers des véhicules en circulation est à la recherche d’une place.

Repenser nos modèles de mobilité

La transition environnementale et la réduction de la pollution viennent bousculer les habitudes. S’il s’agit effectivement de l’une des priorités réglementaires du secteur aujourd’hui, on compte encore près de 30% des véhicules légers en circulation en France en Crit’air 4 ou 5 (Données RSVERO). Il faudra attendre la mise en place de la vidéo-verbalisation automatique dès 2023 pour que les propriétaires de ces véhicules se rendent vraiment compte des interdictions en vigueur.

Pour répondre à ces nouvelles normes, on pourrait penser en premier lieu à l’achat d’une flotte de véhicules neufs gaz ou électriques ; car aucun constructeur ne propose aujourd’hui de véhicules utilitaires essence hybride. Malheureusement, la version électrique des véhicules utilitaires coûte environ 70% plus cher que leur version thermique, sans compter les frais d'installation de bornes haute puissance. Sans marché mature de l'occasion, le neuf reste la seule piste pour s'équiper en véhicule performant. Et ni les PME, ni les artisans n’ont les fonds propres ou la capacité d'emprunter pour se les procurer. Par ailleurs, on note que seulement 3% des ventes de VUL neufs en Europe sont électriques actuellement, ce qui n'empêche pas les constructeurs d’annoncer des délais d’attente supérieurs à 12 mois pour ce type de véhicule.

L’autre idée pourrait être de se tourner vers la location ponctuelle. Cette solution présente l’avantage de pouvoir changer de modèle de véhicule selon ses besoins. Mais cette alternative représente une perte de productivité, car il faut encore se rendre en agence pour récupérer et restituer le véhicule, mobiliser des ressources pour la conduite, la manutention et le stationnement, sans bénéficier de la flexibilité d’un véhicule en propre.

Des conditions réunies pour le grand changement

Il ne suffira donc pas de nouveaux véhicules neufs ou d’en louer de temps en temps pour être à la fois plus productif et moins polluant. Le secteur doit se réinventer en profondeur pour s’améliorer de manière durable et rompre avec des habitudes qui n’ont plus lieu d’être. C’est un fait, la mobilité dans le BTP va changer, et le moment n’a jamais été plus opportun qu’aujourd’hui.

En effet, les habitudes en matière d’approvisionnement de matériaux changent progressivement avec l’essor de la digitalisation et de la livraison professionnelle. Il devient aujourd’hui possible d’externaliser ses besoins logistiques à 100%, tout en réduisant ses frais. De nouveaux services comme par exemple la livraison de matériaux en 2 heures seulement (Supervan) ou l’enlèvement des déchets de chantiers à la demande (Big Bag 'n Go) permettent de répondre via un site web ou une application à un besoin en quelques clics. Dans ces conditions, la possession d’un véhicule utilitaire peut être remise en question.

Enfin, favoriser les alternatives comme les transports en commun ou les deux roues électriques pour se déplacer sur ses chantiers n’est plus inenvisageable, comme cela l’était il y a quelques années. En interne, les professionnels les plus avancés poussent déjà leurs salariés vers ces modèles, étant bien plus rapides que la voiture ou le camion au vu du maillage urbain existant…

Le défi qui s’offre au secteur est donc immense, mais pas insurmontable. La véritable transition ne se trouve finalement pas dans la réduction de l’impact environnemental, mais bien dans la manière dont nous réussirons à renouveler des habitudes profondément ancrées. Il est tout à fait possible de réconcilier les impératifs environnementaux et les réalités économiques du terrain grâce à l'utilisation de nouveaux services digitaux, qui offrent une véritable alternative - à condition de bien vouloir changer ses habitudes ! Savoir faire preuve d’agilité et d’adaptabilité dans un monde en mouvement constant, tel sera le challenge des professionnels du BTP dans les prochaines années.