Essor de la mobilité électrique : vers une nouvelle culture du voyage en voiture
Un éclairage sur la transition écologique en cours dans le secteur automobile et une vision où les stations de recharge ne sont plus de simples points de passage, mais des "oasis électriques".
Cet été encore, bison futé a vu rouge à de nombreuses reprises sur les routes de France. Des chassés-croisés estivaux qu’il convient d’analyser aussi sous le prisme de l’impact écologique de nos véhicules personnels, encore très (trop) carbonés. Pour accélérer cette transformation fondamentale vers une mobilité plus respectueuse de l’environnement, l’Union européenne a fixé la fin de la vente des véhicules thermiques à 2035. Dans cette optique, notre gouvernement ambitionne, à travers le programme « France 2030 », de produire 2 millions de véhicules zéro émission sur notre territoire à cet horizon. Mais encore faut-il que ces automobiles propres trouvent acheteurs ! Alors que la recharge publique, notamment lors de grands déplacements, reste le principal frein à l’adoption d’un véhicule électrique chez les particuliers, il est grand temps de révolutionner l’expérience même du « roadtrip », en alliant confort et durabilité.
Les contraintes de l’électrique : un frein à l’adoption massive ?
Moins de 1% du parc automobile français est aujourd’hui électrique[1]. Un chiffre qui fait pâle figure quand on sait que nos voisins norvégiens ont dépassé le seuil de 20% de voitures roulant à l’électrique[2], soit une sur cinq. Si les perspectives sont à la hausse, comment expliquer la si lente adoption des véhicules propres sur notre territoire ? En grande partie par les insuffisances en matière d’expérience de recharge. Car si nous comptons parmi les pays les mieux lotis d’Europe en termes d’infrastructures de recharge accessibles au public (on compte plus de 100 000 bornes électriques[3]), celles-ci ne semblent pas suffisamment pensées selon les usages et besoins des utilisateurs.
Manque de centralisation et de cartographie des bornes fonctionnelles aux alentours, qui plus est selon la vitesse de chargement et le type de prise ; difficulté à connaitre en temps réel et à distance la disponibilité d’une borne et incapacité à la réserver avant son arrivée ; inexistence d’un système de paiement mutualisé… l’écosystème de l’électromobilité est aujourd’hui complètement morcelé, rendant bien souvent le conducteur captif d’un unique opérateur de recharge, et l’obligeant à planifier ses déplacements dans le moindre détail pour anticiper ses lieux de charge et donc ses temps de pause. Plus encore, cette situation de marché entraine un manque de transparence et une amplitude prix (notamment pour les recharges rapides) très importante, alors même que les hausses régulières des tarifs de l’électricité font de la charge de leur véhicule un poste de dépense surveillé de près par les foyers français. Une série d’obstacles qu’il convient de surmonter si nous voulons opérer des changements significatifs dans nos modes de déplacement et de consommation énergétique au regard des enjeux climatiques.
De la station-service à l'oasis électrique : réinventons la recharge
400 0003. C’est l’objectif que s’est fixé la France à horizon 2030 en termes de bornes de recharge publiques sur le territoire. Mais plus que la création d’infrastructures classiques, accolées aux stations-essence, c’est l’expérience même de la recharge qui doit être repensée en profondeur. Outre des améliorations techniques et technologiques visant à offrir un service de charge centralisé, clair et fluide, de sorte à lever les freins listés plus haut, ces stations-électriques du futur pourraient se transformer en de véritables oasis en bord de route.
A l’instar des hubs électriques néerlandais, le temps de recharge, et donc de pause, pourrait ainsi se transformer en une expérience complète pour le conducteur comme pour ses passagers. De nouveaux tiers-lieux d’autant plus importants sur les autoroutes, massivement empruntées pour les longs voyages professionnels ou familiaux, lors desquels ces pauses sont essentielles, voire vitales. Entretien automobile, restauration de qualité, aire de jeux pour enfants, espace de coworking, service « Lounge », hôtellerie, salle de sport, animations et activités créatives… les services annexes à imaginer pour faire de cette halte un moment à vivre sont nombreux.
Il est même possible d’imaginer désenclaver l’aire d’autoroute, en proposant par exemple un service de location de vélos et des itinéraires à suivre pour partir à la découverte des villages alentour. De quoi dynamiser l’économie locale ! Une logique de circuit-courts (voire d’autoconsommation) doit également s’appliquer dans le choix de l’approvisionnement alimentaire et énergétique pour faire de ce lieu de vie d’un nouveau genre un havre de paix écoresponsable. Des panneaux solaires sur les toits des bâtiments ou des éoliennes à proximité des parkings peuvent ainsi être imaginés. De quoi enfin rendre le temps de charge acceptable à travers une expérience tout à la fois agréable pour l’utilisateur – durant laquelle chaque arrêt est une opportunité d'évasion et non plus une contrainte – mais aussi profitable pour l’opérateur, pour qui la recharge électrique n’est plus qu’un service au milieu d’une gamme diverse et riche !
[1] SDES-RSVERO et PFA
[2] Association norvégienne des véhicules électriques
[3] 100 000 bornes de recharge électrique ouvertes au public