Etat des lieux, vétusté et bail d’habitation

Depuis le 1er juin 2016, date d’entrée en vigueur du dernier décret d’application de la loi sur l’accès au logement urbain rénové du 24 mars 2014, dite loi Alur, les parties au contrat d’un bail d’habitation devront prendre en compte de nouveaux critères relatifs à l’état des lieux et à la vétusté.

Le décret n° 2016-382 du 30 mars 2016 s’appliquera à tous les logements vides ou meublés proposés à la location, le critère de la vétusté étant uniquement apprécié pour les locations à titre de résidence principale.

Ce texte initié par le Premier ministre et la ministre du Logement et de l’Habitat durable témoigne de la volonté de protéger un peu plus les parties au contrat de location en encadrant plus strictement les conditions dans lesquelles interviennent la conclusion et l’exécution de ce contrat.

Les dispositions du décret sont en parfaite adéquation avec la loi Alur dont l’objectif est de "réguler les dysfonctionnements du marché, protéger les propriétaires et les locataires, et permettre l’accroissement de l’offre de logements dans des conditions respectueuses des équilibres des territoires".

I - Le nouvel encadrement de l’état des lieux d’entrée et de sortie du logement loué

Dans son Chapitre 1er relatif à l’établissement de l’état des lieux, le décret rappelle le champ d’application de la notion d’état des lieux telle qu’explicitée par la loi du 6 juillet 1989 en son article 3-2 : il porte sur "l’ensemble des locaux et équipements d’usage privatif mentionnés au contrat de bail et dont le locataire a la jouissance exclusive".

Une fois cette précision faite, le texte énonce les informations obligatoires dans l’état des lieux à l’entrée et à la sortie, puis précise les éléments complémentaires qui doivent être contenus dans l’état des lieux de sortie.

Informations contenues dans l’état des lieux d’entée et de sortie :

-       type d’état des lieux (entrée ou sortie)

-       date d’établissement
-       localisation du logement

-       identité des parties (nom ou dénomination sociale)

-       adresse du bailleur (domicile ou siège social)

-       si l’état des lieux a été réalisé par un mandataire du bailleur, identité (nom ou dénomination) et adresse (domicile ou siège social) de la personne

-       le cas échéant, les révélés des compteurs individuels de consommation d’eau ou d’énergie

-       détail et destination des clés, ou de tout autre moyen d’accès au logement qu’il s’agisse des parties communes ou des parties privatives

-       pour chaque pièce et partie du logement, détail de l’état des revêtements des sols, murs, plafonds ainsi que des équipements et de ses autres éléments. Cette description peut être étayée par des observations ou des images

-       la signature des parties ou, le cas échéant, de leurs mandataires.

Informations additionnelles exigées pour l’état des lieux de sortie :

-       adresse du nouvel hébergement du locataire (domicile ou autre)

-       précision de la date à laquelle a été réalisé l’état des lieux d’entrée

-       "éventuellement", l’évolution - positive ou négative - de chaque pièce et partie du logement depuis l’état des lieux d’entrée.

Enfin, l’article 3 du décret encadre l’établissement de l’état des lieux par un certain formalisme. L’objectif est que les états des lieux d’entrée et de sortie soient établis sous une forme similaire afin de pouvoir en extraire des éléments de comparaison.

-       éléments analysées : uniquement les meubles ou équipements mentionnés dans le bail d'habitation

-       support : un document unique d’entrée et de sortie ou bien deux documents distincts d’apparence similaire

-       forme : sous format papier ou forme électronique

-       transmission : remise en main propre ou par voie dématérialisée lors de la signature.

II - La mise en lumière du critère de vétusté du logement loué à titre de résidence principale

La notion de vétusté se retrouve de plus en plus fréquemment dans le cadre des baux d’habitation où le locataire qui y établit sa résidence principale est un consommateur profane. Cette tendance s’explique par une forte demande dans les grandes villes où le marché locatif est saturé.

Par exemple, en cas d’assignation en justice du locataire par le bailleur, la vétusté est un critère fréquemment pris en compte par les juges pour exclure ou limiter la responsabilité du locataire. 

Cela n’exonère pas le locataire de son obligation d’entretien et de remise en état s’il est à l’origine de dégradations sur le bien loué. Dans le cas contraire, toute négligence ou carence du locataire pourrait être sanctionnée par le contrat (utilisation des sommes données en dépôt de garantie) ou par les juges.

Le décret du 30 mars 2016 rappelle la définition de la vétusté, établie depuis la loi du 6 juillet 1989 en son article 6, et donne des dispositifs d’évaluation.

En effet, la vétusté se caractérise par "l’état d’usure ou de détérioration résultant du temps ou de l’usage normal des matériaux et éléments d’équipement dont est constitué le logement".

L’existence d’un état de vétusté et, le cas échéant, de son degré de gravité est évaluée par une grille de vétusté appliquée dès la signature du bail entre le bailleur et son locataire.

Le décret cite deux grilles existantes qui ont fait l’objet d’un accord collectif local et auxquelles les parties au contrat de bail peuvent se soumettre.

Il s’agit :


-       soit de l’accord de l’article 42 de la loi du 6 juillet 1989, et ce même si le logement en cause n’entre dans aucun des secteurs locatifs prévus par l’accord

-       soit de l’accord de l’article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986, et ce même si le logement en cause ne relève pas du patrimoine régi par l’accord. Pour information, cette disposition identifie 4 secteurs locatifs en fonction de la qualité du propriétaire du logement loué.

Cette grille d’évaluation doit déterminer la durée de vie théorique des principaux éléments du bien loué, à savoir les matériaux et les équipements (Ch. II, article 4, alinéa 3 du décret). Le décret oblige aussi que ladite grille définisse des coefficients d’abattement forfaitaire annuels qui permettraient de réduire le prix des réparations locatives à la charge du locataire.

La parution de ce décret au journal officiel le 31 mars 2016 a suscité un certain nombre de déceptions : le décret est court et ne propose qu’une régulation a minima …

-       Tout d’abord, le contenu de l’état des lieux est minime puisque le texte prévoit qu’il contient "au moins" les éléments cités. Il laisse ainsi le choix aux parties soit de prévoir entre elles des conditions supplémentaires soit de se conformer aux seules informations visées par le décret et qui ne sont pas extrêmement contraignantes.

-       Ensuite, le décret ne donne pas de grille-type d’appréciation de la vétusté, contrairement à ce qui était annoncé lorsque le texte était encore à l’état de projet. Le texte se borne donc à proposer à titre purement indicatif ("les parties peuvent") des grilles déjà existantes.

Les experts juridiques et les professionnels de la location demeurent donc dans l’attente de précisions, en particulier concernant le critère de la vétusté. Espérons qu’un prochain texte (un nouveau décret d’application de la loi Alur ?) vienne enrichir le présent texte.