Europe : il est temps de reconstruire la finance pour restaurer notre souveraineté économique

Exoé

Loin d'être une vue de l'esprit, l'alerte lancée par les acteurs de la finance européenne sonne comme une mise en garde solennelle.

Loin d’être une vue de l’esprit, l’alerte lancée par les acteurs de la finance européenne sonne comme une mise en garde solennelle. Notre continent, riche de ses talents, de son industrie et de ses ambitions, qu’elles soient numériques, écologiques ou stratégiques, risque de manquer le train de l’avenir faute d’une finance adaptée, unie et ambitieuse.

Pourquoi l’Europe se fragilise financièrement

Des marchés fragmentés, trop dispersés. L’Union européenne reste loin de la promesse d’un véritable marché unique des capitaux : 27 régulations nationales, autant de systèmes fiscaux et juridiques, des pratiques disparates. Résultat : un investisseur international hésite à engager massivement ses fonds, jugeant trop complexe et risqué un déploiement à l’échelle européenne.

Une fuite des entreprises innovantes vers l’étranger. Trop peu de start-ups et de “scale-ups” européennes finissent par se financer ou se coter localement : elles vont chercher des capitaux là où le marché est lisible, liquide et attractif, souvent aux États-Unis ou ailleurs. L’écosystème “actions européennes” s’appauvrit, au détriment de l’innovation sur notre continent.

Une épargne importante, trop peu mobilisée pour l’économie européenne. Malgré un taux d’épargne élevé parmi les ménages de l’UE, une grande partie reste dormante ou investie dans des produits conservateurs, peu risqués, peu orientés vers la croissance réelle. Cette “force endormie” pourrait pourtant financer la transition écologique, la numérisation, la recherche, mais aussi la souveraineté industrielle et stratégique de l’Europe.

Ce qu’il faut changer : quatre chantiers urgents

Achever l’union des marchés de capitaux. Nous avons besoin d’un cadre juridique et fiscal harmonisé, simplifié, transparent, qui donne confiance aux investisseurs, qu’ils soient européens ou internationaux. L’Europe doit agir pour devenir une place crédible et compétitive face aux États-Unis et à l’Asie.

Rediriger l’épargne des ménages vers l’investissement durable et innovant. Grâce à des incitations, de la transparence, des labels, comme le récent Finance Europe, nous devons orienter massivement les capitaux privés vers les entreprises européennes, la croissance, la R&D, la transition énergétique, les filières stratégiques.

Favoriser le financement des PME, scale-ups et entreprises de demain. Les banques seules ne suffiront pas. Il faut développer les marchés obligataires, actions, venture capital, créer des véhicules d’investissement à long terme capables d’accompagner l’innovation, le risque, l’ambition des entrepreneurs européens.

Assurer une vision stratégique, économique, industrielle, écologique, technologique. La finance doit être le levier permettant à l’Europe de financer la transition verte, la souveraineté technologique, la résilience face aux crises. Sans une orientation claire, cohérente et ambitieuse, nous resterons à la traîne.

Pour une Europe capable de financer ses ambitions et de rester libre

Nous devons accepter l’idée que la finance n’est pas un simple rouage technique. Elle est au cœur de notre souveraineté économique et stratégique. À l’heure où le monde se redessine, géopolitiquement, technologiquement, écologiquement, il est illusoire de croire que l’Europe peut compter seulement sur ses États. Non : c’est l’ensemble des acteurs, citoyens, investisseurs, institutions, qu’il faut mobiliser.

Si l’Europe ne se dote pas rapidement d’un marché de capitaux véritablement intégré, efficace et attractif, elle continuera d’exporter ses pépites, d’importer des technologies, de subir au lieu de choisir. À l’inverse, en réformant dès maintenant, en simplifiant, en harmonisant, en orientant l’argent là où il crée de la valeur, elle pourra réinvestir dans son avenir, ses entreprises, son industrie, ses citoyens.