LinkedIn va-t-il se faire Instagramiser ?
LinkedIn ne serait-il pas en train de favoriser des publications dans l'esprit Instagram, facile à consommer, notamment sur terminaux mobiles, pour suivre un modèle de réseau social capable d'aller chercher la barre du milliard d'utilisateurs ?
J’adore LinkedIn. Je m’y connecte tous les jours. Ça m’arrive même le week-end. Ça fait 10 ans que ça dure. Et j’ai le sentiment que ce réseau risque de perdre son âme. De se faire Instagramiser.
En 2010, la plupart des utilisateurs regardaient ce réseau comme une base de données de CV. On comptait les pro-Viadéo et les pro-LinkedIn. Certains considéraient que les cadres supérieurs affluaient vers Linkedin, les professions intermédiaires vers Viadéo.
LinkedIn a finalement tout avalé. En position de leader incontesté, ce réseau engrangeait des millions d’utilisateurs dans le monde entier, avec une exigence qualitative appréciée de tous. Ainsi, nous pouvions nous alimenter sur LinkedIn de contenus inspirants, d’articles bien écrits. Initialement perçu dans une démarche favorisant l’employabilité, l’utilisateur s’auto-formait au gré de ses lectures. Les contributeurs prenaient soin de bien réfléchir avant de publier quelque chose. C’est du moins le souvenir que j’en ai.
J’ai l’impression que ces contenus disparaissent de nos fils d’actualité, au profit de publications qui me posent un problème. Raison de cet article. Pour réagir et par vos réactions, contribuer ensemble à améliorer ce réseau qu’on aimerait plus fidèle à ce qu’on souhaite y trouver. Est-ce que la période de confinement, réduisant les événements, a eu pour effet que certains utilisateurs, avides de visibilité, se sont mis à étaler la confiture en publiant des contenus plus visuels, faibles sur le fond et qu’on risque de voir devenir une tendance générale sans réaction ? Je ne sais pas.
Je vois depuis quelques mois sur LinkedIn des visuels qui prennent plus d’importance que le texte.
Des visuels très selfie-orientés inondent LinkedIn. A tel point qu'on se croirait bien souvent sur Instagram.
On le fait tous un peu. Je ne m’exclue pas du lot. Je cherche à prendre du recul. Et l’arrivée en 2020 du format Story sur LinkedIn semble nous encourager dans cette direction.
Les intitulés de poste prennent parfois des allures de bio Instagram.
Pour illustration, pourquoi tant d’utilisateurs choisissent si souvent pour libellé de commencer par des « j’aide les entreprises à » ? Je trouve l’usage du verbe « aider » totalement perverti par ces pratiques de personal branding. Si vous avez quelque chose à vendre, décrivez votre compétence / votre métier. Votre prospect sait bien lui-même ce dont il a besoin. S’il cherche un expert SEO, pas la peine de lui proposer de « l’aider à être plus visible ». Avec l’objectif de lui prendre son argent. Certains spécialistes du growth hacking évoqueront sans doute que, sur le volume, cette pratique génère un résultat. D’autres répondront qu’il faut entendre « aider » à l’anglo-saxonne. Que c’est une façon de mettre l’accent sur la Value Proposition. Hmmmm... Je ne suis pas convaincu que la présence si systématique d’un « j’aide » soit adapté.
Imagineriez-vous le PDG de Airbus avec un titre du style « j’aide les compagnies aériennes à transporter les gens d’un point A à un point B » ?
Non. Airbus construit des avions (pas seulement, certes) et ceux qui veulent acheter des avions s’adressent à Airbus. Pour être très concret, si je devais résumer l’idée à la façon d’un rappeur français, ça pourrait ressembler à ça :
Arrête de dire que tu m’aides
Si tu veux me vendre
Dis-moi juste c'que tu fais
J'te dirai si je veux prendre
Got it ?
Fier de recruter, fier de publier, fier de prendre la parole, fier de recevoir un trophée... N’éprouvez-vous pas une certaine lassitude ?
Concernant les contenus de publications, avez-vous compté le nombre de fois que vous lisez des « Fier de », « je suis fier de » ? Pas besoin d’une image pour illustrer le point. Ouvrez LinkedIn, vous en trouverez dans les 60 premières secondes. L’autosatisfaction jubilatoire permanente fatigue. Il est tout à fait possible de dire sa fierté autrement. En rédigeant un contenu argumenté qui apportera de la valeur à vos lecteurs. En accentuant la rédaction sur le contexte que vous avez dû affronter. Comment vous avez réussi à vous en sortir. Ou atteindre vos objectifs. Cela traduira votre fierté, sans en faire l’étendard (vantard) de votre publication. Et cela sera perçu comme un partage sincère et inspirant pour ceux qui vous liront. Qui, en remerciement, vous gratifieront certainement d’un engagement plus sincère que flatteur, plus efficace qu’éphémère.
Allez, s’il vous plait, on retire le mot « fier » de son vocabulaire et on se creuse la tête pour faire passer le message autrement. Cela rendra LinkedIn beaucoup plus intéressant.
J’espère que vous ne verrez pas dans cet article l’expression d’un donneur de leçons. Je suis inquiet. C’est tout. Parce que j’aime bien Linkedin (je sais, je l’ai déjà dit ça). Je dois reconnaitre que je passe de plus en plus de temps sur des plateformes comme Quora, Reddit ou Medium pour m’alimenter de contenus qui pourraient tout à fait se trouver dans LinkedIn. Là où des membres ont plein de choses intéressantes à dire.
A l’heure où fleurissent les Happiness, Customer Success ou Feel Good Manager, peut-être que LinkedIn traduit simplement une nouvelle attitude du cool au travail ?
Peut-être ai-je placé des espoirs dans le réseau LinkedIn qui sont complètement hors sujet ? Peut-être suis-je une caricature d’utilisateur qui ne veut pas évoluer avec son temps ? Peut-être que tout réseau social atteignant un certain volume d’utilisateurs ne peut plus à la fois adresser des enjeux de pertinence de contenu et d’audience ?
Qu’en pensez-vous ?