L’accès à la distribution sélective n’a pas été fermé par le jugement des 3 affaires eBay
La décision prononcée à propos de la vente sur eBay des parfums de 4 filiales du groupe LVMH, doit être mise en perspective avec l’arrêt rendu par la Cour de Paris relatif à la vente sur Internet de parfums Lolita Lempicka, également réservés à des distributeurs agréés.
L'un des trois jugements rendus le 30 juin 2008 par le Tribunal de Commerce de Paris a condamné les sociétés eBay pour avoir porté atteinte aux réseaux de distribution sélective mis en place par quatre sociétés, les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums Parfums Givenchy et Guerlain SA.
Dès la présentation des parties, c'est un véritable cas d'école que le Tribunal a mis en scène.
D'un côté "les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums, Parfums Givenchy et Guerlain SA " qui "font partie des plus prestigieuses entreprises françaises fabriquant et vendant des produits de beauté et des parfums de luxe dans le monde entier" dont les "produits de beauté et ces parfums sont commercialisés en Europe, et plus particulièrement en France, dans des points de vente physiques préalablement agréés dans le cadre d'un système de distribution sélective voulu et contrôlé par chacune des sociétés concernées .... ce qui permet aux sociétés fabriquant ces produits de réserver la vente desdits produits aux seuls distributeurs agréés et de s'opposer ainsi à la vente de ces mêmes produits par d'autres vendeurs que leurs distributeurs agréés".
De l'autre, "eBay est l'acteur majeur du commerce électronique... il représente plusieurs centaines de millions d'utilisateurs... Il permet, comme sa devise l'indique à n'importe qui, n'importe où et n'importe quand, d'offrir, de vendre ou d'acheter pratiquement tout ce qu'il ou elle souhaite... selon un système d'achat immédiat et un système d'enchères, communément appelé enchères en ligne".
Les ventes qui ont été stigmatisées dans cette affaire, présentent deux caractéristiques :
- Il ne pouvait pas être ignoré que les produits étaient réservés à des réseaux de distribution sélective "les produits de luxe fabriqués par les sociétés demanderesses portent la mention apparente cet article ne peut être vendu que par les distributeurs agréés".
- Les annonces au moins dans leur libellé ou dans leur quantité indiquaient qu'elles émanaient de professionnels "les annonces et les transactions portant sur des ventes illicites apparaissent avec évidence, soit par des mentions de type : notre boutique propose une sélection de parfums et accessoires de prestige Hermès, Kenzo, ou encore "la confiance d'un vrai professionnel : + de 500 vrais parfums /... / tous les parfums..."
Ce second aspect conduira d'ailleurs le Tribunal à voir dans l'absence de vérification par eBay des immatriculations légales requises pour ces professionnels, un facteur aggravant de son comportement fautif.
L'essentiel de la motivation de la décision du Tribunal repose sur l'examen de "l'environnement" dans lequel sont présentés sur eBay les parfums des quatre sociétés.
Tout d'abord, le Tribunal retient que "la mise en place de réseaux de distribution sélective permet de contrôler l'environnement et le cadre de vente des produits concernés" pour immédiatement opposer que "l'environnement de présentation sur eBay est très variable", et de conclure "qu'il n'est donc pas admissible que soient vendus sur Internet des produits [relevant de la distribution sélective] dans des conditions dégradantes ou de promiscuité déplorable ou encore d'origine frauduleuse".
Autrement dit, le Tribunal n'a pas condamné en tant que tel la vente sur Internet de produits vendus par ailleurs en réseaux de distribution sélective. Une telle interdiction aurait d'ailleurs été contraire aux règles de droit applicables.
La Cour de Paris dans un arrêt intervenu deux mois avant, le 18 avril 2008, (société PMC Distribution c société Pacific Création) à propos de la vente sur Internet des parfums Lolita Lempicka, avait relevé dans les dispositions légales applicables à la vente sur Internet "que le règlement 2790/1999 ne contient aucune disposition spécifique à la vente par Internet ; que cependant, les lignes directrices de la commission du 13 octobre 2000 relatives aux restrictions verticales précisent au point 51 que "l'interdiction de vente sur Internet n'est admissible que si elle est objectivement justifiée..."et que le fournisseur ne peut se réserver la vente sur Internet".
Dans cette affaire jugée en avril 2008, la question de "l'environnement" de la vente des parfums, autrement dit de la présentation sur le site n'a pas été examinée. L'exploitant du site Internet a été condamné pour concurrence déloyale au motif "qu'il n'avait pas procéder aux vérifications nécessaire auprès de son fournisseur, pour s'assurer que ce dernier était un distributeur agréé autorisé à lui vendre les produits en cause".
On devine déjà les prochains débats judicaires. Quels seront pour Internet les critères que les réseaux pourront valablement imposer aux exploitants des sites de l'E-commerce ? Une analogie justifiée entre ces critères et ceux posés pour les distributeurs agréés serait-elle suffisante ? Ou bien ces critères devraient-ils exprimer d'autres contraintes ?