Sandra Le Grand (CanalCE.com) "Notre première difficulté consiste à absorber notre croissance"
Pour ses 10 ans, CanalCE.com a réalisé un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros. La fondatrice et PDG du site marchand pour comités d'entreprise détaille son activité et ses axes de développement.
JDN. En quoi consiste l'activité de CanalCE.com ?
Sandra Le Grand. J'ai créé CanalCE.com en 2000 après avoir passé 11 ans chez Coca Cola. J'avais observé que la décision d'installer des distributeurs de boissons dans les entreprises revenait aux CE. Il existe 35 000 comités d'entreprise en France, qui au total drainent 12 milliards d'euros de dépenses. J'ai pensé qu'Internet pouvait fluidifier les relations entre les fournisseurs et eux. D'où l'idée d'une plate-forme de produits et de services accessibles en contrepartie d'un abonnement.
Comment CanalCE a-t-il évolué depuis sa création ?
Au début, CanalCE était très orienté ticketing - cinéma, parc de loisirs, spectacles...- et opérait principalement en région parisienne. Nous nous sommes progressivement étendus à l'échelle nationale. A titre d'exemple, nous proposons des entrées dans 120 parcs, zoos et aquariums ainsi que dans tous les cinémas de France. Ce qui nécessite parfois d'aller chercher le bowling "du coin" et autres acteurs très locaux un par un.
Nous avons aussi étendu notre gamme de produits, qui englobe aujourd'hui les bons d'achat - Kiloutou, Auchan, Darty...-, les abonnements presse, les voyages, le high-tech, le brun et le blanc, ou encore les services à la personne. Notre catalogue comprend 60 000 produits à prix réduits de 10 à 15 % en moyenne, parfois jusqu'à 40 ou 70 % pendant les périodes propices aux promotions. En 2000, CanalCE.com était surtout un site vitrine. L'activité d'e-commerce a réellement démarré à partir de 2004. Aujourd'hui, 90 % de notre chiffre d'affaires provient du Web.
"90 % de notre chiffre d'affaires provient du Web"
Nous nous sommes par ailleurs positionnés sur l'aide aux CE et aux salariés sur les questions juridiques et sociales, de droit du travail mais aussi de droit privé, de droit des consommateurs, de droit des familles... CanalCE est donc également une boîte à outil juridique, sociale et de communication.
Quel est votre chiffre d'affaires ?
Sur l'exercice clôturé fin juin 2010, nos ventes s'élèvent à 30 millions d'euros, en croissance annuelle de plus de 30 %. CanalCE est rentable depuis plusieurs années. Nous visons un chiffre d'affaires de 45 millions d'euros en 2010-2011. Nous alimentons cette accélération par des embauches : nous étions 100 début 2010 et serons 115 à la fin de l'année. Nous comptons 5 000 comités d'entreprise clients dans tous les secteurs. Ils représentent 1,5 million de salariés, soit 4 millions de bénéficiaires potentiels en comptant leurs familles. 60 à 65 % sont sur la région parisienne, 10 à 15 % sur Lyon. Nous disposons de cinq agences physiques.
Quels sont vos axes de développement ?
Nous commençons à nous adresser aux petites entreprises de moins de 50 salariés, qui n'ont pas de CE. Notre client est alors le plus souvent le chef d'entreprise, voire le responsable des ressources humaines ou le délégué du personnel. Nous allons aussi cibler les organismes qui regroupent les PME, tels que les CCI ou les Pôles Emploi, mais également les banques ou les concessionnaires qui désirent animer leur réseau avec un programme de fidélisation.
"Nous allons rester sur un rythme d'un ou deux rachats par an"
Enfin, nous réfléchissons à l'international. Dans les autres pays, le système des comités d'établissement existe aussi, mais avec des modes de fonctionnement et des budgets différents. Dans le pays européen que nous choisirons d'attaquer - en fonction du contexte culturel, législatif, social et fiscal, mais aussi de la présence sur place de nos partenaires actuels -, nous nous adresserons d'abord aux chefs d'entreprises.
En dix ans, CanalCE a procédé à neuf acquisitions, dont deux cette année. Allez-vous continuer à ce rythme ?
Oui, nous regardons des dossiers tout le temps. Nous allons rester sur un rythme d'un ou deux rachats par an, à quelques mois d'écart et en évitant la période de rush de septembre à décembre. Ces acquisitions nous procurent d'abord une implantation régionale. Nous rachetons avant tout le portefeuille client et dans une moindre mesure les partenariats locaux. En général, les acteurs que nous reprenons sont beaucoup moins tournés vers le Web que nous, ils fonctionnent principalement par téléphone et sur catalogue. Ils ne disposent ni de nos outils de CRM, ni de notre connaissance des fournisseurs. Le plus souvent, leurs clients sont contents de passer chez nous, non seulement parce que notre offre est beaucoup plus large, mais aussi parce que nous proposons beaucoup de services, comme par exemple des statistiques de consommation.
Quels sont les principaux défis, les principales difficultés auxquelles est confronté CanalCE ?
La difficulté réside, comme souvent, dans l'exécution de la stratégie plutôt que dans sa définition. Nos commerciaux recrutent environ 80 nouveaux clients par mois. Or les CE sont des structures où les décisions sont prises de façon collégiale, tous les mois, et par des personnes qui occupent cette fonction en plus de leur activité professionnelle. Il nous faut donc être habiles pour figurer à l'ordre du jour, mais également faire en sorte que la personne que nous rencontrons en rendez-vous soit capable de bien réexpliquer notre proposition à ses collègues.
Finalement, notre première difficulté consiste à absorber notre croissance. Certes, c'est un "problème de riche" ! Mais nous avons connu des années où notre chiffre d'affaires a été multiplié par 2 ou 3. Même l'année de la crise, en 2008-2009, notre croissance était de 22 %. Nous gérons un flux de 50 millions de transactions annuelles : nous passons de 2-3 millions de transactions par mois à 8-10 millions en fin d'année. Cela implique de continuellement s'organiser en matière de production, de logistique, de qualité, de service client... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre billetterie est certifiée ISO 9001. Lorsqu'un comité d'entreprise s'abonne à CanalCE, il faut absolument lui fournir un service de qualité car nous n'avons pas droit à l'erreur. Lorsque la Fnac perd un client, ce n'est pas grave. Lorsqu'un CE nous quitte, nous perdons jusqu'à plusieurs centaines de personnes d'un coup. Notre plus gros CE client représente 15 000 salariés.
Comment fêtez-vous les 10 ans de votre société ?
D'abord par des opérations exclusives avec nos partenaires, qui nous permettent de mettre en place une animation soutenue auprès des CE et des salariés. Ensuite par la sortie de deux ouvrages. Le premier est le "Guide du Routard des CE", écrit en collaboration avec le fondateur du Routard, Philippe Gloaguen. J'ai écrit le second, "Entreprendre : un peu, beaucoup, passionnément", pour partager l'aventure de CanalCE et les imbrications entre mon expérience de chef d'entreprise et ma qualité de femme.
Sandra Le Grand, 44 ans, fondatrice et PDG de CanalCE, est titulaire d'une maîtrise de gestion et marketing du tourisme et des loisirs et diplômée de l'Institut d'Administration des Entreprises de Paris. Après 11 ans passés chez Coca Cola, elle crée en juillet 2000 Canalce.com, site dédié aux comités d'entreprise. Aujourd'hui, elle est également engagée dans le soutien à la création d'entreprise. Membre du comité directeur de Croissance Plus, présidente du Club des Ambassadeurs des JDE, elle appartient également au réseau Entreprendre, à l'APCE et fait partie du jury de HEC Entrepreneurs.