Vente en ligne de médicaments : le gouvernement français a enfin rendu sa copie

Le lancement médiatisé en novembre 2012 de plusieurs sites de vente en ligne de médicaments par des pharmaciens français malgré l’absence de cadre juridique et plus encore la fin du compte à rebours européen avant l’expiration du délai de transposition ont précipité le Gouvernement à rendre sa copie.


L’ordonnance [1] du 19 décembre 2012, complétée par un décret du 31 décembre 2012 consacre (enfin), sous réserve de respecter un certain nombre de conditions, la vente en ligne de médicaments. Cette prise de position est intervenue in extremis : le délai de transposition de la directive européenne prenant fin le 3 janvier 2013.
Ainsi, seuls sont habilités à vendre des médicaments en ligne les titulaires d’une officine régulièrement autorisée en France et seuls les médicaments dits de médication officinale, c’est à dire accessibles en libre accès dans les pharmacies, pourront être vendus en ligne.
L’article L. 5125-33 nouveau du Code de la santé publique définit la notion de commerce électronique par une pharmacie comme étant « l'activité économique par laquelle le pharmacien propose ou assure à distance et par voie électronique la vente au détail et la dispensation au public des médicaments à usage humain et, à cet effet, fournit des informations de santé en ligne. L'activité de commerce électronique est réalisée à partir du site internet d'une officine de pharmacie ».
Cette définition donne, a priori, la possibilité aux pharmaciens d’assurer par voie électronique le commerce de l’ensemble des produits dont ils peuvent faire commerce dans leur officine. Cette définition exclut toutefois les médicaments vétérinaires. Dès que lorsque la vente en ligne de médicaments est effectuée à partir de l’étranger à destination d'une personne établie en France, cette activité doit respecter les dispositions de l'article L. 5125-34 ainsi que la législation applicable aux médicaments commercialisés en France. (article L. 5125-40 du code de santé publique).
Le texte prévoit que seuls les médicaments de médication officinale qui peuvent être présentés en accès direct au public en officine (médicaments en libre accès devant le comptoir des pharmaciens) pourront être vendus sur internet. Fin 2012, la liste des médicaments en libre accès, telle qu’établie par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (
l’ANSM) comprenait 380 spécialités "allopathiques", 38 spécialités à base de plantes et 37 spécialités homéopathiques.

L’ouverture d’une pharmacie en ligne est soumise à une double déclaration auprès de l’Agence Régionale de la Santé ainsi que de l’Ordre des pharmaciens, territorialement compétents.
La création du site de vente en ligne de médicaments par l'officine de pharmacie est soumise à autorisation du directeur général de l’ARS. Dans les quinze jours suivant la date d'autorisation explicite ou implicite (en cas de silence gardé par l’ARS, au delà d’un délai de deux mois, l’autorisation sera réputée acquise), le titulaire d'officine informera le conseil de l'ordre des pharmaciens dont il relève de la création de son site internet.
L’Ordre national des pharmaciens sera chargé de constituer une liste des sites internet des officines de pharmacie autorisés, laquelle sera accessible au public via son site internet. Cette liste sera également disponible sur le site du ministère chargé de la santé. Par la suite, l’identification des sites internet qui proposent légalement des médicaments à la vente sera garantie par la présence d’un logo commun reconnaissable dans l’ensemble de l’Union européenne. Ce logo qui sera créé en 2013 par les autorités européennes, devra être clairement affiché sur toutes les pages du site web vendant des médicaments. Il renverra vers les sites internet de l’Ordre des pharmaciens et du ministère chargé de la santé afin que le patient puisse vérifier que le vendeur est dûment autorisé.

En cas de manquement aux règles applicables à la vente en ligne de médicaments, le directeur général de l'agence régionale de santé territorialement compétente pourra, le cas échéant, prononcer des sanctions allant d’une astreinte ne pouvant être supérieure à 1000€ par jour à la fermeture temporaire du site internet pour une durée maximale de cinq mois. Le montant de l'amende administrative ne peut être supérieur à 30 % du chiffre d'affaires réalisé par la pharmacie dans le cadre de l'activité de commerce électronique, dans la limite d'un million d'euros.


Malgré ces restrictions, la libéralisation de la vente en ligne de médicaments est amorcée. Les pharmaciens souhaitant se développer dans la sphère numérique devront veiller à respecter strictement, au delà des règles générales applicables au commerce électroniques, les règles juridiques relatives, notamment, au droit des données à caractère personnel ainsi que celles encadrant la publicité des médicaments.

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[1] Ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments, à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments