Julien Sylvain (France DNVB) "L'e-commerce est juste une brique du modèle des DNVB"

Le cofondateur de Tediber et initiateur du collectif France DNVB créé le 7 octobre définit les lettres de noblesse de cette forme du retail, les Digitally Native Vertical Brands.

JDN. Pourquoi avoir créé un collectif pour rassembler les DNVB ? 

Julien Sylvain, co-fondateur de Tediber, et fondateur du collectif France DNVB. © Tediber

Julien Sylvain. A l'origine, France DNVB est née de l'association de six entreprises : Bergamotte, Oh my Cream, Le Slip Français, Jimmy Fairly, Tip Toe et Tediber. Etant donné que nous sommes des start-up vendant des marchandises, nous échangeons sur des problématiques communes car nous partageons les mêmes fondamentaux. Nous devons développer nos produits, contrôler leur qualité, vendre sur Internet, gérer le service client en direct... Par ailleurs, la plupart des gens ignorent notre spécificité.

En échangeant avec des fonds d'investissements, certains nous ont même affirmé qu'ils ne souhaitaient plus investir dans l'e-commerce après avoir perdu de l'argent. Sauf que nous ne faisons pas du e-commerce. L'e-commerce n'est qu'un moyen, mais notre activité dépasse largement cet aspect. En plus, nous réalisons des marges beaucoup plus importantes qu'un e-commerçant classique. Nous avons senti qu'il y avait un besoin de pédagogie autour du business model des DNVB. France DNVB est donc un collectif, sans modèle juridique défini.

Quels sont les objectifs à moyen et long terme de France DNVB ?

En plus d'expliquer notre fonctionnement, nous souhaitons mutualiser et partager de l'information pour contribuer à l'émergence des DNVB de demain. Pour cela, nous allons lancer une série de podcasts et produire du contenu. Nous organiserons aussi des événements en 2020 pour faire émerger la culture DNVB.

En tant que DNVB, notre intérêt est aussi de créer des synergies. Dans le cadre du collectif, nous avons créé une charte engagée afin d'inciter la population à consommer autrement. Chaque DNVB est animée par la volonté de modifier la pratique industrielle au sein de laquelle elle opère. Dans cette charte, nous avons listé quatre piliers : le client, les collaborateurs, l'environnement et la société. Le but est de rester attaché à ces valeurs afin que le modèle ne se compromette pas dans le temps. Par exemple, l'impact environnemental doit rester une priorité même si l'entreprise grandit. C'est la dimension militante de France DNVB.

Comment expliquez-vous cet engouement pour les DNVB ? 

Je pense que la quête de sens favorise l'émergence des DNVB. En tant que consommateur, il y a des produits que je veux acquérir rapidement sans perdre de temps, comme la nourriture par exemple. Certains produits suscitent le réflexe Amazon, alors que d'autres nécessitent plus de temps dans le choix de l'achat. Ces produits-là requièrent plus d'informations que ceux disponibles dans le commerce traditionnel. Chacun place le curseur où il souhaite en fonction de ses centres d'intérêt, car on ne peut pas mettre autant d'efforts pour acquérir un produit.

Pendant longtemps, l'e-commerce était perçu comme un métier. On opposait le distributeur physique à l'e-commerçant, or il n'y a rien de différent. Peu à peu, l'e-commerce s'est mué d'un métier à un outil. En réalité, l'e-commerce est juste une brique de notre modèle, car on ne peut pas livrer un matelas si on n'est pas capable de le transporter. Et une DNVB se construit avant tout comme une marque. Finalement, on ne peut pas dissocier le retail physique, l'e-commerce et les DNVB, car au sein du retail physique, certains distribuent en direct comme Zara et d'autres sont des distributeurs multimarques, qui peuvent vendre des articles issus de DNVB.

En quoi Tediber est-elle une DNVB depuis sa création, il y a quatre ans ?

Aujourd'hui, acheter un matelas est une véritable angoisse car on ne sait pas quel matériau choisir, à qui faire confiance, si le prix est vraiment compétitif. Or, nous ne voulons pas être une marque de matelas parmi d'autres. Notre but est que les clients comprennent pourquoi on est moins cher et pourquoi nos matelas sont plus qualitatifs que des grandes marques historiques. La population doit comprendre que la DNVB contrôle véritablement le travail des fabricants, se procure la matière et excelle en R&D. Nous ne sommes pas seulement une énième marque de matelas, et une étiquette sur un produit. Nous sommes obsédés par le produit et par l'expérience client. Quand on affirme être en mesure de reprendre le matelas dans la journée pour non satisfaction du client, ce n'est pas une promesse en l'air car nous sommes nés et vivons grâce au bouche à oreille. C'est comme cela que nous bâtissons la confiance avec nos clients.

Une DNVB qui réussit est-elle encore une DNVB qui distribue seule ses produits ? Quelles sont les limites du modèle ?

Nous pensons que la DNVB est un concept polymorphe et sans doute que l'on connaîtra plusieurs types de DNVB d'ici quelques années. Mais les principes de base sont identiques. Elles sont toutes nées sur Internet, proposent un rapport plus direct avec leurs clients, essayent de changer les règles en insistant sur le Made in France, ou en optant pour un ton humoristique. L'axe est différent et nous assistons à une forme de simplification. Le fabricant est valorisé, du jamais vu auparavant ! Tous les flux d'information sont plus fluides. Après, il faut savoir que la pénétration d'Internet n'augmente que de 1 à 2% par an. Le gros du marché se fait toujours en magasin. Donc, à un moment, si l'entreprise veut grossir, il peut être intéressant d'envisager aussi une présence dans le monde physique.

Quelles sont les principales difficultés pour créer une DNVB ?

Il faut savoir bien s'adresser à ses clients et leur proposer un produit différent qui répond vraiment à leurs besoins. En général, les DNVB se lancent dans des marchés de niche. Définir la cible prioritaire et le produit, construire une marque forte, sont les grands enjeux pour une DNVB.