Rachat de Casino : les trois scénarios qui attendent Cdiscount

Rachat de Casino : les trois scénarios qui attendent Cdiscount La plateforme bordelaise pourrait être vendue pour générer des revenus ou rester dans le giron de Casino. Si l'offre de Kretinsky est choisie, un rapprochement avec la Fnac créerait un mastodonte de l'e-commerce français.

Alors que l'affaire Casino arrive peu à peu à son dénouement, qu'en est-il de la situation de Cdiscount ? La plateforme marchande, dont Casino est devenu actionnaire dès 2000 avant de racheter en janvier 2011 la participation de ses fondateurs et de détenir ainsi la quasi-totalité du capital, va-t-elle être vendue à part ou continuer à faire partie du groupe ?

La situation de Cdiscount n'est pas au beau fixe, la marketplace est chahutée, "prise entre le marteau et l'enclume, avec d'un côté Amazon et de l'autre des multi spécialistes. Cdiscount est fort sur le meuble, mais il y a aussi Maisons du Monde, Cdiscount est fort sur l'électroménager et la tech mais il y a aussi Fnac et Darty. Sa livraison est moins rapide et son expérience client moins bonne que celles de ses concurrents", souligne Clément Genelot, vice president equity research retail et e-commerce chez Bryan, Garnier & Co.

Une situation économique défavorable

Malgré tout, "Cdiscount reste un actif de poids, avec une market cap de 1,2 milliard d'euros et un volume d'affaires de 3 milliards", précise Laurent Foiry, cofondateur et managing partner au sein du fonds d'investissement Spring Invest. Sans oublier une audience mensuelle de près de 20 millions de Français. "Mais la plateforme enregistre aussi 500 millions d'euros de dette nette", rappelle le dirigeant. Pour le site détenu par Cnova, une filiale du groupe Casino, les bons résultats générés pendant le Covid ont vite été oubliés. Son chiffre d'affaires était en baisse de 21,4% en 2022 comparé à 2021 et son volume d'affaires en recul de 15% au premier trimestre 2023 par rapport à la même période il y a un an. Le tout dans un secteur où les marges sont faibles.

"Le business d'une marketplace n'est pas évident. Sur un même secteur, les prix et les produits sont les mêmes d'une plateforme à l'autre. La commoditisation de l'achat en ligne fait le jeu d'Amazon au détriment de Cdiscount. Le business d'Amazon ne repose pas que sur sa marketplace mais sur AWS et le retail media. Cdiscount en a pris conscience un peu tard. La dette technique semble aussi importante quand nous regardons le site de Cdiscount", continue Laurent Foiry. Pour Clément Genelot, "dans l'immédiat, l'avenir de Cdiscount est flou". Explorons les scénarios les plus probables pour l'avenir de la marketplace.

Scénario 1 : Niel, Pigasse et Zouari vendent Cdiscount

Le groupe Casino, en procédure de conciliation depuis avril 2023, a fait savoir qu'il lui manquait 900 millions d'euros pour pérenniser son activité. Parmi les candidats à la reprise du groupe, deux prétendants ressortent : d'un côté le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, qui compte mettre sur la table 1,1 milliard d'euros, dont 750 millions investis par sa société d'investissement EP Commerce et 150 millions par Fimalac, la société d'investissement de Marc Ladreit de Lacharrière, un ami de Jean-Charles Naouri, l'actuel PDG du groupe Casino. Les deux hommes détiennent déjà respectivement 10% et 2,65% de Casino. En face, le trio d'investisseur Xavier Niel, le fondateur de Free, le banquier d'affaires Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari, le directeur général du réseau d'enseignes Teract, a annoncé investir personnellement entre 200 et 300 millions d'euros et qu'ils réuniraient auprès de créanciers de quoi atteindre 1,1 milliard d'euros.

Si c'est le trio Niel, Pigasse et Zouari qui remporte la mise, "va se poser la question de la monétisation de Cdiscount. Le plan proposé par Casino lundi 26 juin pour réduire sa dette est lacunaire. Il ne présente pas d'investissements sur Monoprix ni de rénovation de magasins et fonctionne dans l'hypothèse d'un rachat des actifs sud-américains avant la fin 2024. Le nouveau propriétaire sera donc contraint de vendre une partie du business pour la réinvestir dans le groupe et Cdiscount est bien sur l'une des options", explique dans le détail Clément Genelot. Dans l'hypothèse où le trio rachète Casino, il est probable que Cdiscount soit donc vendu. Encore faut-il que ce rachat soit validé, Bercy ne voyant pas forcément d'un bon œil l'arrivée de fonds d'investissement étrangers, qui accompagneront financièrement le trio d'acquéreur, au sein du capital d'un des groupes de la distribution alimentaire française.

Scénario 2 : Kretinsky vend à la Fnac

Le 24 avril dernier, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky a avancé ses pions avec son offre de 1,1 milliard d'euros. L'homme d'affaires, qui a fait fortune en rachetant des centrales à charbon partout en Europe, est déjà présent sur le marché français. Il s'est emparé de plusieurs médias, notamment Elle, Télé 7 jours, Version Femina, Marianne, est entré au capital du Monde et a renfloué Libé. Il est aussi présent dans la distribution. Daniel Kretinsky est devenu actionnaire principal du groupe Fnac Darty en dépassant la barre des 25% du capital en avril 2023 et possède des parts dans le groupe allemand Metro.

Pour Clément Genelot, "Kretinsky est à la tête d'une holding, son but est de tout vendre, il n'est pas là pour gérer un groupe. Mais vu les fuites, il a Cdiscount en tête, son plan pourrait aussi être de le vendre à la Fnac". Le scénario dans lequel Cdiscount est vendu est plus qu'envisageable : "Cela fait trois ans que Casino veut le vendre. Le problème est qu'ils ont traîné des pieds et raté la fenêtre de tir. Le marché est devenu moins ouvert sur les IPO. La valorisation que certains étaient prêts à mettre à l'époque ne correspondait peut-être pas aux attentes de Naouri", continue le vice-president equity research retail de Bryan, Garnier & Co.

Les chances que le board de la Fnac accepte de racheter Cdiscount sont cependant minces. "Le modèle de Fnac Darty est très différent. La marge brute du groupe est d'environ 30% contre 23,2% pour Cdiscount. Fnac Darty a un modèle physique, web et marketplace serré au cordeau qui fonctionne grâce à de gros volumes et un modèle propre. Fnac Darty a aussi bien compris l'évolution du marché et s'est transformé avec une structure de marge différente, pour financer son activité online à faible marge par une activité à forte marge, le retail media", souligne Laurent Foiry.

Dans l'hypothèse d'une reprise par la Fnac, le groupe deviendrait un mastodonte dans le paysage de l'e-commerce français. Fnac Darty a réalisé 7,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022 dont 22% en ligne (soit 1,7 milliard d'euros online). Cdiscount affiche un chiffre d'affaires de 1,7 milliard d'euros en 2022. En additionnant les deux, le chiffre d'affaires en ligne du groupe pourrait être d'environ 3,5 milliards d'euros mais encore loin des 9 milliards réalisés en France par Amazon en 2021 (l'entreprise n'a pas encore communiqué sur ses résultats de 2022 en France). "Si Kretinsky ne peut pas vendre à la Fnac, il est aussi compliqué de voir à qui il pourra vendre", ajoute Clément Genelot.

Scénario 3 : Cdiscount reste chez Casino qui investit

L'option la plus logique est que Cdiscount soit vendu au rachat du groupe Casino. "En fonction de la restructuration de la dette, si Daniel Kretinsky ou un autre financier prend le contrôle, il cherchera à vendre les actifs". Que Cdiscount reste dans le groupe Casino est donc le scénario le moins probable : "Il y a besoin de récupérer de l'argent frais", explique Clément Genelot.

La faillite de Cdiscount n'est pourtant pas envisagée. "Si un autre investisseur ou une entreprise retail n'est pas intéressée, Cdiscount peut-être vendu à un fond d'investissement, une augmentation du capital de Cdiscount avec revente des titres et des actions est aussi une option possible", ajoute Clément Genelot. Pour Laurent Foiry, "ce n'est pas une société qui a vocation à déposer le bilan car elle reste rentable". Pour se relever, le groupe a surtout besoin que des investissements soient réalisés et d'une restructuration. Ces investissements ont été repoussés parce que Casino cherchait à vendre. "Alibaba arrive de manière insistante en France. Chaque concurrent à un avantage : Alibaba le prix, Darty la confiance, la Fnac le réseau de magasins et Amazon la commodité. Dans ce paysage dense, qu'est-ce qui fait la différenciation de Cdiscount ?", s'interroge  Laurent Foiry. Un actionnaire en déroute ?