Marc Lolivier (Fevad) "L'IA générative est la plus grande révolution pour l'e-commerce depuis le mobile"
Marketplaces, IA générative, optimisation de la rentabilité… Le délégué général de la Fevad présente pour le JDN les grandes tendances du e-commerce pour 2024.
Pouvez-vous dresser un premier bilan de l'année 2023 ?
Marc Lolivier. L'e-commerce représente 150 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel en France, la moitié étant de la vente de produits et l'autre moitié de la vente de services. Nous n'avons pas encore les résultats définitifs du dernier trimestre mais sur les neufs premiers mois de l'année la croissance du CA atteint 12%. Sur les produits la tendance est flat (-1%) et les services sont à +18%.
2024 est-elle l'année du retour à la croissance pour la vente de produits ?
Le marché du e-commerce a atteint une certaine maturité. 42 millions de Français commandent sur Internet une fois par semaine en moyenne. Et cette population est la même que celle qui achète en magasin. Tant que la consommation restera flat, -2% en volume selon l'INSEE au troisième trimestre 2023, il n'y aura pas de miracle pour les ventes en ligne. A voir si la baisse de l'inflation en 2024 ne sera pas remplacée par une dégradation de l'économie. Si l'économie et la consommation reprennent, les ventes e-commerce seront en croissance.
Quel impact a ce contexte économique sur la stratégie des e-commerçants ?
Alors que pendant les années covid les investissements étaient importants dans une stratégie de conquête, pour 2024, les sites travaillent plutôt sur la rentabilité. L'attention est portée sur la performance financière, plus que sur l'augmentation du chiffre d'affaires. Cela se traduit par le développement des marketplaces et du retail media qui est devenu une composante économique substantielle. Dans le top 20 du e-commerce, excepté deux acteurs, tous les retailers ont une marketplace (Leroy Merlin, Fnac, Carrefour…). En 2023, 30% des ventes en volume se font via la marketplace. La proportion atteint 36% pour les biens d'équipement de la maison. Une tendance bien amorcée en 2023 qui se poursuivra cette année.
"Pour 2024, l'attention des sites est portée sur la performance financière, plus que sur l'augmentation du chiffre d'affaires"
Au-delà de la marketplace, quelle tendance perdurera en 2024 ?
La seconde main, qui explique en partie la baisse du chiffre d'affaires du e-commerce : en moyenne un produit de seconde main est vendu 30% moins cher. Ce mode de consommation touche toutes les générations avec en moyenne 1 Français sur 2 qui a acheté de la seconde main en 2023. Amorcée par les spécialistes, Vinted et Leboncoin, la tendance est suivie par tous les retailers (Fnac, Cdiscount, Hugo Boss, Apple…). Et elle va continuer à se développer en 2024 car la seconde main est tirée par deux leviers : la crise et la conscience environnementale.
Quelle place pour l'IA générative dans l'e-commerce ?
L'IA générative est, pour le e-commerce, la plus grande révolution depuis le mobile. Elle va profondément modifier tous les métiers de la chaîne de valeur : le marketing, le contenu, le paiement, les stocks, l'optimisation de la livraison… L'IA générative permet aux e-commerçants d'aller plus loin sur une brique, parfois manquante : la personnalisation de l'offre. La dépendance des retailers à la technologie est le point d'attention sur lequel ils devront être vigilants en 2024. La politique monétaire a eu un impact négatif sur les levées de fonds, ce qui a freiné le développement des start-ups. Cependant, les marchands les plus innovants n'ont pas attendu que le financement des start-ups revienne et ont développé les supports avec des équipes en interne. Là est le signe que l'IA générative sera structurante pour l'avenir. Dans cette course à l'innovation en 2024, l'élément différenciant sera le mode de structuration, au sein de l'entreprise, pour définir l'usage de l'IA.
Avec toutes ces évolutions, quelles sont les législations qui réguleront l'e-commerce cette année ?
Les marketplaces sont au centre des préoccupations du régulateur européen et le DSA est le grand chamboulement de 2024. Avec ce texte, l'Europe est pionnière sur la structuration du marché des plateformes pour les vingt prochaines années. L'avantage est qu'il régule à l'échelle européenne les plateformes. Mais son grand inconvénient est qu'il doit être traduit par chaque pays au niveau national. L'enjeu est son interprétation par les différentes autorités nationales. Car si, les très grandes plateformes (VLOP) sont régulées, depuis août 2023, par la Commission européenne, la régulation des plus petites sera à la charge du coordinateur des services numériques des pays à partir de février 2024. Les pays membres devront donc trancher sur les dispositions qui donnent lieu à différentes interprétations. Avec l'Arcom, futur coordinateur des services numériques, nous travaillons pour que l'interprétation du régulateur français soit cohérente avec celle des autres régulateurs européens et ainsi éviter toute concurrence inégale.