5 start-up pour en finir avec les ruptures de stock en e-commerce
Le problème tient en une phrase : avoir suffisamment de stock pour satisfaire le client mais éviter de payer le stockage de produits qui ne se vendent pas. "Du fait de la caisse de résonnance que sont les réseaux sociaux, nous n'arrivons plus à anticiper la popularité de nos produits, confie Delphine Stey, directrice e-commerce chez Aroma-Zone, au JDN. Nous avons beaucoup de ruptures de stock, c'est la première source d'insatisfaction de nos clients".
La multiplication des canaux de distribution et la volatilité des consommateurs aggravent deux causes majeures de rupture : l'incapacité à prédire de façon précise les ventes futures et la mauvaise répartition du stock. Des problématiques sur lesquelles se sont penchées les start-up.
En amont
"Dans un monde de plus en plus complexe on a besoin d'algorithmes de plus en plus sophistiqués". Voici le mantra de Verteego pour éviter les ruptures de stock. Cette start-up fondée en 2019 développe des IA qui s'implémentent dans les logiciels existants pour augmenter leur performance de prédiction. "Nous sommes une surcouche intelligente qui se greffe dans le système d'information des clients, WMS, ERP ou APS, pour l'alimenter avec les bonnes recommandations", complète l'un des co-fondateur, Rupert Schiessl. Concrètement, Verteego combine des algorithmes prédictifs, prévisionnels, de simulation et d'optimisation pour anticiper finement la demande par article et par canal. Au-delà de simplement s'appuyer sur les données internes du retailer, "nous générons plusieurs centaines de variables sur la saisonnalité, sur les événements commerciaux, religieux ou locaux", ajoute Rupert Schiessl.
Une fois toutes ces données intégrées, le moteur produit des millions de scénarios plus ou moins probables des ventes futures. La start-up va jusqu'à automatiser une partie des prises de décision : "Les algorithmes d'optimisation de Verteego passent commande dans l'ERP sur les articles pour lesquels le taux de confiance est suffisamment élevé, le reste est confié à des humains pour vérifier ou éventuellement modifier les actions", détaille le co-fondateur. Un de ses principaux clients, Monoprix, utilise la technologie pour les ruptures en promotion : "Verteego indique aux directeurs en point de vente le volume sur lequel s'engager pour une promotion selon chaque magasin", détaille Rupert Schiessl. La solution indique que ses tarifs "sont adaptés à chaque besoin prédictif".
L'éditeur de logiciel de planification Flowlity a lui aussi misé sur la puissance de l'IA. "Le planning consiste à savoir combien commander au fournisseur pour être sûr de ne pas être en rupture sur un entrepôt", vulgarise Jean-Baptiste Clouard, co-fondateur. Et pour anticiper au mieux, la start-up quantifie les risques de rupture sur chaque produit. Ce taux d'incertitude définira la taille du stock tampon, ou stock de sécurité. "Le cas classique du stock de sécurité chez les retailers est de définir une règle en nombre de jours de couverture de stock qui n'évolue pas dans le temps ou bien qui est revue sporadiquement, constate le co-fondateur. Notre solution ? Adapter de manière agile et continue le risque lié à la demande et aux fournisseurs pour l'ensemble des produits du portefeuille". Technologiquement, ce calcul du risque repose sur des algorithmes d'IA prédictive, de machine learning et de prévision probabiliste. Celle-ci diffère de la prévision classique en série temporelle, souvent utilisée, qui n'inclue pas de notion d'incertitude. La volonté de la start-up est aussi de proposer un outil intuitif, pour se démarquer des acteurs historiques dont "les interfaces semblent datées des années 90", ironise Jean-Baptiste Clouard. La solution qui accompagne La Redoute, Danone ou Camif assure une réduction moyenne de 30% des stocks et de 20% des ruptures.
En aval
Si Verteego et Flowlity se concentrent sur l'amont, Onestock et Stockly travaillent sur les stocks déjà constitués. Onestock s'attaque à la problématique de la répartition des stocks. Le CEO, Romulus Grigoras, donne un exemple concret : "Une robe est devenue très populaire sur un site britannique parce qu'elle était portée par la sœur de la future reine d'Angleterre. Personne ne pouvait l'anticiper. Beaucoup d'internautes se sont précipités pour l'acheter en ligne et le produit a rapidement été en rupture dans l'entrepôt. Mais le retailer britannique en avait encore une centaine répartie sur tous ses magasins. Et comme les stocks n'étaient pas unifiés, d'où le nom de Onestock, on ne pouvait pas acheter sur un stock autre que celui dédié au canal".
L'order management system (OMS) a été le premier à unifier l'entièreté du stock de marchands comme Ba&h, Intersport ou Petit Bateau. Ainsi, une fois une commande passée, sa technologie définit le meilleur endroit duquel expédier la commande vers le consommateur final. Un achat e-commerce en France peut être expédié depuis un magasin ou un entrepôt en Espagne s'il est en rupture dans l'entrepôt initial. "C'est au marchand de décider s'il répercute au client la complexité supplémentaire liée à sa commande, précise Romulus Grigoras. La plupart ne font pas payer de frais additionnels". Aujourd'hui, 20% à 30% des retailers ont un stock unifié estime le CEO. "Ce n'est pas facile à mettre en œuvre. Il faut être capable de faire les ponts entre le système informatique du logiciel qui gère le stock entrepôt et celui qui gère le stock magasin." Mais les résultats semblent être là : Intersport déclare que deux tiers que ses commandes en ligne sont expédiées depuis les magasins grâce à Onestock.
Dans cette idée d'un stock unique, Stockly va encore plus loin en créant la "bourse du stock". La jeune pousse explique avoir mis au point des algorithmes qui agrègent en temps réel le stock des centaines de partenaires comme Galeries Lafayette, Jonak ou Décathlon pour détecter les ruptures et les faire correspondre avec des disponibilités au sein des autres catalogues."Stockly se branche au stock de marchands (hors PGC) et quand un site est en rupture, il fait expédier le produit par un autre e-commerçant qui a le stock, résume Eliott Jabes, CEO. La marge de la vente est ensuite partagée entre les deux marchands". La start-up fait du trading en rachetant le stock unitaire et en le revendant en temps réel au site en rupture. "Nous arrivons à obtenir des décotes avec le marchand fournisseur parce que nous allons lui passer des commandes toute l'année", précise Eliott Jabes. Le CEO assure qu'économiquement le site demandeur s'y retrouve également : "Il fera moins de marge unitaire mais il n'aura pas de coût de stockage, pas de frais de livraison etc." Un processus totalement transparent pour le consommateur qui sera livré en marque blanche par le partenaire logistique de Stockly.
Pendant
Alors que les précédentes start-up ont adopté une approche outil, Autone prend le contre-pied. La plateforme estime que ce sont les collaborateurs de la supply-chain qu'il faut faire évoluer pour parer les ruptures. "Nous automatisons et séquençons, avec une optique ROIste, la semaine de tout salarié qui touche de près ou de loin à l'optimisation de la gestion des stocks", synthétise Adil Bouhdadi, CEO et co-fondateur d'Autone. Un assistant IA guide les salariés dans leurs tâches tout en indiquant que telle action réalisée rapportera X euros de ventes à la société.
Au total, quatre engins de calcul d'IA et de machine learning travaillent de façon synchrone sur différentes étapes pour établir des schémas de ventes, déterminer la probabilité que ces événements se reproduisent, et pousser une recommandation d'action au collaborateur. "Aujourd'hui, tu vas devoir faire deux réapprovisionnements sur une cinquantaine de boutiques. Une action qui rapportera potentiellement 75 000 euros de vente incrémentale à ta marque", illustre Adil Bouhdadi. La technologie d'Autone intervient à tous les niveaux de la supply chain, depuis l'achat des produits, en passant par l'allocation des stocks une fois en entrepôt, leur réallocation en fonction du dynamisme des ventes, et par les commandes chez les fournisseurs avant que les produits soient en rupture. "Notre cinquantaine de clients augmente ses ventes de 30% avec une réduction du niveau de stock jusqu'à 55%, affirme le CEO. Comment ? Un utilisateur de la plateforme accomplit 20 fois plus de tâches par semaine qu'auparavant".