Maïté Dailleau (Oliver Wyman) "Un tiers des recettes de TikTok en France proviennent de TikTok Shop"
Pour la partner chez Oliver Wyman, l'offre intégrée de la plateforme chinoise la place en position de force face aux plateformes concurrentes, y compris Google.
JDN. D'après vos calculs, TikTok Shop prend rapidement de l'ampleur en France. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Maïté Dailleau. En effet, nous observons que cette année en France un tiers des recettes de TikTok ne proviennent pas de la publicité mais bel et bien de TikTok Shop, qui permet l'achat de produits directement sur la plateforme (live en France seulement depuis mars 2025, ndlr). Ces montants incluent les commissions de la plateforme sur l'achat de produits proposés par les marques via les pages "vitrine" ou sur la place de marché "boutique", qui s'apparente à un véritable site e-commerce, mais également dans le cadre d'opérations de live shopping et de ventes réalisées par les créateurs se servant de ce dispositif. Jusqu'à l'année dernière les commissions de TikTok liées aux ventes de produits étaient encore négligeables (via par exemple le live shopping mais sans achat directement sur la plateforme, ndlr).
Concernant les recettes publicitaires, quelle est la croissance et la part de marché de TikTok au sein du social en France ?
TikTok répond pour un peu moins de 20% du marché, le gros du reste, soit les trois quarts du marché, étant capté par Meta. Alors que toutes les plateformes sociales ont une dynamique très forte de croissance, TikTok croît deux fois plus vite que tout le monde.
Selon l'Observatoire de l'ePub, étude qu'Oliver Wyman réalise pour le SRI et l'Udecam, le social bat tous les autres leviers en croissance au premier semestre (+15%) en grignotant des parts de marché au search. Comment l'expliquez-vous ?
Le social devient l'univers intégral de certaines générations. Les plus jeunes, voire même les très jeunes, entre 12 et 17 ans, n'accèdent à l'information pratiquement que via les plateformes sociales. TikTok en particulier remplace progressivement le moteur de recherche voire même Gmail, YouTube et WhatsApp pour bon nombre d'entre eux. Sur TikTok, ils recherchent des informations, consomment du contenu vidéo, communiquent avec leurs amis et, depuis peu, font des achats.
TikTok explose les compteurs en pub mais également désormais en e-commerce, même si encore de façon émergente. Qu'est-ce que cela nous enseigne pour les mois à venir ?
TikTok est pour moi une des plus importantes menaces qui pèsent sur Google et sur Meta. A l'avenir, la puissance et la pertinence des moteurs de recherche des différentes plateformes fera la différence. Au bout d'un moment, une d'entre elles sera la gagnante, et je pense qu'entre Meta et TikTok, cette dernière a plus de chances de gagner.
La clé de TikTok est son modèle intégré. Plus on avance, plus la lecture des revenus de ces plateformes par grands ensembles (pub, retail, SVOD) perd de son intérêt. Les annonceurs vont sur ces plateformes justement grâce à cette proposition intégrée : vidéo, search, retail. Tous ces leviers sont en train de se mélanger.
Où placez-vous les chatbots d'IA dans cette bataille ?
Ils ont eu deux effets principaux sur les usages : ils ont remplacé les moteurs de recherche traditionnels pour de nombreux utilisateurs et ont complètement modifié la façon dont ces derniers s'en servent. Alors que le modèle de Google était performant avec des mots-clés, les moteurs d'IA ont habitué les utilisateurs à formuler des phrases. Cela a conduit Google à introduire un "AI mode" dans son moteur aux Etats-Unis, qui sera progressivement déployé dans les autres pays. En parallèle, tous les réseaux sociaux sont en train de structurer leurs moteurs de recherche pour intégrer l'IA conversationnelle et y introduire des offres publicitaires pour les annonceurs. C'est déjà le cas pour TikTok qui commercialise son moteur de recherche en France depuis l'année dernière.