Tech for Retail 2025 : loin des GAFAM, le village des retailers hexagonaux mature et s'organise
Nous clôturons un Tech for Retail 2025 que je qualifierais de "défensif ". Sur un fond de concurrence accrue, les marges s'affinent et le pragmatisme fait loi.
Ces quelques jours de novembre sont une des rares périodes de répit de l’année où les responsables marketing sont oisifs et les techniciens pieds et poings liés par les périodes de “freeze techniques” de la « peak season » à venir. Un moment suspendu dans le temps, où il est bon de faire le point sur l’état de cette industrie, particulièrement challengée en France : des consommateurs déjà suréquipés en biens de consommation courante ; des citoyens fortement touchés par l’inflation ; une agressivité certaine des concurrents pure players ou hard discount qui ne respectent pas toujours les règles du jeu ; une volatilité du trafic induite par le nouveau paradigme de la recherche par LLM ; et enfin une flambée des coûts d’acquisition (entre 30 et 30% en 3 ans).
Dans ce contexte, on tâche évidemment de faire mieux et plus… Avec moins.
L’objectif : faire de chaque interaction avec un prospect un moment de conversion, et de chaque achat un moment de fidélisation, point de départ d’une relation dans le temps. Comment ?
1 - En misant à nouveau sur son lieu de vente physique, en équipant ses allées et ses vitrines pour en faire un espace d’expérience physique interactif.
La société de consommation a définitivement embrassé celle du spectacle : conseils, essayages (virtuels ou pas), rendus 3D, masterclass d’influenceurs, expériences gamifiées, jeux-concours… On parlera dorénavant de « retailtainment ». Le magasin mute du point de vente au lieu de vie, justifiant l’effort d’une visite en personne, qui sera peut-être conclue par une vente.
2 - En captant du “feedback” de la manière la moins douloureuse possible pour les utilisateurs.
L’ère pénible et rébarbative de l’enquête omnibus et du Net Promoter Score semble toucher à sa fin, étouffée sous ses propres enquêtes de satisfactions que 67% des clients… ne terminent jamais. On permet notamment aux clients d’envoyer leurs retours et commentaires via simple retour de texto ou message vocal. Le tout lu et restitué via des technologies de “speech to text” et retranscrit dans un tableau de pilotage activable. Enfin, les IAs vont pouvoir - on l’espère - soulager les vendeurs agressés en magasin ou les conseillers clientèle harcelés au téléphone.
3 - En trouvant les relais de croissance, comme les services.
On connaissait le “contrat de confiance”, qui vendait de l’assurance adossée aux produits, ainsi que le financement ou le paiement fractionné. Maintenant on vend des interventions d’artisans et d’experts : des cours, de la livraison, de la pose, de l’installation, du paramétrage, de réparation. On vend le produit et la couche de services réduisant les frictions qui vont autour. Surtout lorsqu’il s’agit de produits lourds, encombrants, techniques ou potentiellement dangereux.
4 - En misant sur l’IA, avec raison gardée.
Chose étonnante. On aura finalement vu moins de promesses sur l’IA qu’au Tech for Retail 2024. Selon moi, plusieurs facteurs peuvent l’expliquer : des cas d’usages pas toujours couronnés de succès hors des classiques algorithmes de personnalisation et de forecasting ; une méfiance devant des acteurs du marché à la fois juge et parties ; une forme de gueule de bois sur le contenu Gen AI, difficile à produire sur le long terme et gâchant tout ce qu’il touche. Une sorte d’”AI fatigue” partagée par les agences comme les annonceur,s avec des budgets qui se réduisent, et des réponses d’appel d’offres AI slop bâclés pour répondre à des brief AI slop génériques et sans véritable relief, laissant peu de place au jeu créatif. Décidément l’adage des experts data « garbage in, garbage out » se vérifie aussi dans les industries créatives.
5 - En valorisant ses audiences.
On ne compte plus les distributeurs de premier rang qui ont cédé à deux sirènes : l’accès à une marketplace ET l’approche retail media. On donne accès à sa base de clients à des vendeurs tierces dans l’espoir de rester compétitif sur les prix, tout en élargissant sa gamme sans augmenter ses stocks. On proposera ensuite à ces derniers ou à des marques partenaires des mises en valeurs ponctuelles, à certains endroits précis de son site ou de ses magasins.
6 - En acceptant et embrassant son statut d’intégrateur technologique.
Les attentes des clients et la compétition accrue ont poussé les distributeurs à se muer en orchestrateurs de couches techniques complexes et hyper connectées. Stockage de données, pilotage de campagnes marketing, applications mobiles, monitoring de prix, moyens de paiement sécurisés, last mile delivery, suivi de commande, etc. La technologie n’effraie plus, elle est traitée de plus en plus sérieusement par des CIOs et CTOs qui épaulent leurs organisations, et ont réussi à muter en véritables partenaires business conscients des enjeux de cyber et de souveraineté. Walmart, le géant américain vient d’ailleurs de tout juste quitter le NYC pour l’indice NASDAQ, tout un symbole…
Et si le message d’espoir de ce Tech for Retail 2025 résidait dans l’absence des grands mastodontes attendus ?
Pas de TikTok, ni d’Amazon, ni de Meta… Tous trop occupés à empiler des cartes graphiques dans une course à l’armement passionnelle, engloutissant des milliard de dollars de CAPEX sans prise en compte des besoins réels des consommateurs. Un répit salvateur, que quelques gaulois réfractaires, imaginatifs, inventifs et enhardis, désirant reprendre le contrôle de leur destinée sauront mettre à leur profit.