Erfan Azimi (Google Leak) "Le Google leak a révélé l'un des plus gros mensonges de l'industrie de la Silicon Valley"

Le Google Leak, c'est lui : Erfan Azimi, expert SEO et CEO d'EA Eagle Digital. Encore inconnu il y a peu, il explique au JDN les dessous de ces révélations et donne son opinion sur les pratiques de Google en matière de SEO.

JDN. Comment avez-vous mis la main sur les documents qui ont fuité sous le nom de Google Leak ?

Erfan Azimi, PDG de l'agence EA Eagle Digital, est l'homme à l'origine des Google Leak © S. de P. Erfan Azimi

Erfan Azimi. De manière assez surprenante. Je les ai trouvés dans les résultats de recherche de Google. Pour autant que je sache, aucun lanceur d'alerte n'a donc été impliqué. Quelqu'un chez Google a accidentellement publié les données sur un GitHub. Et elles ont été indexées par Google. Il s'agit du "Content API Warehouse" interne de Google.

J'ai contacté Rand Fishkin, le cofondateur de Moz, pour lui en parler. Son scepticisme s'est un peu estompé lorsque nous avons commencé à parler de stratégies de référencement. Ensuite, Mike King, fondateur d'iPullRank, s'est intégré. Et, étonnamment, un autre référenceur a trouvé le document. Il a décidé de garder le secret et d'utiliser les informations contenus dans le document pour le SEO.

Pourquoi avez-vous choisi de révéler ces documents ?

Au début de ma carrière, Google a souvent déclaré qu'il n'utilisait pas les données relatives aux clics ou à l'engagement, ni les données relatives à Chrome pour les classements. Et, lors d'un appel, John Mueller, l'un des représentants de Google, m'a dit utiliser ces données dans une certaine mesure. Mais en même temps, la même année, il a nié publiquement avoir utilisé les données sur les clics et les données de Chrome.

De façon générale, cela constitue l'un des plus gros mensonges qui se soit produit dans l'industrie de la Silicon Valley, afin de protéger l'intégrité de son algorithme de recherche. Et ce n'est pas acceptable. Le mensonge n'est pas seulement contraire à l'éthique, il peut aussi être potentiellement illégal.

Qu'est ce qui vous a le plus marqué dans ces documents ?

Mon principal étonnement vient de l'utilisation des données de Chrome. Honnêtement, avant cette fuite, je ne savais pas que Google mentait autant sur l'utilisation des données de son navigateur. Ils ont nié des dizaines de fois au fil des ans se servir d'elles. Or, d'après les preuves dont nous disposons, les données de Chrome sont largement utilisées pour évaluer la qualité du site, ainsi que pour générer des sitelinks. Elles servent également à repérer les contenus à la mode, tels que les contenus viraux.

Le deuxième point qui m'a touché est l'utilisation de listes blanches liées à l'industrie, aux voyages, au COVID et aux élections dans les résultats de recherche de Google. Un expert du droit américain m'a affirmé que celles concernant les élections pouvaient être potentiellement problématiques au niveau juridique. Sinon, les autres éléments de la fuite étaient prévisibles selon moi.

Que pensez-vous de la réponse de Google, qui certifie la fuite mais la minimise ?

Ils ont préféré rétorquer de façon succincte. D'abord pour décourager les gens d'utiliser les données divulguées à des fins d'optimisation des moteurs de recherche. Dans cette perspective, Google a confirmé la fuite mais a dit que les documents pouvaient être obsolètes et manquer de contexte.

Selon moi, la deuxième raison pour laquelle le géant américain a réagi ainsi était pour se protéger de l'enquête du DoJ, le procès antitrust du ministère de la Justice américain. Je pense qu'une grande partie de la fuite concerne les élections. Google possède une liste blanche de taille qui peut être utilisée contre eux lors du procès. Devant l'ampleur de la fuite, ils ont préféré décrédibiliser la pertinence des documents. J'aurais préféré qu'ils répondent : "Désolé, nous avons menti, mais c'était juste pour protéger l'intégrité de l'algorithme".

Pensez-vous que les réactions à cette fuite vont amener Google à changer la façon dont il communique sur son algorithme?

Je pense que Google ne fait pas assez confiance aux webmasters et aux SEO. La firme pourrait donc à l'avenir continuer à désinformer. Elle se dissimulera peut-être davantage et mesurera chaque mot émanant de l'équipe de relations publiques du Search, afin de ne fournir que des réponses générales. Je ne pense donc pas que la communication va s'améliorer.

C'est pourquoi le combat se poursuivra. C'est une bataille. Je blâme les dirigeants pour cela, pas les relations publiques du groupe. Sundar Pichai, l'actuel PDG de Google, a été le chef de projet derrière Google Chrome. Et, d'après de multiples sources, il s'est avéré qu'ils ont utilisé les données de clics, les données d'engagement et d'utilisation de Google Chrome. Et maintenant, nous avons une quantité de secrets révélés par la fuite. J'encourage donc toutes les entreprises technologiques à être aussi transparentes que possible, à dire la vérité. Aucune d'entre elles n'est au-dessus de la loi.

Craignez-vous un procès de la part de Google ?

Je suis prêt à tout. Mais cela m'est égal, car je pense avoir fait ce qu'il fallait. Si le procès a lieu, je serais plus qu'heureux d'obtenir un visa américain pour me présenter devant les tribunaux. J'aimerais que cette affaire soit traitée de la manière la plus légale possible.