Philip Bane (Smart Cities Council) "La smart city ne coûte rien"
Pour le directeur du Smart Cities Council, qui réunit les acteurs majeurs de la ville intelligente dans le monde, le retour sur investissement de la smart city compense largement l'effort d'innovation.
JDN. Quel est le rôle du Smart Cities Council dans le développement de la ville intelligente à l'international ?
Philip Bane. Cette structure a été créée il y a cinq ans pour fédérer les acteurs de la smart city aux Etats-Unis. Des géants comme IBM, Microsoft, Cisco ou Alstom nous ont rapidement rejoints. Je suis arrivé il y a deux ans pour étendre ce partenariat à l'international.
L'idée est d'être un interlocuteur de référence pour aider les villes à mener à bien leur projet. Nous les conseillons et les aidons à trouver les ressources nécessaires parmi notre réseau de 15 000 experts partenaires, dont 70 grandes entreprises et une dizaine d'universités.
Par où doivent commencer les villes qui se lancent dans la smart city ?
La clé, c'est le réseau. Une ville sans réseau cellulaire puissant ni Wifi public gratuit ne pourra pas se développer correctement. Car toutes les infrastructures connectées ne pourront pas être installées facilement et parce que c'est essentiel pour que tous les habitants aient accès au numérique.
Il y a ensuite deux priorités fondamentales. La première, c'est l'efficacité énergétique, qui peut être considérablement améliorée grâce aux smart grids. Cela a un impact sur toutes les infrastructures de la ville, des transports aux usines en passant par les immeubles. La seconde ce sont les transports, car la congestion dans les villes est un problème majeur.
Combien cela coûte-t-il ?
Si l'on s'y prend bien la smart city ne coûte rien, ou presque. Nous apprenons aux villes à penser différemment pour intégrer le plus habilement possible les technologies. Nous leur disons "Pensez grand mais agissez petit". Dans un premier temps, il faut commencer par des projets pilotes sur un immeuble ou un quartier pour tester l'efficacité. Ensuite, il faut profiter des grands projets de réaménagement urbain pour intégrer les briques technologiques à moindres frais.
"Il faut profiter des grands projets de réaménagement urbain pour intégrer les briques technologiques à moindres frais"
A Washington DC, par exemple, 70 milliards de dollars ont été investis pour rénover 25 kilomètres de métro. 10% de ce budget a été utilisé pour l'équiper de capteurs et pour y déployer le réseau cellulaire. Cela aurait été beaucoup plus contraignant et coûteux de le faire avant ou après. En général nous estimons que les technologies de la smart city représentent entre 10 et 20% des coûts d'un grand projet. Et par la suite les retombées compensent rapidement cet effort.
Justement, quel retour sur investissement peuvent espérer les villes ?
Il y a aux Etats-Unis plusieurs cas d'usage qui parlent d'eux-mêmes. A Charlotte, une soixantaine d'immeubles ont été équipés de dispositifs smart grids depuis 2011, ce qui a permis 17 millions de dollars d'économies d'énergie, soit une réduction de 18% de leur consommation habituelle. North Miami Beach est à peine à la moitié du déploiement de son infrastructure smart water. Et les capteurs connectés ont déjà permis de détecter 23 fuites sauvant plus de 100 000 mètres cube d'eau. Autre exemple, grâce à 3 000 lampadaires connectés, San Diego s'attend à économiser plus de 250 000 dollars par an en électricité et en maintenance.
Quels sont les principaux obstacles aux projets smart city ?
Le problème est que les villes ne comprennent pas comment se finance un tel projet et qu'elles sont souvent bloquées par un système de marchés publics d'un autre temps, peu propice aux expérimentations rapides. Nous avons réalisé une étude en septembre dernier auprès des municipalités américaines et 93% d'entre elles ont indiqué que la complexité des marchés publics était une barrière significative dans le développement de la smart city. Certaines pensent aussi que c'est trop coûteux alors que ce n'est pas le cas…
Quels conseils pourriez-vous donner aux entrepreneurs qui se lancent sur ce marché ?
Ils doivent trouver des partenaires solides, notamment des géants du secteur tels que Cisco, Huawei ou IBM, qui ont l'expérience des contrats publics que les start-up n'ont pas.