Gros investissement mais ROI immédiat : l'éclairage connecté séduit les villes
L'IoT s'affirme dans les projets d'éclairage des collectivités par sa capacité à accroître les services aux usagers et à contribuer à la sobriété énergétique.
L'éclairage connecté s'affirme comme le projet phare des villes intelligentes. Une tendance forte, comme en témoigne la commune normande d'Epron qui, depuis février 2022, propose à ses habitants d'allumer l'éclairage public à l'aide de leur smartphone, tout comme la ville de Longpont-sur-Orge dans l'Essonne. "La demande est exponentielle", constate Olivier Bozzetto, ingénieur en informatique et créateur de l'application J'allume ma rue, utilisée dans ces deux collectivités. Ce dernier, qui gérait cinq projets depuis la création de son application en 2016, a signé dix contrats depuis le début de l'année et enregistre une cinquantaine de demandes.
Passer à l'éclairage connecté induit une réduction de la facture d'électricité de "50 à 80%"
Les atouts de l'éclairage connecté, qui permet d'adapter l'intensité lumineuse en fonction de divers paramètres, sont nombreux. La solution se démarque en premier lieu par son impact économique : selon l'Ademe, l'Agence française de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'éclairage public représente en moyenne 42% de la consommation d'électricité d'une collectivité, soit près de 20% des dépenses totales d'énergie. Passer à l'éclairage connecté induit une réduction de la facture d'électricité de "50 à 80%", souligne François Darsy, chef de marché chez Signify France, société spécialisée dans les systèmes et services d'éclairage Led connectés. La ville de Montauban par exemple compte réduire sa consommation d'énergie de 71% avec un éclairage public 100% Led connecté, ce qui représente cinq millions d'euros d'économie d'énergie par an. Avec l'aide de Citeos, la marque de Vinci Energies experte en performance énergétique, 171 armoires et 727 foyers lumineux du réseau seront gérés grâce au déploiement d'un réseau IoT. Un laboratoire d'objets connectés sera mis à l'essai avec ce réseau, fait savoir le média L'Opinion.
Deuxième avantage majeur : son impact environnemental. "On observe dans les différents projets un gain en moyenne de 30% de réduction de l'empreinte carbone avec des Led connectées, par rapport à un éclairage à Led sans capteur", souligne Ouassim Driouchi, senior manager pour le cabinet de conseil BearingPoint, qui recommande à toute collectivité l'éclairage comme premier usage IoT. Les effets sur la faune nocturne sont par ailleurs manifestes. "Cela devient une motivation aux vues de l'intérêt des citoyens sur cette question", remarque Olivier Bozzetto.
La lumière couplée à la surveillance
Le déploiement d'éclairage connecté n'est pas nouveau. Olivier Bozzetto a mené son premier projet il y a plus de cinq ans avec la ville d'Evreux. La ville alsacienne d'Illkirch-Graffenstaden a investi quant à elle dès 2016 dans les candélabres connectés. Mais le sujet prend de l'importance car les collectivité prennent davantage conscience "de la stratégie de pilotage que rend possible l'IoT", met en avant François Darsy. En fonction de la fréquentation, elles ont la possibilité de réduire l'éclairage si une rue est déserte. "Cette option permise par l'intelligence artificielle est plébiscitée par les villes, car cela s'inscrit dans une démarche de sobriété énergétique", déclare Christophe Vanpeperstraete, directeur général et cofondateur du bureau d'étude français Alyzeos.
Sans oublier l'offre de service accrue aux habitants, avec la possibilité d'allumer une rue à la demande. "Cela rassure les citoyens de savoir que même si les lumières sont éteintes la nuit, il n'y a pas de perte du service public", indique Olivier Bozzetto. Pour les collectivités, la mise en œuvre reste simple : "Il suffit de connecter l'horloge astronomique de l'armoire électrique qui pilote un quartier. Quand le système s'éteint la nuit, les habitants n'ont qu'à l'activer depuis leur smartphone. Pour un pilotage à la rue, il faut connecter chaque candélabre. Les solutions sont plug & play mais cela représente plus de capteurs donc plus de maintenance", explique Olivier Bozzetto.
Une nouvelle tendance émerge par ailleurs : celle de coupler l'éclairage à d'autres usages, notamment dans la gestion de la circulation. "Nous installons des caméras connectées sur les mâts pour allumer, par intelligence artificielle, les lampadaires en fonction du passage, en plus des fonctions de sécurité des caméras", détaille William Eldin, CEO de la deep tech française de vision par ordinateur XXII, pour qui la smart city est le marché qui se développe le plus fortement dans ses activités, avec une centaine de signatures de collectivités. Autre exemple à Montpellier, "qui a installé cinq capteurs différents sur ses mâts d'éclairage, notamment pour compter les cyclistes et optimiser la circulation", raconte Maxime Mateo, responsable d'affaire chez Citeos. De son côté, Signify propose des luminaires comprenant des emplacements standardisés permettant d'ajouter des capteurs additionnels afin par exemple de dresser des cartographies de température ou du bruit à partir du réseau existant d'éclairage.
"Pour que la solution soit efficace, il vaut mieux tout renouveler d'un seul coup"
Ces usages sont néanmoins encore au stade de l'expérimentation : "En voulant installer des bornes de recharge électrique sur des mâts, nos clients se sont rendu compte que le réseau d'éclairage public n'est pas adapté, et qu'il faut engager des travaux de mise à niveau important", témoigne François Darsy, qui conseille ainsi de bien se projeter pour définir les retours sur investissement voulu avant de coupler les cas d'utilisation, au risque de se retrouver dans des situations trop complexes.
Cette nécessité de calculer le ROI est d'autant plus importante que des freins persistent aux déploiements de solutions d'éclairage connecté. Le plus important est lié au coût. "Pour que la solution soit efficace, il vaut mieux tout renouveler d'un seul coup, comme l'a fait la ville de Talence, près de Bordeaux. Cela permet d'homogénéiser la solution et de bénéficier d'économies d'échelle. L'inconvénient, c'est que cela demande des investissements lourds pour les communes", précise François Darsy. Un avis partagé par Maxime Mateo : "Il faut prendre en compte à la fois l'installation des capteurs, leur maintenance dans le temps, mais aussi l'abonnement à la connectivité." A titre d'exemple, la ville d'Illkirch-Graffenstaden avait déboursé 131 000 euros pour équiper 79 lampadaires. Ce qui explique que, malgré la multiplicité des projets, le secteur accuse un retard : 70% du parc, sur les quelque 10 millions de points lumineux en France, n'est pas encore équipé en Led (contre 50% dans les surfaces commerciales). Et Olivier Bozzetto de conclure : "L'éclairage connecté va continuer de s'affirmer comme une tendance car les collectivités vont être obligées de s'y mettre" au fur et à mesure du renouvellement de leur parc.