Big data et algorithmes, l'enjeu caché du COP21

En décembre prochain, les projecteurs seront braqués sur Paris, qui deviendra en l’espace de quelques jours le lieu de toutes les attentions en matière de lutte contre les changements climatiques. En plus de ses efforts politiques, la France a un autre rôle à jouer : l’innovation technologique.


La France compte jouer de tout son poids sur la scène politique afin de parvenir à l’objectif ambitieux d’un accord universel et contraignant, permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique. Il se pourrait pourtant que la France ait également un autre rôle à jouer : celui des GreenTech et de l’innovation technologique au service de l’environnement.
La COP 21 s’ouvre sur fond de révolution dans le domaine de l’énergie, avec l'émergence d’une transformation en profondeur des réseaux de production et de consommation électriques. Ces derniers se décentralisent, laissant apparaître les premiers réseaux intelligents. L’autre source d’innovation majeure se trouve dans le déluge de données liées à l’introduction du Big Data et des objets connectés au sein des acteurs de la ville.

Quels sont les impacts attendus des technologies Big Data sur la lutte contre les changements climatiques ? Et quelle place peut occuper la France dans cette compétition ?

La déferlante du Big Data et de l’analyse des données massives n’épargnent aucun secteur industriel. Or, dans le domaine de l’énérgie et du transport, ces techniques innovantes pourraient permettre de réduire l’empreinte carbone de manière significative. Grâce à la technologie et aux statistiques, il est désormais possible de croiser des données produites par différents acteurs (producteurs électriques, réseaux de transport, municipalités, particuliers, open data...), afin de modéliser le comportement d’une ville et d’en réduire l’impact sur l’environnement. A ce titre, la métropole Lyonnaise se démarque comme un champion national avec notamment le projet Optimod’ qui rassemble des acteurs publics (CNRS,  ADEME..) et privés (Orange, IBM, Renault..).

Parmi les sources de données les plus prometteuses, les objets connectés tiennent la vedette. Le déferlement des objets connectés marque un changement en profondeur dans la gestion de l’énergie. Les objets connectés se retrouvent à tous les niveaux : production, transport, consommation. Dès 2015, la France pourrait rattraper son retard par rapport à ses voisins européens grâce au déploiement des compteurs connectés Linky qui devrait se poursuivre jusqu’en 2021. Les compteurs connectés introduisent une véritable innovation technologique permettant de monitorer la consommation électrique en temps réel, aussi bien chez les particuliers que du côté des entreprises. Ce déluge de données sur le comportement électrique va permettre aux opérateurs de créer des offres sur mesure, d’optimiser le réseau de production en gérant notamment l’énergie disponible sur le réseau en temps réel, et plus tard de pouvoir décentraliser le réseau. L’énergie circulerait de manière décentralisée à l’image d’un réseau peer-to-peer, comme le décrit Jeremy Rifkin dans son ouvrage “La troisième révolution industrielle”. Ainsi, l’échange de données énergétiques permettra de mettre en lumière de nombreux leviers d’économie d’énergie. Citons par exemple, la gestion en temps réel des énergies renouvelables sur le réseau, la détection de dérives ou encore une généralisation des offres d’effacement aux particuliers. Autant d’applications susceptibles de réduire sensiblement l’empreinte environnementale, mais qui nécessitent un investissement fort sur les sujets de Big Data et d’objets connectés.

Une seconde révolution à venir dans le domaine de l’énergie, capable de générer des effets positifs en matière d’environnement, viendra des véhicules électriques. Les ventes de voitures électriques ne dépassent pas en 2014 les 0,5% des véhicules neufs mis en circulation en France. Ce ratio devrait néanmoins exploser dans les prochaines années. D’ores et déjà, la France a tous les atouts pour transformer cette révolution technologique en une formidable opportunité écologique. Il s'agirait, en premier lieu, de repenser une partie du réseau électrique pour accueillir ces nouveaux équipements énergivores. Ainsi, la voiture électrique pourrait favoriser les énergies renouvelables en poussant les producteurs électriques à investir dans les énergies vertes pour produire le surplus d’électricité demandé par les voitures électriques. En outre, les batteries de ces voitures électriques seront autant de points de relais pour lisser la production électrique et réduire l’empreinte carbone de l’énergie produite. Enfin, la pollution issue des voitures électriques est limitée et centralisée aux usines de production d’énergie, ce qui facilite les actions de dépollution. Toutes ces innovations ne seraient pas possibles sans une certaine capacité de calcul et une analyse de grands volumes de données.

La lutte contre les dérèglements climatiques à travers le Big Data est une alternative crédible aux politiques contraignantes adoptées par les états. En effet, l’innovation permet de créer de nouveaux usages, des services créateurs de valeur pour les entreprises et les particuliers, sans oublier des emplois qualifiés en grand nombre comme l’évoque Christopher Couthon, du cabinet de chasse de têtes Couthon Conseil : “Derrière le buzz du Big Data et des Smart Cities se cachent de véritables viviers d’emplois dans une filière tirée par quelques champions français. Les profils les plus prisés sont les data scientists, ingénieurs big data, ingénieurs IoT, mais également les développeurs de haut niveau, nettement revalorisés depuis quelques années.”