Thierry Chamfrault (itSMF France) "Les réseaux sociaux d'entreprise sont un levier pour la DSI orientée services"

Comment gérer la mutation d'une DSI vers une organisation IT orientée services ? En amont de la Conférence 2011 de l'itSMF France qui a lieu le 29 novembre à Paris, voici quelques pistes de réponses.

JDN Solutions. Les DSI se transforment de plus en plus en centres de services, ou organisations orientées services (SOO). Comment bien aborder cette mutation ?

Thierry Chamfrault. Cette évolution oriente d'abord les réflexions des DSI vers des questions économiques et financières. De fournisseur de solutions technologiques synonyme de centre de coûts, la DSI est devenue un centre de services. Elle évolue désormais vers la notion de centre de profits, voire vers celle de centre de valeurs.

Cette mutation implique aussi de mettre en place une nouvelle gouvernance. La DSI doit en effet se restructurer pour fournir des services à l'utilisateur. Il ne s'agit plus ou plus seulement de fournir du matériel, un réseau et des applications, mais de concevoir les ressources IT comme des services, en introduisant notamment des contrats de niveau de service portant sur les performances d'accès, la réactivité du support... Au sein des DSI, cette nouvelle gouvernance commence à prendre forme notamment autour de catalogues de services.

Concrètement, la mise en place et la maintenance d'un poste de travail par exemple deviendra un service facturé à l'usage, qui pourra être composé de plusieurs sous services : station de travail, téléphonie... Grâce à ce mode de facturation qui implique aussi de revoir la supervision du système d'information, l'utilisateur prendra mieux conscience du prix de la prestation. Ce qui permettra aussi indirectement de réguler les coûts. Le client interne deviendra un acteur du service en contrôlant par lui même l'usage qu'il en fait. Il contribuera ainsi à développer une nouvelle économie de l'offre et de la demande au sein de l'entreprise.

Naturellement, cette nouvelle logique implique la mise en place de processus de gestion des capacités, et de prévision des montées en charge. Les démarches de Cloud privé permettent également d'accompagner la mise en place de chantiers de SOO en termes de moyens.

"La DSI ne se suffit plus à elle-même. Elle doit s'ouvrir sur beaucoup d'autres compétences que l'ingénierie."

Quels sont les principaux pièges à éviter lors de la mise en œuvre d'une organisation de type SOO ?

Les centres de services IT reposent avant tout sur des hommes. L'accompagnement du changement humain est clé dans la réussite d'un tel projet. D'où l'importance de créer des communautés de pratiques, pas seulement technologiques mais aussi managériales et métiers. Cela passe notamment par la mise en place de réseaux sociaux d'entreprise transverses aux organisations, en rupture avec les structures pyramidales traditionnelles. C'est particulièrement pertinent au sein des grands groupes qui ont des niveaux de maturité qui peuvent être très différents selon les régions du monde en matière de SOO. Les communautés peuvent leur permettre de relever rapidement le niveau des zones géographiques les moins avancées.

Plus globalement, le passage vers une organisation IT orientée services nécessite des compétences qui vont bien au-delà de celles de la DSI historique. Ce changement implique l'intervention de coachs, voire de sociologues et de psychologues pour appréhender les mécanismes du changement. La DSI ne se suffit plus à elle-même. Elle doit s'ouvrir sur beaucoup d'autres compétences que l'ingénierie. On le voit aussi autour des débats sur le marketing de la DSI qui est également un axe important pour une DSI orientée services.


Le programme de la conférence 2011 de l'itSMF France sera notamment axé sur ces défis. Nous aborderons également la notion d'agilité qui contribue elle aussi à transformer la DSI en centre de valeur. Les méthodes agiles replacent en effet l'utilisateur au centre des projets de développement et de déploiement, en prenant en compte de l'évolution des besoins tout au long d'un projet.

Au final, l'idée est d'aboutir à un processus industriel de création de composants fonctionnels, qui puissent être intégrés au catalogue de services IT de l'entreprise. Des composants qui pourront ensuite être assemblés pour concevoir un processus métier ou une application plus complexe, type progiciel métier, voire réutilisés dans plusieurs applications à la demande et en fonction des besoins des métiers. L'objectif étant d'être toujours plus réactif.

La démarche ITIL et les organisations orientées services ne pourraient-elles pas s'appliquer à d'autres activités que celles de la DSI ?

Quand j'ai commencé à représenter la France au sein du groupe d'experts Afnor sur l'Iso 20 000, j'ai très vite suggéré d'ouvrir les débats sur des questions extérieures à l'univers IT. La norme peut en effet très bien s'appliquer à n'importe quel type de service, et pas seulement les services informatiques et télécoms. Y compris d'ailleurs des services BtoC. Au sein de l'entreprise, on commence à voir d'autres fonctions s'inspirer du modèle SOO. C'est le cas notamment des Ressources Humaines.

Thierry Chamfrault est directeur méthodes et processus chez Technip. Il a été précédemment directeur qualité au sein du Groupe Technologies et Services (GTS). Il a ensuite occupé un poste équivalent au sein de la Société Générale, avant de devenir directeur qualité au sein de la DSI de Bouygues Telecom. Thierry Chamfrault est co-fondateur de l'itSMF France. Il est administrateur de l'association et responsable de la Commission Contenu.