Adam Selipsky (Tableau Software) "Nous comptons près de 4 000 nouvelles entreprises clientes chaque trimestre"

Le CEO de l'éditeur d'applications de data visualisation lève le voile sur sa feuille de route. L'un de ses principaux objectifs : améliorer le taux de pénétration de Tableau au sein des grandes entreprises.

Votre ambition est de démocratiser l'analyse de données au sein des entreprises. Comment comptez-vous y parvenir ?

Adam Selipsky est le président directeur général de Tableau Software. © Tableau Software

Tableau est la plateforme leader de la business intelligence et de l'analytique. Nous permettons aux entreprises, petites et grandes, d'analyser des données provenant de sources très variées afin de réaliser des analyses visuelles et interactives qui leur permettront, in fine, de prendre de meilleures décisions. Ces sources de données incluent par exemple Cloudera, AWS Redshift, Microsoft SQL Server ou des plateformes comme Salesforce. Dès nos débuts, notre objectif a été de développer un outil intuitif que chaque collaborateur serait capable d'utiliser. L'entreprise, créée en 2003 et basée dans la région de Seattle, compte désormais 3 800 salariés et 19 bureaux à travers le monde.

Quels sont les principaux usages de votre plateforme ?

Les entreprises accèdent à notre outil de différentes manières. Elles peuvent télécharger notre logiciel Tableau Desktop, qui est historiquement notre premier produit. Elles peuvent aussi utiliser la version de notre offre hébergée dans le cloud, nommée Tableau Online. Enfin, elles ont également la possibilité d'installer Tableau sur site ou sur un cloud public à l'instar d'AWS, Azure ou Google Cloud Platform via Tableau Server. Le profil de nos clients est très varié car toutes les entreprises ont aujourd'hui besoin d'analyser leurs données. Parmi eux, je peux vous citer BNP Paribas, Lufthansa ou encore Netflix. De nombreuses universités utilisent également Tableau pour créer des tableaux de bord interactifs.

Votre dernière solution, Tableau Prep, simplifie la préparation des données. Comment fonctionne-t-elle ?

Les entreprises font aujourd'hui face à une explosion du volume de données à traiter. Et ce phénomène devrait encore s'accélérer dans les années à venir. En conséquence, beaucoup de nos clients consacrent 80% de leur temps à préparer et nettoyer les données et seulement 20% à les analyser. L'objectif de Tableau Prep est d'inverser ce ratio. Cet outil que nous avons lancé en avril dernier est très intuitif. Il utilise notamment des technologies de machine learning. Près de 9 000 entreprises y ont déjà recours et ce chiffre devrait continuer de croître.

Pouvez-vous donner quelques exemples d'utilisation de Tableau Prep ?

Concrètement, nos algorithmes vont aider les entreprises à sélectionner les données à analyser. Ces recommandations intelligentes comme nous les appelons vont suggérer aux analystes de sélectionner telles ou telles informations en fonction de différents critères comme, par exemple, la tâche qu'ils cherchent à exécuter.

"Pour les années à venir, nous comptons développer notre offre à destination des grandes entreprises"

Tableau Prep va également faciliter la consolidation de données, les jointures et autres tâches de traitement les plus courantes et répétitives. Un exemple concret : imaginons que dans une colonne vous ayez les termes "France", "FR" ou encore "République française". Nos algorithmes vont comprendre que ces appellations désignent la même chose et vont ainsi permettre, en un simple clic, de les regrouper sous un seul terme. Cet exemple est assez basique mais notre technologie est capable de traiter des cas beaucoup plus complexes.

Avec ces outils, pensez-vous que les entreprises auront encore besoin de data scientists dans les années à venir ?

Même si de plus en plus de salariés seront capables de faire parler les données, je ne crois pas que les grandes entreprises pourront malgré tout se passer d'analystes professionnels. Ces derniers seront toujours là pour réaliser les tâches les plus complexes et sophistiquées. Les analystes représentent d'ailleurs une importante portion de notre communauté et nous allons continuer de développer des fonctionnalités pointues pour répondre à leurs besoins. Mais nous savons aussi que des millions de personnes souhaitent utiliser Tableau sans pour autant disposer de telles compétences.

Notre objectif est donc de développer des fonctionnalités intuitives pour mettre entre leurs mains des outils autrefois réservés à des analystes chevronnés. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons beaucoup investi dans des technologies de traitement automatique du langage naturel. C'est dans cette optique que nous avons racheté l'année dernière une société spécialisée dans ce domaine appelée ClearGraph.

En 2017, Tableau Software est passé d'un modèle d'achat de licence à un modèle à l'abonnement. Pourquoi ce changement de business model ?

Nous avons pris cette décision car nous pensons que ce modèle est le meilleur pour nos clients puisqu'il offre plus de flexibilité. Nous proposons désormais trois formules de souscription donnant chacune accès à différentes fonctionnalités. A savoir : Creator, Explorer et Viewer.

J'ajoute que près de 30% de notre chiffre d'affaires est réalisé en dehors des Etats-Unis et du Canada. Nous comptons au total 82 000 entreprises clientes dont près de 4 000 nouveaux clients chaque trimestre.

Les géants du numérique lorgnent sur le secteur de la business intelligence, à l'image de Microsoft avec sa solution Power BI. Craignez-vous cette concurrence ?

"Notre objectif est de mettre l'analyse de données à la portée de tous"

Le marché de la business intelligence continue de grossir et il y a suffisamment de place pour plusieurs acteurs. Nous ne sommes pas dans une configuration de marché du type one winner takes all. Tableau est aujourd'hui en position de leader et nous allons tout faire pour le rester mais il est évident que d'autres entreprises se feront une place sur ce marché.

Qu'est-ce que le RGPD change pour vous, notamment en ce qui concerne la gestion des données transitant via votre plateforme ?

En réalité pas grand-chose dans la mesure où nous appliquions déjà la plupart des pratiques préconisées par ce règlement. Nous avons toujours pensé que les données appartenaient à nos utilisateurs et nous ne faisons pas partie de ces entreprises qui utilisent les données de leurs clients. Nous avons donc rapidement mis en place une politique de protection et de sécurisation des données très forte. Suite à la promulgation du RGPD en Europe, nous avons aussi créé énormément de ressources gratuites pour informer nos clients afin qu'ils puissent se conformer à cette réglementation.

Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?

L'un de nos principaux objectifs est de développer notre offre à destination des grandes entreprises. Pour cela, nous devrons accroitre nos capacités dans le service après-vente mais aussi développer de nouvelles fonctionnalités, notamment autour de la gouvernance et de la sécurité des données afin de rassurer les grands acteurs. Nous voulons également accroitre notre relation commerciale avec certaines entreprises clientes qui comptent parfois plus de 200 000 salariés mais dont seulement quelques milliers de collaborateurs utilisent Tableau. Enfin, nous comptons continuer à simplifier l'usage de notre plateforme afin de mettre l'analyse de données à la portée de tous !

Adam Selipsky est le président directeur général de Tableau Software. Avant cela, il a occupé le poste de vice-président marketing sales et support pour Amazon Web Services. Adam Selipsky a passé plus de dix ans au sein de la filiale cloud d'Amazon. Auparavant, il a été manager de la division Video Subscription et Media Player chez RealNetworks. Il a également travaillé pour Mercer Management Consulting, une entreprise de conseil en stratégie. Il est diplômé d'un MBA de l'université de Harvard.