Zoho réécrit la digital workplace pour contrer G Suite et Office 365

Zoho réécrit la digital workplace pour contrer G Suite et Office 365 Si elle ne bénéficie pas de la notoriété de ses grandes sœurs, la suite collaborative dispose d'une couverture fonctionnelle exceptionnelle et s'érige en alternative crédible.

Zoho, le retour. L'éditeur n'a plus rien d'une start-up. Fondé en Inde en 1996 avec aujourd'hui un siège social basé en Californie, il a une longue histoire déjà derrière lui. La société qui s'est d'abord fait connaître avec son offre de CRM revendique plus de 45 millions d'utilisateurs à travers le monde et des clients français comme Renault, L'Oréal ou Sodexo. Surtout implanté sur les marchés américains et asiatiques, Zoho souffre, en revanche, d'un manque de notoriété sous nos latitudes.

La donne pourrait changer avec l'ouverture en mars dernier d'un bureau à Paris. Consultant AMOA digital au sein du cabinet de conseils Spectrum, Thomas Poinsot observe une volonté de (re)conquête de la part de Zoho depuis deux ans. "L'éditeur a repackagé son offre de digital workplace et communique davantage dessus, les interfaces ont toutes été traduites, et le nombre de connecteurs augmente", reconnait l'expert.

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Tableau extrait de l'étude 2020 du cabinet français Lecko ("Etat de l'art de la transformation interne des organisation". © Lecko

Si son catalogue est particulièrement riche avec plus de cinquante applications couvrant les principales fonctions transverses d'une organisation (ventes, marketing, finance, RH, support informatique...), c'est avant tout sur son offre collaborative que Zoho est attendu. Bureautique en ligne avec Zoho Suite Office, client de messagerie avec Mail, partage de documents avec WorkDrive, réseau social d'entreprise avec Connect, messagerie d'équipe avec Cliq, réunion en ligne avec Meeting, gestion de projet en mode Kanban avec Projects, création d'intranets avec Sites, etc. La couverture fonctionnelle Zoho n'a rien à envier à celle proposée par Microsoft dans Office 365 et plus encore à celle de Google dans G Suite, les deux leaders incontestés du marché.

Dans l'étude annuelle publiée par Lecko fin janvier, Zoho obtient un score particulièrement élevé. "Sur les 150 cas d'usage de collaboration et de productivité recensés dans notre benchmark, Zoho en couvre 99% contre 70 à 75% pour G Suite", observe Bastien Le Lann, directeur associé au cabinet Lecko.

Un assistant virtuel

En revanche, le consultant pointe du doigt l'expérience utilisateur. "En 2010, Zoho était avant-gardiste, depuis il s'est fait grignoter", constate Bastien Le Lann. Selon le consultant, l'expérience utilisateur manque de cohérence. L'offre souffre notamment d'univers cloisonnés et de grandes disparités entre les modules. "Les solutions bureautiques (Sheet, Writer, Show, ndlr) proposent une expérience au top alors que l'interface de Connect est vieillissante et son rendu chargé", estime Bastien Le Lann "En revanche, Cliq qui n'a rien à envier à Slack même s'il ne dispose pas du même écosystème de connecteurs."

"Certaines interfaces font penser à Trello, Slack ou Workplace by Facebook"

Thomas Poinsot n'est pas aussi sévère et estime que Zoho a repris les codes des outils collaboratifs de dernière génération. "Certaines interfaces font penser à Trello, Slack ou Workplace by Facebook", égraine-t-il. L'éditeur a, par ailleurs, mis à disposition des développeurs des outils pour améliorer cette expérience utilisateurs comme Zoho Creator, une usine de création d'applications personnalisées, ou encore Catalyst, une plateforme de développement orientée microservices. Sachant qu'il est également possible de concevoir ses propres bots dans Cliq.

Bastien Le Lann approuve l'apport de l'intelligence artificielle qui se traduit sous la forme d'un assistant virtuel, baptisé Zia. Au sein du traitement de texte de la suite, elle évalue la lisibilité d'un document et suggère de nouvelles tournures de style pour gagner en fluidité. Côté tableur, Zia génère automatiquement un diagramme ou un tableau dynamique à partir d'un jeu de données. "Zoho se rapproche en cela de Power BI. Les suggestions restent toutefois basiques et ne sont pas du niveau d'Einstein de Salesforce", analyse Thomas Poinsot.

En complément de G Suite

Néanmoins, cette prise en compte de l'IA est, selon l'expert de Spectrum Group, de bon augure pour le futur. "Une digital workplace ne doit plus seulement agréger des applications mais faciliter l'accès aux contenus qui intéressent l'utilisateur, lui apporter les premiers niveaux de réponse à ses questionnements", argue Thomas Poinsot. En termes de localisation des données, Zoho dispose de deux datacenters en Europe, l'un à Amsterdam et l'autre à Dublin.

En termes de prix, Zoho gagnerait à simplifier sa grille. Ciblant les PME, le package Zoho Workplace, commercialisé à partir de 3 euros par utilisateur et par mois, se limite à Mail, Qlic, Suite Office et WorkDrive. Pour bénéficier de plus de briques, les coûts grimpent rapidement. Englobant plus de 40 applications, le package Zoho One est tarifé, lui, 75 euros par utilisateur et par mois.

"Zoho pourrait convenir à une entreprise de taille intermédiaire"

Est-ce que Zoho peut constituer une alternative aux suites de productivité de Google et Microsoft ? "Malgré une expérience utilisateur pas tout à fait à la hauteur comparé à G Suite, notamment dans la coédition temps réel ou la gestion de tâches, Zoho peut, selon Bastien Le Lann, davantage concurrencer Google dont la couverture fonctionnelle affiche des faiblesses dans sa dimension communautaire depuis les déboires de Google +."

Et Thomas Poinsot de renchérir : "Zoho vient compléter G Suite avec son réseau social d'entreprise mais également avec son ChatOps. Ce qui permet au final d'aboutir à une véritable digital workplace." Dans cette logique, l'éditeur a d'ailleurs lancé des passerelles vers G Suite avec plus de 70 intégrations dédiées à l'environnement de Google.

Est-ce que Zoho pourrait aussi prétendre faire de l'ombre à Office 365 ? La tâche s'avère plus compliquée, mais pas irréaliste. "L'adoption de Zoho, en rupture avec l'environnement Microsoft, nécessite un réel effort d'accompagnement", observe Bastien Le Lann chez Lecko. La marche pourrait être trop haute pour un grand compte dont les utilisateurs éprouvent déjà des difficultés à passer de l'environnement Office installé sur le poste de travail à sa version cloud. En cela, Zoho pourrait davantage convenir à une entreprise de taille intermédiaire."