L'IA : nouvelle arme pour faire respecter les gestes barrières et éviter un rebond

L'IA : nouvelle arme pour faire respecter les gestes barrières et éviter un rebond Des systèmes de vidéosurveillance sont déployés par des entreprises et des municipalités françaises pour vérifier le port du masque et l'application des règles de distance sanitaire. L'objectif est avant tout de sensibiliser.

Avec le déconfinement, les villes comme les entreprises se tournent vers des solutions visant à faire respecter les mesures barrières, au premier rang desquelles le port du masque et les distances sanitaires. L'enjeu est évidemment d'éviter de générer de nouveaux clusters. Dans les lieux de passage particulièrement fréquentés comme les réseaux de transport urbains, les grandes plateformes de gestion logistique ou encore les parcs des grandes agglomérations, des systèmes de reconnaissance d'images sont mis en œuvre pour faciliter les contrôles.

Confronté au problème, Amazon s'est orienté vers une solution d'assistant intelligent. Baptisé Distance Assistant, il s'appuie sur un modèle de machine learning pour analyser les images issues des caméras installées dans les entrepôts du groupe. Egalement couplé à des capteurs de profondeur, il détecte le passage des collaborateurs et estime l'écart qui les sépare. Un écran de 50 pouces situé dans la zone de passage permet aux salariés filmés d'avoir un retour immédiat. S'ils conservent une distance de 6 pieds (soit 1,8 mètre), ils seront affublés d'un cercle vert apparaissant en surimpression de la vidéo. Dans le cas inverse, ce sera un cercle rouge. "Nous nous sommes inspirés des radars routiers de vitesse avertissant (les automobilistes, ndlr) en temps réel", explique Brad Porter, vice-président et distinguished engineer, robotics chez Amazon.

Publié en open source sur GitHub, le dispositif d'Amazon est pour l'heure mis en place sur quelques sites du groupe. "Compte tenu des feedbacks des salariés, nous prévoyons de déployer des centaines d'unités équivalentes dans les prochains mois", précise Brad Porter.

Moins cher et plus précis qu'un humain

Outre-Atlantique, l'expérience d'Amazon fait des émules. Basée à Chicago, la start-up de BTP Pepper Construction utilise par exemple les modèles de computer vision de SmartVid.io pour détecter les regroupements d'agents de bâtiment sur des chantiers. La société new-yorkaise d'investissement immobilière RPT Realty s'est, elle, tournée vers l'IA de WaitTimes pour estimer le nombre de visiteurs entrant dans les boutiques de ses centres commerciaux, avec pour objectif d'alerter ces dernières en cas d'affluence trop forte. "Une technologie coûtant 1 000 dollars ou plus chaque année, qui analyse les données en provenance de caméras standards, revient moins chère qu'un personnel de surveillance. Elle sera par ailleurs plus précise qu'un humain et évite les clashs éventuels avec les agents", indique les intéressés à nos confrères de Reuters.

Aux côtés des start-ups citées plus haut, on relève l'initiative du français Capture qui a développé une IA de mesure visuelle de distanciation à l'occasion de la crise du Covid-19 (voir tweet ci-dessous)

Pour faire respecter les distances sanitaires, le gouvernement singapourien est allé jusqu'à déployer un robot quadrupède de BostonDynamics dans un parc. Grâce à une vidéo couplée à une IA de cartographie 3D développée par une jeune pousse locale (GovTech), le robot estime la distance entre les promeneurs et les rappelle à l'ordre si besoin. Le projet fait l'objet d'un premier test grandeur nature sur un tronçon de 3 km de River Plains, parc situé en bordure du centre-ville.

Au-delà des distances sanitaires, l'intelligence artificielle entre aussi dans la danse pour contrôler le port du masque. C'est le cas chez Uber. Le 18 mai dernier, le VTC a doté son application d'une fonction de vision par ordinateur. Les chauffeurs souhaitant accéder à leur compte et conduire des passagers doivent désormais réaliser un selfie avec un masque, l'IA d'Uber se chargeant ensuite de détecter la présence de celui-ci. Le groupe américain précise que le dispositif n'intègre pas d'analyse de reconnaissance faciale. Le process n'est pas imposé aux clients pour lesquels le port du masque reste néanmoins obligatoire, au risque de se voir refuser l'accès au véhicule.

Paris et Cannes en première ligne 

En France, la ville de Cannes enrichit son réseau de caméras urbaines d'une IA de reconnaissance de masques. Reposant sur les algorithmes de la start-up française Datakalab, le système a été déployé sur trois marchés de la ville (Forville, Gambetta et La Bocca). Les autorités municipales sont alertées par e-mail et SMS de l'évolution de la situation. "Les équipes peuvent aller au-devant des Cannois pour une action pédagogique, bienveillante et citoyenne, les incitant au port du masque ou, le cas échéant, en distribuant des masques à celles et ceux qui n'en ont pas", indique la ville de Cannes dans un communiqué. Réalisés en local, les traitements sont anonymisés.

A Paris, la RATP a équipé 6 caméras de la station Châtelet-Les Halles du même système. Dans le cadre de ce projet présenté comme une expérimentation, la technologie de Datakalab comptabilise le nombre de passagers avec et sans masque. Le tout en temps réel mais également de manière anonyme. Un tableau de bord permet ensuite aux équipes de la RATP de suivre quotidiennement l'évolution du taux de port de masques. "Cet outil d'aide à la décision pourrait permettre de mener des actions de sensibilisation auprès des usagers pour les inciter au respect des règles sanitaires et ainsi assurer la sécurité de tous dans les transports dans le cadre du déconfinement", indique la Régie autonome des transports parisiens. Lancé début mai, le projet devait s'étendre à un total de douze caméras.

"Depuis le 12 juin la RATP a décidé de suspendre temporairement l'expérimentation afin de compléter le dispositif de droit d'opposition tel que demandé par la CNIL" indique au JDN un porte-parole de l'établissement public. Conclusion : la CNIL reconnait que des données à caractère personnel (les images des passagers) sont exploitées par la RATP. Ce qui oblige de facto cette dernière à fournir la possibilité aux usagers de s'opposer à leur utilisation.