Harry Moseley (Zoom) "En cas de succès aux US, nous lancerons OnZoom dans le monde entier"

Le chief information officer de Zoom revient sur l'incroyable succès de la plateforme de visioconférence depuis le premier confinement.

JDN. Comment expliquez-vous le succès de Zoom pendant cette crise sanitaire ?

Harry Moseley est le chief information officer de Zoom. © Zoom

Harry Moseley. Il y a selon moi cinq raisons au succès de Zoom. La première est sa simplicité d'utilisation : un seul clic vous permet de rejoindre une visioconférence. Tout le monde est capable d'utiliser Zoom et notre outil fonctionne sur tous les appareils. La seconde raison est la fiabilité de notre solution.  Malgré la croissance exponentielle que nous avons connue cette année, nous avons réussi à conserver notre niveau de qualité de service. Preuve en est, notre taux de satisfaction client demeure le plus élevé du secteur.

Une autre explication est l'innovation. Nous lançons constamment et rapidement de nouvelles fonctionnalités : arrières plans virtuels, Zoom Apps, Zoom Phone, salles de petits groupes, etc. Le coût très abordable de notre service est un autre facteur. Notre abonnement revient au prix de quelques cafés chaque semaine. Enfin, la sécurité et le respect de la vie privée sont des questions que nous prenons très au sérieux malgré les défis que nous avons eu à relever cette année.

Zoom a dû faire face à une explosion de la demande avec la crise du Covid-19. Rétrospectivement, quels ont été les plus grands défis à surmonter ?

Nous sommes passés de 10 millions d'utilisateurs quotidiens en décembre 2019 à plus de 300 millions en avril 2020, en prenant en compte nos utilisateurs gratuits et payants. Compte tenu de l'évolution du trafic, nous sommes passés d'une prévision de 100 milliards de minutes de meetings annuels en janvier 2020 à 3 milles milliards en octobre. Les journées étaient très longues et stressantes pour tous nos collaborateurs. Nous allions nous coucher en reprenant là où nous nous étions arrêtés la veille. L'entreprise a dû recruter pour être capable de répondre à la demande et assurer la gestion de nos data centers ainsi que les mises à jour logicielle. Il a fallu parallèlement former toutes nos nouvelles recrues à nos outils et technologies. C'était un peu comme essayer de piloter un avion en ajoutant des moteurs en plein vol.

L'utilisation quotidienne de Zoom est devenue courante dans les entreprises, à tel point que certains parlent de Zoom fatigue. Réfléchissez-vous à des solutions pour lutter contre l'enchaînement trop important de visioconférences ?

N'importe qui se sentirait fatigué après 12h de réunions dans le monde réel. Je ne crois donc pas que ce soit l'écran qui soit la cause première de la fatigue mais plutôt un nombre trop important de réunions. Bien entendu, nous pouvons développer certaines fonctionnalités.

"En ouvrant notre offre à des applications tierces, nous entrons dans une nouvelle ère"

Lors de notre conférence annuelle Zoomtopia en octobre dernier, nous avons par exemple évoqué comment nous pourrions réduire le stress quotidien de nos utilisateurs via l'IA pour recommander des moments de pause. Pour autant, même si d'un point de vue technologique nous pouvons créer des outils, je crois qu'il incombe d'abord aux entreprises et à leurs collaborateurs de reprendre le contrôle de leur emploi du temps et de faire des pauses.

Initialement pensée pour l'entreprise, votre plateforme est désormais utilisée par le grand public, y compris pour célébrer des mariages par exemple. Quels sont les profils des utilisateurs de Zoom aujourd'hui ?

Notre plateforme a été adoptée par tous les secteurs que ce soit la finance, l'éducation, la santé, le transport, etc. De ce point de vue, Zoom est une application très horizontale. Pendant cette crise, notre technologie a permis notamment aux professeurs d'assurer leurs cours à distance. Près de 125 000 écoles dans 25 pays utilisent actuellement notre plateforme. Au cours de cette crise, certains usages de Zoom m'ont personnellement surpris à l'image d'une clinique malaisienne spécialisée dans les opérations de l'œil. Un de leurs chirurgiens s'est par exemple fait guider par un consultant basé en Inde via Zoom.

Lors de votre conférence annuelle, vous avez aussi annoncé le lancement des Zoom Apps. Quelle différence entre ces applications et celles déjà disponibles dans votre marketplace ?

Nous comptons effectivement plus de 1000 applications au sein de notre marketplace. Il s'agit de plugins permettant de faire le lien entre Zoom et différents services applicatifs tiers à l'image de Box, Dropbox ou Salesforce. Le fonctionnement des Zoom Apps est différent car leur intégration au sein de notre plateforme est plus poussée. Par exemple, ces applications permettent, sans avoir à quitter une visioconférence, d'afficher un agenda ou un document que tous les participants peuvent éditer.

Qui peut créer ces Zooms Apps ?

 "OnZoom permet de créer des évènements et de gérer la vente de tickets en ligne"

Tout le monde peut en développer mais nous avons évidemment mis en place un processus de validation. Nous allons notamment tester le code de ses applications et vérifier qu'elles respectent les normes de sécurité et les lois en vigueur. Nous accompagnons actuellement une quarantaine d'entreprises dans la création de Zoom Apps avec une idée assez précise de ce que nous voulons. D'ici la fin de l'année, voire le début de l'année prochaine, nous espérons proposer 35 à 40 Zoom Apps issus d'éditeurs tiers.

Quelle est votre vision derrière la création de cet écosystème d'applications ?

Zoom est devenue une plateforme complète de communication grâce à l'ensemble des produits que nous proposons tels Zoom Meetings, Zoom Phone, Zoom Chat, Zoom Rooms, etc. En l'ouvrant à des applications tierces, nous entrons aujourd'hui dans une nouvelle ère. Nous voulons permettre à d'autres de développer des applications spécifiques à certains secteurs à partir de notre technologie.

En octobre dernier, vous avez lancé le chiffrement de bout en bout, y compris pour votre offre gratuite. Cette possibilité demeure néanmoins limitée...

Effectivement, certaines de nos fonctionnalités ne peuvent pas être utilisées lorsque le chiffrement de bout en bout est activé. Mais nous pensons, qu'à terme, nous serons en mesure de supporter une grande partie d'entre-elles via les vidéoconférences chiffrées.

Vous avez lancé une marketplace d'évènements virtuels baptisée OnZoom qui est pour l'instant disponible en bêta aux Etats-Unis. Prévoyez-vous de l'ouvrir à Europe et à la France en particulier ?

Absolument. Pendant cette crise sanitaire, beaucoup de commerces et prestataires de services n'ont pas eu d'autre choix que de digitaliser leurs activités. Avec OnZoom, nous leur permettons de créer des évènements et de gérer la vente de tickets en ligne. Des professeurs de Yoga, de cuisine ou de musique se sont massivement tournés vers notre plateforme. Pour l'instant, OnZoom est disponible uniquement aux Etats-Unis car nous voulons nous assurer que son fonctionnement est optimal avant de le lancer dans le monde entier.

Quel est désormais la position de Zoom sur le télétravail ?

Comme beaucoup, je crois désormais à un modèle hybride combinant travail à distance et travail en entreprise. Les employeurs ont ici une opportunité de réduire leur parc locatif dans la mesure où ils n'ont plus besoin d'accueillir tous leurs collaborateurs en même temps sur site. Le télétravail est aussi une opportunité de recruter des talents partout dans le monde. Nous avons d'ailleurs adopté cette organisation chez Zoom en prenant la décision de fermer nos 19 bureaux jusqu'à mi-2021. Nos collaborateurs travaillent donc depuis leur domicile. Cette organisation du travail s'est révélée particulièrement efficace et nos employés sont très satisfaits. Le seul point noir reste évidemment le manque d'interactions sociales.

Harry D. Moseley est le premier CIO de Zoom, entreprise qu'il intègre en mars 2018 à la demande d'Eric S. Yuan, son fondateur, pour s'occuper notamment des aspects liés à l'infrastructure, la sécurité et l'innovation. Auparavant, il a occupé le poste de CIO dans plusieurs grandes entreprises dans des secteurs variés, à l'image de KPMG, Blackstone, Crédit Suisse et UBS.