20 ans depuis le début d'une révolution : de l'Agile dans l'IT à l'Agile d'entreprise

En 2001 se réunissait un collectif de développeurs proposant de réformer la conception de logiciels. De là est né le Manifeste Agile, qui a radicalement transformé le fonctionnement des DSI. Vingt ans plus tard, quel est l'impact de cette philosophie sur les organisations ?

La pandémie a brusquement contraint les entreprises à mobiliser leurs ressources différemment, et à faire mieux avec moins. A ce titre, beaucoup se targuent d’être agiles… sans vraiment comprendre ce que ça veut dire. Être agile, ce n’est pas être plus souple, ou plus digital. C’est, fondamentalement, s’adapter au changement permanent en cherchant à maximiser la valeur créée pour l’entreprise et son écosystème. Un objectif qu’il est difficile d’atteindre sans revoir en profondeur son organisation et sa culture.

Du non-sens au bon sens : l’Agile au service d’une organisation plus efficiente

Fut un temps où le moindre projet informatique prenait plusieurs années… et devenait obsolète avant même d’être abouti. Les méthodes agiles ont en bonne partie amoindri le problème : itération constante et sprints font dorénavant partie du quotidien des développeurs. Plus attentives aux comportements des consommateurs, les entreprises ont accéléré leurs cycles de production. La valeur client est aujourd’hui au centre de toutes les attentions et globalement, je trouve que les marques interagissent mieux avec leurs parties prenantes aujourd’hui qu’il y a vingt ans.

Est-ce à dire que les organisations sont arrivées au bout de ce que l’Agile peut leur apporter ? Pas si sûr. L’entreprise en quête d’efficience n’est pas venue à bout de tous ses défis, le premier étant la bureaucratie interne. Trop souvent, "les travailleurs finissent par passer autant de temps, sinon plus, à évaluer ce qu’ils font, qu’à faire quelque chose".[1] La suppression du travail inutile est un vrai enjeu car en plus d’améliorer le moral des employés, il constitue, à mon sens, un facteur de compétitivité énorme. Mais pour y parvenir, il faut repenser son organisation de manière globale. Bien qu’elles affirment le contraire, trop de structures fonctionnent en silos et abordent leurs projets de manière fragmentée… y compris ceux concernant l’Agile ! Or, pour moi, engager du temps (et de l’argent) pour rendre le marketing ou la finance plus moderne n’a pas grand sens, s’il n’y a pas de réflexion de fond sur toute la structure.

En menant cette réflexion, l’organisation pourra mieux répondre aux attentes de son client. L’économie de l’expérience, qui bat son plein depuis vingt ans, repose avant tout sur la capacité qu’a l’entreprise de bien connaître et servir l’individu avec qui elle interagit. Or, entre l’expérience en ligne et l’expérience en magasin, il peut y avoir beaucoup de déperdition d’informations. Souvent, les enseignes ne disposent pas d’une vision 360 de leur client, qui, selon qu’il navigue sur le site web ou se rend en boutique, n’est pas connu au travers d’une identité unique, voire pas connu du tout. Ajoutons à cela que ce même client ne retrouve pas toujours dans le magasin les offres qu’il a vues sur internet, et inversement… L’homogénéisation de la qualité d’expérience, quel que soit le point de contact, est un enjeu à très court terme pour les enseignes. Walmart l’a bien compris, et s’est attaqué au problème en créant une équipe merchandising unique à partir des équipes magasins et digitales existantes.

Penser le futur : créer et partager la valeur

Ainsi, l’Agile est avant tout une question d’organisation et de culture. Les entreprises sont confrontées à une incertitude constante qui les force à adapter leur offre aux évolutions de marché – et ce en quasi temps réel. Mais là où l’exercice devient plus ardu, c’est que l’opportunisme ne suffit plus. Pour moi, l’enjeu d’aujourd’hui est de concilier l’impératif du changement permanent à un questionnement non moins permanent : Ce que j’entreprends crée-t-il de la valeur à long terme pour mon écosystème ? Exactement ce qu’a fait Danone, par exemple, en aidant ses fournisseurs à adopter une agriculture régénératrice.

Cette approche n’est plus un luxe : c’est un impératif business, et aussi un excellent moyen de fédérer ses équipes. Pour 80% des jeunes collaborateurs, l’engagement est intrinsèquement lié à la raison d’être des entreprises[2]. Aujourd’hui particulièrement, plus personne n’a envie de rester dans un bureau à faire semblant de travailler tard, dans le seul but d’enrichir des actionnaires. En revanche, une personne qui voit du sens dans ce qu’elle fait est prête à déployer des montagnes de créativité. C’est pourquoi je pense qu’il est important, pour l’avenir, d’impliquer davantage les talents : d’une part en investissant dans leur montée en compétences, d’autre part en leur accordant l’autonomie dont ils ont besoin pour libérer leur plein potentiel.

En 20 ans, l’Agile a propulsé les acteurs économiques dans l’ère de l’accélération. Ma vision pour demain, c’est que cette philosophie aidera les entreprises à entamer une vraie révolution managériale et à fédérer toutes leurs parties prenantes autour d’un écosystème de valeur partagée. En clair, il s’agit d’un levier de transformation extrêmement puissant mais, aussi, extrêmement exigeant. Renoncer à ses certitudes et accepter le changement ne va pas de soi. Mais au prix de cet effort, les entreprises pourront consolider leurs relais de croissance et se projeter sereinement dans le futur.

[1] Béatrice Hibou, La bureaucratisation du Monde

[2] Enquête NewGen Talent Centre & Bearing Point