Transformation agile, n'y allez pas à moitié !

De nombreuses entreprises ont lancé des transformations agiles pressées par les évolutions rapides de la technologie, de la règlementation ou des besoins de leurs client. Mais pour quels bénéfices ?

Ces dernières années, la plupart des entreprises ont compris qu'elles ne pouvaient plus faire autrement que de devoir répondre rapidement aux besoins de leurs clients, de leurs partenaires ou de leurs collaborateurs, de gagner en efficacité dans le delivery de leurs produits et services. Bref, de savoir s'adapter aux changements incessants liés au marché, aux nouvelles réglementations et aux nouvelles technologies avec de moins en moins de temps pour le faire. Les meilleurs compétiteurs sur ce terrain sont les fameux Gafam et autres Natu ou encore toutes ces start-up devenues licornes qui mettent une pression importante sur les entreprises traditionnelles. De fait, elles ont pour la plupart engagé des transformations agiles souvent dites "à l'échelle" au travers du déploiement de méthodologies agiles telles que SAFe pour la plus connue d'entre elles, Scrum@scale ou encore le modèle Spotify. Autant de modèles qui constituent la réponse des entreprises pour transformer leur organisation et la rendre plus agile. 

Le dernier "State of Agile Report" qui fait référence sur le sujet, basé sur une enquête réalisée sur plus de 100 pays auprès de presque 4200 répondants, donne de nombreux indicateurs sur les grandes tendances actuelles autour de l'agilité. Publié en juillet 2021, ce rapport montre une augmentation significative de l'adoption des pratiques agiles dans les équipes de développement logiciel. En 2020, 37% des répondants indiquaient avoir engagé une transformation agile contre 86% en 2021. Les raisons principales pour lesquelles ces entreprises ont décidé de se transformer sont :

  • Améliorer la capacité à gérer les changements de priorités,
  • Accélérer le delivery de solutions logicielles,
  • Augmenter la productivité des équipes,
  • Fluidifier les relations entre la DSI et les métiers.

Le niveau de maturité global des entreprises a donc augmenté récemment, pour autant on tombe encore et toujours dans les mêmes problèmes qui mènent à une transformation "molle" qui souvent ne porte pas ses fruits et n'améliore pas (ou peu) les performances de l'entreprise et la satisfaction de son écosystème. Arrêtons-nous donc un instant sur les facteurs clés de succès d’une transformation agile réussie.

Le sponsorship de la transformation doit être pris au niveau de la direction générale

Historiquement, l'agilité a souvent été initiée dans l'organisation par les équipes de la DSI, traditionnellement par le biais d'expérimentations qui ont démontrées qu'il était possible de mener un projet de développement logiciel en travaillant main dans la main entre les équipes informatiques et les équipes métiers, le tout avec un haut niveau de satisfaction des clients de cette solution. Par ailleurs, les pratiques agiles ont initialement été formalisées par des informaticiens, des professionnels de la tech qui ont posé les bases de tous les cadres agiles existants aujourd'hui. C'est donc très naturellement que de nombreuses transformations agiles ces dernières années ont été impulsées directement par le DSI au sein des organisations. Mais ce n'est plus suffisant.

Pour être totalement efficaces, l'agilité implique de changer de nombreux paradigmes opérationnels (rôles et responsabilités, implication, gestion des priorités, collecte de feedbacks...) pour les directions métiers. Ces dernières doivent être embarquées fortement le plus vite possible dans la transformation. Dans ces conditions, la direction générale est le maillon essentiel de la réussite de cette première étape d'embarquement. En se formant, en communiquant, en donnant les moyens, en montrant l’exemple à toute l'entreprise dans cette transformation, la direction générale créée un terreau fertile à la réussite de l'agilité. De nombreuses entreprises ayant commencé par la DSI et son sponsoring peinent aujourd'hui à impliquer les directions métiers et à obtenir les bénéfices escomptés de l'agilité.

Le contexte global de l'entreprise doit être remis en question

Le premier réflexe dans le déploiement de l'agilité consiste à vouloir donner les moyens aux collaborateurs qui vont devoir travailler autrement de le faire le mieux possible au travers de formations, de coaching et d'outillages (techniques ou méthodologiques). Mais si on ne touche à rien autour d'eux, que l'environnement dans lequel ces équipes travaillent n'évolue pas pour prendre en compte cette agilité, alors le résultat ne sera pas au rendez-vous, l'impact ne sera que très limité. Lorsque l'agilité se déploie, elle tord le modèle existant de l'entreprise, ses fondamentaux doivent être adaptés pour permettre une pleine et entière réussite sur le terrain.

Les processus en place dans l'organisation sont souvent issus des démarches projets traditionnelles, celle dites cycle en V ou encore waterfall. Qu'il s'agisse du pilotage des investissements, de la gestion du portefeuille projets, de la gouvernance, de la gestion des achats ou encore des ressources humaines, tout cela doit être revu à l’aune de l'arrivée de l’agilité. Tous les acteurs concernés et qui ont le pouvoir d'agir et de décider sur ces différents domaines sont tous ceux qui gravitent autour des projets mais n'y sont pas directement impliqués. On parle ici d'équipes transverses, de fonctions supports qui doivent être accompagnées et mises en mouvement pour lever les freins à l'agilité.

Le management doit être embarqué à tous les étages

Un paramètre essentiel pour réussir une transformation agile passe par l’adhésion et l’implication des managers. Les organisations des entreprises sont très complexes avec un maillage qui porte souvent sur plusieurs axes amenant à un modèle matriciel mixant des rattachement hiérarchiques et fonctionnels pour les collaborateurs. L'agilité est avant tout une question de culture, d'état d'esprit. On parle ici d'équipes pluridisciplinaires, autoorganisées, responsabilisées sur la base d'objectifs clairs. Les managers ont un rôle clé dans ce contexte, le changement de posture est non négociable pour la réussite des équipes. Le manager n'est plus attendu pour ses capacités de direction sur un modèle "Command and control", ce mode de fonctionnement a d’ailleurs montré ses limites car il tue l'engagement et la motivation, il inhibe la communication, il entrave l'amélioration continue et il prend comme postulat que le manager est plus expert que ses collaborateurs. Alors que dans une organisation agile, on attend surtout du manager qu'il donne du sens, qu'il soit transparent, qu'il sache faire confiance, qu'il soit à l'écoute, qu'il aide à lever les freins et en dernier recours, lorsque le consensus n'est pas là qu'il sache décider. Les managers doivent donc faire l’objet d’un accompagnement spécifique dans cette transition vers l’agilité qui va faire profondément évoluer leurs responsabilités.

Passez du mode projet au mode produit

Le mode projet est sûrement celui qui reste le plus déployé dans les entreprises quel que soit ensuite le cadre utilisé (agile ou cycle en V). Le passage du mode produit au mode projet implique des changements sur différents axes. Tout d'abord le pilotage par la valeur se substitue au pilotage budgétaire. Ensuite on va chercher à collecter le plus tôt et le plus souvent possible du feedback de la part des utilisateurs plutôt que d'attendre la fin du projet pour le faire. Par ailleurs, on va se donner la capacité de prendre des décisions rapides et fréquentes centrées sur les vrais problèmes à résoudre (plutôt que sur des jalons ou des KPIs). Enfin, on va choisir une planification itérative courte basée sur des hypothèses plutôt qu’un planning complet à long terme. Ces éléments constituent les bases d'une démarche produit et induisent un modèle d'organisation alternatif au mode projet. Les deux peuvent cohabiter dans une transformation agile mais dès que c’est possible il faut privilégier le mode produit au mode projet.

En conclusion, vous aurez compris que s'engager dans une transformation agile n'est pas un long fleuve tranquille, se transformer nécessite de se faire mal si ce n'est pas le cas c'est que les choses ne changent pas. Cela implique un certain niveau de courage managérial pour soutenir un projet d'une telle envergure et d'assumer en contrepartie les conséquences qui y sont associées. Il ne s'agit pas ici de noircir le tableau mais d'avoir une vision éclairée, honnête et lucide sur les grands enjeux de ce type de transformation. Les bénéfices sont largement supérieurs aux risques mais il faut savoir que cela prend du temps, que cela ne se fait pas sans heure. Alors si vous décidez de vous lancer sur le chemin de la transformation, ou que vous êtes déjà engagés sur cette voie, faite le pleinement !