Digital workplace orientée première ligne : Beezy s'impose

Digital workplace orientée première ligne : Beezy s'impose Sociabble, Steeple ou encore Workplace from Meta proposent des plateformes dédiées aux fronteline workers, jusqu'alors laissés-pour-compte de la transformation numérique.

Lors des confinements, on les a appelés les premiers de corvée. Egalement dénommés les travailleurs de première ligne ou frontline workers, ils regroupent les ouvriers en usine, les caissiers et vendeurs en magasin ou les populations nomades comme les techniciens sur site et les aides à domicile. Des employés qui évoluent dans les secteurs de l'industrie, de la distribution ou des services à la personne. La pandémie a rappelé l'importance de ces collaborateurs de terrain pour l'économie nationale. Elle a aussi mis en évidence les inégalités de traitement dont ils sont victimes.

Non seulement, ces acteurs ne sont pas éligibles au télétravail, à la différence des "knowledge workers", mais ils sont les laissés-pour-compte de la révolution numérique. Ils n'ont généralement ni d'adresse mail ni ordinateur professionnels. "C'est une population qui a été délaissée par la transformation numérique alors que sa valeur ajoutée est potentiellement énorme", juge Thomas Poinsot, responsable des études et benchmarks au sein de la société de services Spectrum. "Elle est la seule à même de remonter les problèmes du terrain." Et Bastien Le Lann, directeur associé au sein du cabinet Lecko d'observer : "Des managers ont dû monter des groupes WhatsApp pour gérer les roulements et remplacer un absent au pied levé". Le marché commence toutefois à bouger ces dernières années avec l'apparition de plateformes s'intéressant enfin aux frontline workers au premier rang desquelles Steeple.

Comparatif des digital workplace orientées travailleur en première ligne
  Beezy Steeple  Sociabble Workplace from Meta
Date de lancement 2011 2015 2014 2016
Communication X X X X
Collaboration X     X
Engagement des collaborateurs   X X X
Gestion des connaissances X     X
Intégration flux de travail X      
Références Daimler, MBDA, FC Barcelona... Lesieur, E.Leclerc, Lindt, Vinci, Boygues... Coca-Cola, Generali, Primark, L'Occitane, Renault... Danone, Club Med, Decathlon, AstraZeneca, BT…
Tarification  A partir d'un dollar par utilisateur et par mois (pour mille utilisateurs minimum) pour l'intranet. Sur devis pour la digital workplace. Forfait mensuel de 200 euros pour les entreprises de moins de 100 salarié, 2 euros HT par utilisateur et par mois au-delà NC A partir de 4 dollars par utilisateur et par mois. Ajout d'extensions payantes.

Une entreprise qui veut équiper ses collaborateurs de terrain a le choix entre ces solutions dédiées ou étendre la digital workplace existante. Elle équipera alors Microsoft 365 de surcouches comme LumApps ou Powell. Une seconde possibilité qui pose toutefois la question des licences Microsoft et du référencement dans l'annuaire d'entreprise. Pour contourner ce problème d'authentification, ces surcouches proposent aux travailleurs terrain de se connecter à l'aide d'un numéro de mobile ou d'un code d'accès unique. Ils peuvent ainsi prendre part aux échanges sur le réseau social interne, voter à un sondage ou poser une question sans avoir d'identité numérique professionnelle.

Une expérience utilisateur volontairement simplifiée

Pour pallier l'absence de poste de travail fixe, ces solutions reposent sur une approche résolument "mobile first". Avec toutefois des freins à l'usage. "Peu d'entreprises ont déployé une vraie politique de bring your own device et des collaborateurs peuvent être réticents à se servir de leur mobile personnel pour un usage professionnel", rappelle Bastien Le Lann. Sans parler du respect du droit à la déconnexion. Dernière possibilité : l'approche phygitale retenue par Steeple. L'opérateur accède à la plateforme depuis une borne connectée ou un écran tactile, par exemple le panneau d'affichage de la salle de repos. "Quel que soit le support utilisé, l'approche doit être foncièrement différente et s'orienter vers une expérience utilisateur volontairement simplifiée", juge Bastien Le Lann. "Pour remonter un incident, un technicien ne doit pas avoir dix champs à remplir et trois pages à scroller. Un système de tag peut, par exemple, lui faire gagner du temps".

"Les opérateurs sur le terrain ont peu de temps de libre. Il faudra donc récompenser les contributeurs"

Au-delà des applications professionnelles, le collaborateur devra retrouver un fonds documentaire lié à l'exercice de son métier, un module de chat pour dialoguer avec ses collègues et des services RH pour poser ses congés ou envoyer des notes de frais. En revanche, la communication corporate et les événements institutionnels intéresseront faiblement ce type de population. Si la simplicité est de mise, Thomas Poinsot estime néanmoins qu'il faut prévoir une conduite du changement et des mécanismes de gamification pour favoriser l'engagement. "Les opérateurs sur le terrain ont peu de temps de libre. Il faudra donc récompenser les contributeurs d'une façon ou d'une autre", argue le consultant.

Beezy, la surcouche à Microsoft 365

Conçu comme une surcouche à Microsoft 365, Beezy étend les capacités de collaboration et de communication de la suite de l'éditeur de Redmond pour en faire une plateforme sociale. Cet éditeur espagnol a transformé les capacités de publication de SharePoint en un éditeur de contenus (CMS) tout en s'affranchissant de la complexité de ce dernier.

Fonctionnant comme un "Wikipédia d'entreprise", Beezy dessilote l'information pour la rassembler dans des espaces dédiés à des communautés ou des départements d'entreprise. Pour favoriser l'engagement, Beezy organise les flux d'actualités en fonction du profil de l'employé. Résolument mobile-first, Beezy met en avant son application mobile pour iOS et Android.

La plus-value principale de Beezy s'inscrit dans la gestion des flux de travail. Son API permet, à l'aide d'outils de développement no code comme Power Automate de Microsoft ou Nintex, d'intégrer automatiquement des demandes de services issues de Salesforce, Workday ou ServiceNow. Un technicien peut ainsi résoudre un ticket d'incident sans avoir à se connecter à l'application tierces. De la prise d'informations au déclenchement d'un service, Beezy se veut ainsi l'application que le collaborateur utilise toute la journée. Son principal concurrent n'est autre que LumApps.

Sociabble, l'apôtre de l'employee advocacy

A sa création en 2014, Sociabble oriente sa plateforme vers l'employee advocacy. L'enjeu ? Faire des collaborateurs les ambassadeurs de leur entreprise sur les réseaux sociaux. Présente dans plus de 80 pays, cet éditeur français a convaincu Coca-Cola, Disney, Microsoft, Allianz, L'Oréal ou Renault.

"Toute la plateforme est conçue pour inciter à consommer et partager des contenus, par des procédés de gamification", note Bastien Le Lann. "Sociabble sait aller chercher les utilisateurs et les relancer pour les faire passer d'une attitude passive à une posture active." Elle fait notamment appel à des quizz, des badges et des sondages.

Sociabble est aussi un hub de communication interne, centralisant et dirigeant le trafic vers les intranets ou les réseaux sociaux d'entreprise comme Workplace by Meta. Hébergée dans le cloud de Microsoft (Azure), la plateforme propose une intégration avancée à l'environnement de Microsoft 365 et tout particulièrement à Yammer et Teams pour pousser du contenu mais aussi pour s'authentifier (via l'annuaire Azure Active Directory). Sociabble distribue, par ailleurs, des modules dédiés à la stratégie d'influence et de marque employeur ou de social selling.

Steeple, l'approche phygitale

Créée en 2015, Steeple propose une solution de communication via une application web compatible avec les écrans tactiles. L'entreprise rennaise compte plus de 700 clients évoluant dans les secteurs de l'industrie, de la grande distribution ou de l'agroalimentaire. Ayant mis le cap sur l'international, elle prévoit cette année de doubler ses effectifs.

L'originalité de Steeple tient de son approche phygitale. "Sorte d'intranet pensé pour le terrain, cette plateforme profite des écrans en salle de pause pour pousser des informations", explique Bastien Le Lann. Une fois authentifié avec un code pin, le salarié consulte le flux d'actualités du réseau social. Il peut liker un billet, le commenter, répondre à un sondage, poser une question, contribuer à la boîte à idées.

Photos, vidéos, Gif, PDF... Steeple propose une grande variété de contenus aux côtés d'un module de traduction automatique. La solution intègre également une messagerie pour favoriser les échanges entre collègues. Une bibliothèque de plus de 50 modules (recouvrant organigramme, météo, réservation de salle, anniversaires, pronostics sportifs…) permettent de la personnaliser l'affichage. Le principal concurrent de Steeple est Cenareo, spécialiste de l'affichage dynamique.

Workplace, la familiarité de l'interface

Workplace from Meta a été lancé 2016 pour embarquer toute l'entreprise y compris les frontline workers. Articulée autour d'un fil d'actualités pour un usage mobile, la déclinaison professionnelle de Facebook a pour avantage de proposer une interface connue de tous. Pas besoin de formation, la prise en main est instantanée.

Au-delà de la création de groupes, Workplace propose la diffusion d'événements vidéo en direct, un module de chat, une bibliothèque de connaissances, un outil de sondage... La solution s'intègre à Google Drive, Microsoft OneDrive et SharePoint, ou encore à Dropbox et Jira.

Fin 2020, Meta a lancé un module spécifiquement destiné aux frontline workers. Baptisé Shift Cover, cet outil de planification permet de piloter les rotations des équipes de terrain. Selon TechCrunch, Meta prévoit aussi d'intégrer, cette année, WhatsApp à Workplace. Une messagerie instantanée qui, comme évoqué plus haut, est déjà utilisée par un grand nombre de travailleurs en première ligne pour s'organiser.