Comment Alpine F1 fait carburer ses moteurs à la data et l'IA

Comment Alpine F1 fait carburer ses moteurs à la data et l'IA L'écurie de Renault consolide ses données de simulation comme celles captées sur piste dans le cloud Azure de Microsoft. Le machine learning entre aussi en course.

Ecurie officielle de Renault depuis 2021, Alpine BWT F1 Team s'inscrit dans la stratégie de relance de la marque Alpine par le constructeur automobile français. Jusqu'alors baptisée Renault DP World F1 Team, elle n'a pas attendu ce virage pour passer à l'ère de la data cloud platform. Dès 2019, elle se déploie dans ce domaine. Objectif affiché : centraliser les indicateurs de mesure de l'ensemble de ses systèmes IT opérationnels. Un projet des plus stratégiques : à la demande de la Fédération internationales d'automobile, la vaste majorité des séances d'essai avant course sont désormais mises en œuvre via des simulations numériques. Les essais sur piste se réduisent à quelques jours dans l'année tout au plus.

Souffleries de test aérodynamique, bancs d'essai moteurs et suspensions, télémétrie des voitures... Hébergée sur le cloud Azure de Microsoft, la data platform d'Alpine agrège des données chronologiques produites simultanément par tous ses systèmes opérationnels, sans oublier leurs informations de configuration. "Nous avons opté pour la data plateform KX de First Derivatives pour sa vitesse d'ingestion. Notre objectif étant d'encaisser jusqu'à 10 millions d'événements par seconde", explique Pierre d'Imbleval, vice-président IS/ IT d'Alpine. L'enjeu ? Livrer les résultats des simulations dans la console de dataviz de KX au fur et à mesure des optimisations réalisées par les ingénieurs.

Impression 3D

Bénéficier des données de simulation au plus vite est synonyme de prototypage rapide pour Alpine. Un enjeu clé dans la compétition. "Sur la base de résultats obtenus en soufflerie (et remontés dans la data platform, ndlr), on pourra par exemple réimprimer immédiatement en 3D la pièce testée avant d'éprouver à nouveau son aérodynamisme. Au total, ce rythme nous permet d'extraire beaucoup plus de performance entre deux rencontres", souligne Pierre d'Imbleval. Suivant un calendrier de 23 événements par an, la course contre la montre pour Alpine commence bien avant les voitures engagées en compétition.

"Le casque de réalité mixte Hololens de Microsoft nous permet de lancer des sessions de support entre les ingénieurs-concepteurs à l'usine et les opérateurs sur piste"

"Malgré la maitrise que nous avons de la chaine de corrélation, il arrive que les performances mesurées à Barcelone lors des quelques essais de début de saison ne soient pas celles escomptées", reconnait le vice-président. Les données des voitures sur piste sont alors transmises en temps réel, via la plateforme KX, aux ingénieurs basés à l'usine d'Alpine. Dans la foulée, ces derniers peuvent plancher sur un nouveau profil de composant. Les tests de simulation sont réalisés le jour même avant d'imprimer la nouvelle pièce. Acheminée à Barcelone pendant la nuit, elle est installée sur la voiture dès le lendemain matin pour être opérationnelle dès la séance d'essai qui suit. "Le casque de réalité mixte Hololens de Microsoft nous permet de lancer des sessions de support entre les ingénieurs-concepteurs à l'usine et l'opérateur chargé de remonter la pièce sur le circuit. Il est ainsi guidé à distance en conservant les mains libres", complète Pierre d'Imbleval.

Aux côtés de la simulation, l'équipe de Formule 1 de Renault mise sur le machine learning pour la détection d'anomalies. Sans surprise, les mesures aérodynamiques font partie des principaux cas d'usage. Explication : le sous-moteur des Formules 1 d'Alpine (appelé fonds plat dans le langage des experts) est constellé de capteurs de pression visant à estimer la capacité de la voiture à adhérer au sol. De cette capacité dépend la vitesse de la voiture dans les virages. Pour identifier une potentielle défaillance de l'un d'eux, les données issues de chacun sont comparées à celles produites par les autres senseurs qui l'entourent. "Nous réutilisons ce type d'algorithme pour détecter d'autres anomalies liées par exemple à des ratés d'allumage des moteurs", ajoute Pierre d'Imbleval. Autre cas d'usage de l'intelligence artificielle chez Alpine F1 : l'analyse prédictive appliquée à certains composants clés de la mécanique comme les arbres de rotation.

Jumeaux numériques

Pour la suite, l'écurie envisage d'agrémenter les données de mesure stockées dans le cloud de Microsoft d'informations de nomenclature. Le but ? Donner aux ingénieurs d'Alpine accès à tous les numéros de série des pièces assemblées sur les voitures. "Nous nous rapprocherons ainsi du concept de jumeau numérique avec une modélisation complète du véhicule, de sa performance à sa configuration technique dans ces moindres détails", confie Pierre d'Imbleval.

Au sein du cloud de Microsoft, l'écurie a notamment recours à Synapse Analytics pour stocker les données de sa data platform. Côté machine learning, Alpine utilise les Azure Cognitive Services, ainsi qu'Azure DevOps pour gérer le versionning d'algorithmes. Toutes ces briques sont mises à la disposition d'Alpine BWT F1 Team dans le cadre d'un partenariat de sponsoring signé avec le groupe américain. C'est aussi le cas de l'ERP en mode cloud de l'éditeur, Dynamics, de ses casques Hololens, mais aussi de Microsoft Teams. Combinant visioconférence et messagerie d'équipe, Teams permet à l'écurie d'optimiser la collaboration entre son site d'Enstone en Angleterre, qui fabrique ses châssis, son site de Viry-Châtillon, qui assemble les moteurs, et les différents circuits où elle est engagée en course. Quant à Azure ExpressRoute, il gère le transfert des données de mesure vers la data platform.