Urgence climatique, urgence technologique : le double combat des banques

Avec la nouvelle taxonomie verte européenne, les banques doivent consentir des investissements conséquents sur la collecte des données. Un défi pour un secteur en pleine transformation. Décryptage.

La pression de l’Autorité Bancaire Européenne s’intensifie. L’été dernier, les banques européennes ont été sommées de se doter d’un plan sur 10 ans afin de préciser la manière dont elles géreront les risques ESG. Depuis le mois de juin, elles doivent également communiquer des informations quantitatives sur les risques climatiques et des informations qualitatives sur les risques ESG au sens large dans le cadre du Pilier 3.

La mise en œuvre de ce reporting suppose une discipline importante en matière de standardisation et de qualité des informations fournies au marché. Pour les banques, il est donc plus qu’urgent de consentir des investissements conséquents dans la collecte des données. Un défi et un impératif pour des établissements dont la transformation numérique reste encore à parachever.

Un langage commun pour bien mesurer l’impact environnemental

Jusqu’à récemment, la communication des banques sur leur impact environnemental s’appuyait sur le reporting extra financier, plus souvent utilisé comme un outil de communication plutôt qu'un outil de reporting réel. La Taxonomie verte européenne tend à corriger cette dérive en mettant en avant de nouveaux indicateurs de mesure de l’impact réel des activités sur le changement climatique. Signe-t-elle pour autant la fin du greenwashing ? Pour les banques, l’adoption d’un langage commun à tous les acteurs du secteur suppose de répondre à de nouvelles obligations en matière de reporting. Un objectif ambitieux pour des établissements qui peinent encore aujourd’hui à fournir l'intégralité des données environnementales pour les entités qui se trouvent dans leur portefeuille. Beaucoup d’entre eux sont encore rendus à utiliser des proxys pour estimer les émissions carbone de scope 1, 2 et 3. Toutefois, ces proxys offrent une vision globale mais parcellaire de l’impact de l’activité des tiers concernés sur le dérèglement climatique.

Tout l’enjeu réside donc dans la capacité des banques à mettre en place des approches hybrides qui font appel au machine learning et au traitement du langage naturel (NLP). De telles approches offrent la possibilité de sourcer des données à partir d’informations issues de données non-structurées (analyses sectorielles, rapports d’activités annuels, etc.). Mais les banques ne peuvent pas s’arrêter là ! Il est impératif qu’elles continuent à innover et multiplier ces sources par l’intermédiaire de fournisseurs externes de données ESG, avant de les croiser avec des données classiques tirées des informations financières. Cette approche permet de concevoir des modèles d’évaluation des risques environnementaux précis qui s’appuient sur des données granulaires, essentielles pour bien calculer l’impact environnemental des contreparties qu’ils financent.

Des projections sur 30 à 50 ans pour traduire l’impact environnemental en risque financier

Cependant, un effort supplémentaire doit être fourni. En effet, les banques ont déjà pour habitude d’évaluer l’impact d’événements imprévus sur les principaux indicateurs financiers dans le cadre d’exercices réglementaires de stress test sur un horizon de temps limité. Or, la neutralité carbone s’envisage sur une période de 30 à 50 ans ! Et il faut pour cela être en capacité de bien matérialiser l’impact environnemental sur les indicateurs de risque sur un horizon de temps plus long.

Un exercice complexe par définition… On a pu constater l’écart important entre les impacts réels de la crise du Covid et les scénarios les plus pessimistes alors envisagés par les institutions bancaires. Dès lors que ces projections dépassent l’aspect purement technologique, les banques entrent dans un territoire inconnu où, pour pallier le manque de données qui permettent de prédire l’évolution du changement climatique, elles se voient dans l’obligation de multiplier les scenarii de projections et les calculs, coûteux en ressources. Le chemin vers la décarbonation est sinueux : c’est pourquoi il est indispensable de tester plusieurs stratégies et analyser leurs impacts, à la fois sur les portefeuilles et les indicateurs clés.

Par ailleurs, ce changement est loin d’être transitoire puisque les institutions financières sont appelées à renouveler ces exercices régulièrement. Elles doivent donc réfléchir à l’automatisation et l’industrialisation de ces processus, dans un double objectif assumé : circonscrire les dépenses au strict minimum et optimiser le temps passé sur les analyses et le reporting. S’appuyer sur un outil suffisamment évolutif et adaptable à l’échelle permet de répondre à un besoin de performance sur le long-terme. C’est essentiel sur la voie de la neutralité carbone : la technologie doit servir la prise de décisions stratégiques.

Seules, les institutions financières ne pourront pas répondre à l’enjeu climatique. Ce n’est qu’en collaborant entre elles sur le sujet et en bénéficiant d’un accompagnement méthodologique et technologique qu’elles sauront faire face aux nouvelles exigences des stress tests climatiques. Le temps presse : les banques ont déjà toutes les clés en main, elles doivent désormais se donner les moyens de leurs ambitions, et vite.