Comment l'IA traque la contrefaçon… et les contrefacteurs

Comment l'IA traque la contrefaçon… et les contrefacteurs En France, WebDrone et Cypheme mettent tous deux l'intelligence artificielle au service de la détection de produits falsifiés. C'est aussi le cas de l'américain MarqVision.

Le marché annuel de la contrefaçon se hisse à 460 milliards d'euros, soit 3,3% du commerce mondial. C'est là la dernière évaluation, dressée en 2019, de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Luxe, cosmétique, habillement, médicament, vin et spiritueux, création artistique... De nombreux secteurs sont concernés. Face à ce fléau, l'IA est une solution toute trouvée. Ses modèles d'apprentissage permettent de dénicher les fraudes en traquant de multiples indices sur le web, là où se concentre la vaste majorité de cette activité. Le français WebDrone et l'américain MarqVision sont tous deux positionnés sur ce créneau.

"Nous crawlons les réseaux sociaux et places de marché pour analyser comment sont conçus les annonces, leur structure et leur contenu à la fois en termes d'image, de texte et de prix", explique Didier Douilly, chief business officer chez WebDrone. En se basant sur un modèle d'apprentissage à base d'arbre de décision couplé à une analyse sémantique, la solution de l'éditeur de Dijon parvient à détecter les falsifications. "Au regard des volumes d'annonces, de leur récurrence, des tarifs pratiqués [...], nous classons ensuite les vendeurs par ordre d'importance", complète Didier Douilly.

Traquer les annonces

Chez MarqVision, acteur très actif depuis quelques mois sur le marché français, la démarche est équivalente. Comme WebDrone, il actionne des arbres de décision pour analyser les annonces. La finalité ? Identifier les expressions à risque dans les descriptions de produit et avis d'acheteurs. Par exemple : "Aussi bien que l'original", "Superbe réplique", "Super tarif par rapport à la qualité"... "Nous avons recours en parallèle au réseau de neurones de reconnaissance d'image RestNet101 pour détecter les photos de produit contrefait", explique Emmanuel Alavoine, head of expantion Europe chez MarqVision. Dans un deuxième temps, l'entreprise de Los Angeles estime un score visant à cerner le degré de différence avec les originaux qui auront été préalablement fédérés dans un data set de photos étiquetées.

"A partir des informations relevées au départ, nous lançons des recherches sur le web pour remonter la filière par rebonds successifs de site en site"

"Sur les places de marché, les vendeurs publient des images originales. Mais ce n'est pas le cas sur les réseaux sociaux où les influenceurs mettent forcément en avant les articles contrefaits. C'est là que la reconnaissance d'image prend toute son importance", souligne Emmanuel Alavoine.

Au-delà de la détection des annonces frauduleuses, WebDrone a mis au point un algorithme d'investigation visant à glaner des indices sur les sociétés se cachant derrière les vendeurs identifiés. "A partir des informations relevées au départ, comme leur pseudo sur les marketplace, des noms ou des numéros de téléphone, ce modèle de machine learning va lancer des recherches sur le web pour trouver de nouveaux indices qui permettront de remonter la filière par rebonds successifs de site en site", détaille Didier Douilly. Là encore, une couche d'analyse sémantique augmentée par un arbre de décision cernera si les pages en question font référence aux pratiques associées de près ou de loin à la contrefaçon : escroquerie, blanchiment, corruption...

Pour WebDrone comme pour MarqVision, l'objectif est équivalent : récupérer un maximum de traces numériques en vue de demander à une place de marché la suspension du compte d'un vendeur, voire si besoin d'engager des poursuites juridiques.

Détecter le produit contrefait

Par-delà le web, reste à savoir comment identifier un produit contrefait dans la vraie vie. Un enjeu qu'a décidé de relever une autre société française : Cypheme. Et ici aussi, l'IA fait partie de l'équation. Cette société parisienne articule son offre autour d'une étiquette à apposer sur les produits. Sa particularité ? Elle embarque un composant chimique générant une structure unique. "C'est le même principe que les flocons de neige dont les architectures ne sont jamais identiques", explique Charles Garcia, cofondateur et CEO de Cypheme. A partir d'une simple photo de l'étiquette prise depuis un smartphone, l'IA de l'éditeur sonde l'identifiant chimique par reconnaissance d'image, et ce quel que soient les conditions de luminosité et d'angle de prise de vue, puis le compare à celui stocké au format numérique dans sa base de données. Si la correspondance est parfaite, on a alors la preuve que le produit n'est pas contrefait.

Cypheme propose sa solution sous la forme d'une web app qui s'intègre aux sites ou applications mobiles de ses clients. Objectif : permettre à n'importe qui, du revendeur au client en passant par le douanier, de vérifier que le produit est bien l'original. "Nous envisageons à l'avenir de créer une intelligence artificielle qui se passera de l'étiquette, et se basera sur le produit lui-même pour cerner la contrefaçon", confie Charles Garcia. "Cette technique a néanmoins un inconvénient comparé à la première : elle ne fonctionne pas pour les contrefaçons réalisées dans la même usine, qui par définition ne présentent aucune différence avec le produit original." Les contrefacteurs ont plus d'un tour dans leur sac.